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Chapitre 1 : Introduction

2. Régulation de l’expression génique par la chromatine

2.1. Définition de chromatine

L’ADN renferme l’ensemble des informations nécessaires au fonctionnement d’un organisme. Afin de contrôler l’information génétique, l’ADN est sujet à différents niveaux de compaction (Figure1.5). Le premier est une association de deux tétramères composés des histones H2A, H2B, H3, H4 autour duquel s'enroulent 147 paires de bases (pb) de l'ADN, formant ainsi le nucléosome, qui correspond au premier niveau de la chromatine (ADN et protéines associées) (Figure1.5). On a longtemps considéré que la chromatine avait uniquement pour fonction la condensation de l’ADN, mais on sait maintenant que la chromatine contribue à modifier la façon dont la cellule interprète la séquence d’ADN. Ces régulations chromatiniennes sont cruciales au cours de la croissance et du développement, puisqu’elles permettent notamment le maintien des fonctions de chaque type cellulaire qui contiennent un génome identique. Ayant un rôle fondamental dans l’expression du génome, le disfonctionnement des régulations chromatiniennes peut entraîner des effets néfastes, chez les plantes comme chez les animaux (Kinoshita et al. 2001 ; Margueron & Reinberg 2010). Les régulations chromatiniennes font intervenir de nombreux types de modifications chimiques qui peuvent avoir lieu à différents niveaux (Tableau 1.1).

Tout d’abord, l'ADN lui-même peut être méthylé sur ses résidus cytosines. Selon le contexte (CG, CHG ou CHH où H correspond aux bases A, T ou C), différentes voies de méthylation sont mises en place et peuvent faire intervenir des petits ARN interférants (siRNA). Cette méthylation de l'ADN réprime fortement l'expression des séquences ciblées. Elle est notamment retrouvée au niveau d'éléments transposables et de séquences répétées qui ne doivent pas être exprimés afin de maintenir l'intégrité du génome (Quadrana et al. 2016). La méthylation de l’ADN est également retrouvée sur le corps des gènes, avec un effet variable sur l’expression (Teixeira & Colot 2009).

Ensuite, les histones formant le nucléosome peuvent également être modifiées à différents niveaux. Elles peuvent être remplacées par d'autres histones dont la séquence protéique varie ponctuellement, nommées variants d'histones, qui vont impacter notamment la stabilité du nucléosome et donc l'accessibilité de l'ADN. Par exemple, le variant H2A.Z peut être déposé en 5' des gènes pour promouvoir la transcription et présente un rôle antagoniste à celui de la méthylation de l’ADN (Zilberman et al. 2008).

Tableau 1.1 : Illustration des principales modifications chromatiniennes, de

la région génomique ciblée et de leur corrélation avec la transcription.

Adapté de : Kouzarides, 2007 ; Wang et al. 2007 ; Veiseth et al. 2011 ; Roudier

et al. 2011; Sequeira-Mendes et al. 2014 ; Wang et al. 2016.

Niveau Cible Type de

modification Région génomique ciblée

corrélation avec la transcription 5mC éléments transposables -5mC corps du gène +/-H3.1 éléments transposables

-H3.3 promoteur à corps du gène +

H2A H2A.Z 5' et 3' du gène

+/-me1 corps du gène et 3' +

me2 promoteur et 5' du gène +

me3 promoteur et 5' du gène +

me1 éléments transposables

-me2 éléments transposables

-me3 5' et 3' du gène +

me1 éléments transposables et

régions intergéniques

-me2 éléments transposables et gènes

-me3 promoteur à 3' du gène

-me2 corps du gène +

me3 corps du gène +

H3K9/14/18/

23/27/56 ac TSS et 5' +

H4R3 me2 promoteur proximal

-H4K20 me1 éléments transposables

-H4K5/8/12/16 ac TSS et 5' du gène + H2AK119 Ub 5' du gène -H2BK143/146 Ub corps du gène + ADN H3 ADN Variant d'histone Modifications post-traductionnelles des histones H3K4 H3K9 H3K27 H3K36

Les histones peuvent également subir des modifications post-traductionnelles sur leur queue N terminale, qui selon le résidu et le type de modifications, va favoriser ou limiter la transcription. Divers types de modifications post-traductionnelles (acétylation, ac ; méthylation, me ; ubiquitinylation, Ub ; phosphorylation, P) impactent différentiellement l’expression des gènes et de nombreux résidus (lysine, K ; arginine, R ; sérines, S ; thréonine, T) peuvent être modifiés sur chaque histone (Kouzarides, 2007). De plus, le degré de méthylation d’un même résidu arginine ou lysine peut être multiple (mono-, di- voire tri-méthylé pour les lysines) et n’impacte pas de la même façon l’expression des gènes. Par exemple, un enrichissement en tri-méthylation sur la lysine 9 de l'histone H3 (H3K9me3) est retrouvé aux loci de gènes transcriptionnellement actifs, alors que l'enrichissement en H3K9me2 est associé à la répression des éléments transposables (Roudier et al. 2011). Ainsi, chaque degré de méthylation d'un même résidu constitue une marque chromatinienne différente. De ce fait, un très large panel de modifications existe (Tableau 1.1). Nous nous focaliserons par la suite sur les modifications post-traductionnelles des queues d’histones.

Pour un locus donné, toutes les modifications chromatiniennes ne ciblent pas la même région. L'acétylation des K, présente une distribution similaire quelle que soit la K, avec un enrichissement au niveau du site d'initiation de la transcription et en 5' des gènes transcriptionnellement actifs. À l'inverse, les régions ciblées par la méthylation des K dépendent du degré de méthylation et du résidu modifié. Également associée aux gènes transcriptionnellement actifs, on retrouve H3K4me3 au niveau du promoteur et en 5' du gène, alors que H3K36me3 est enrichie dans le corps du gène (Wang et al. 2016). Au niveau des séquences riches en gènes, un large panel de marques "activatrices" (corrélées à une transcription élevée) existe, tandis que peu de marques "répressives" (corrélées à une transcription faible) sont observées. Parmi ces dernières, H3K27me3 couvre toute la séquence génique et présente une fonction antagoniste aux H3K4me3 et H3K36me3 dans de nombreux modèles (Jiang et al. 2008 ; Yang et al. 2014), et dans une moindre mesure, H3K27me2. H2AK119Ub cible également la partie 5' des gènes peu actifs et est étroitement liée à l'enrichissement en H3K27me3 (Bratzel et al. 2010 ; Yang et al. 2013 ; Blackledge et al. 2014 ; Cooper et al. 2014 ; Kalb et al. 2014).

Nous avons présenté jusqu’ici chaque marque individuellement en fonction de l'état transcriptionnel des régions ciblées. Néanmoins, c’est en général la somme de différentes modifications ayant la même fonction, exercées à un locus donné, qui constitue la régulation chromatinienne. On parle alors d'état chromatinien, qui peut être favorable ou répresseur pour

Figure 1.6 : Représentation des quatre états chromatiniens obtenus par

Roudier et al. (2011) en fonction des modifications chromatiniennes qui les

composent, des régions ciblées ainsi queleur impact sur la transcription .

L’analyse de 12 modifications chromatiniennes révèle quatre états

chromatiniens (Chromatin States, CS1 à CS4) distingués par les marques

chromatiniennes qui les composent (A), leur distribution sur le génome (B) et

leur corrélation à l’état transcriptionnel des gènes qu’ils ciblent (C).

A

la transcription. Pour un même locus, cet état peut varier d’un tissu à l’autre, voire même d’une cellule à une autre. Ainsi, différents états chromatiniens contrôlent l’expression d'un unique génome.

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