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Définition et analyse comparative des deux formes d’ architectures

1. La définition de la structure financière :

Dans son livre séminal intitulé structure financière et développement, Raymond W Goldsmith a définit la structure financière comme étant ; une mixture d'instruments financiers de marchés financiers et d'institutions qui opèrent dans une économie. La structure financière d'une économie peut être conçue ainsi, comme étant la morphologie des phénomènes financiers.

Toutefois, dans notre assertion, on s'attachera à la conception “stricto sensu " de la structure financière, à savoir sous l'angle : des institutions financières, des instruments financiers et des taux d'intérêt. En l'occurrence, une structure financière dite saine - sous l'angle sus-indiqué -doit permettre de canaliser les ressources financières, forcément limitées, vers les activités les plus rentables.

2. La performance et la suprématie des deux formes d’architecture financière :

La relation entre la structure du système financier et l'efficacité avec laquelle l'épargne est investie dans l'économie a été au cœur d'un débat intense sur les avantages et les inconvénients du système financier dominé par les marchés (SDM) comparé au système financier dominé par les banques (SDB). Le premier système s'apparente à une économie de marché et le second à une économie d'endettement. La question qui se pose est la suivante : un SDM a t-il un impact plus fort sur la croissance qu'un SDB? Ou inversement ?

Dans les années 80 où les performances de l'économie américaine étaient faibles en comparaison de celles du Japon, la structure du système financier japonais dominé par des banques apparaissait comme l'élément déterminant de ses performances économiques. l'organisation du système financier américain est l'opposé de celle du système financier allemand ou japonais. Les entreprises japonaises peuvent investir dans des projets de long terme grâce à leur actionnariat durable, alors que les entreprises américaines ne peuvent pas se le permettre à cause de la volatilité de leur actionnariat. Mais, les faibles performances de l'économie japonaise dans les années 90 ont apporté un bémol à ce point de vue. En particulier il est apparu que la dépendance à long terme d'une entreprise au financement d'une

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banque peut accroître son coût de financement, à cause du comportement rentier de la banque.

La théorie économique ne permet pas de trancher sur la structure du système financier adéquat pour promouvoir la croissance. Certains auteurs défendent la suprématie des SDM sur les SDB, d'autres l'inverse. Ensuite, il existe une troisième catégorie d'auteurs qui pensent que les banques et les marchés financiers sont complémentaires dans le système financier. Enfin, pour une dernière catégorie d'auteurs, la distinction entre SDM et SDB est secondaire et ne devrait pas avoir lieu d'être car c'est plutôt la qualité du système légal qui importe. Les chefs de file de ce courant de pensée sont La Porta, Lopez-de-Silanes, Shleifer et Vishny (1998, 1999). Ces auteurs s'opposent à l'idée qu'un SDM et un SDB aient des implications différentes pour la croissance économique. Pour eux, le système légal est le principal déterminant de l'efficacité du système financier et la différence entre économie de marché et économie d'endettement reste secondaire et n'est pas capitale pour la politique économique.

Quels sont les avantages et les inconvénients d'un SDM par rapport à un SDB ? Dans les lignes qui suivent nous essaierons d'apporter des éléments de réponses en particulier en ce qui concerne la gestion de risques, le contrôle des entrepreneurs et l'acquisition de l'information.

Une des fonctions du système financier est d'offrir des opportunités de partage de risques pour les agents économiques. Pour les défenseurs des SDM, une caractéristique des SDM à l'instar du système financier américain est la disponibilité d'une variété considérable de produits financiers contrairement aux SDB. Cette diversité des instruments et des marchés fournit des opportunités de partage de risques et permet aux agents économiques de disposer de produits adaptés à leurs besoins. Cependant, pour les défenseurs des SDB, les intermédiaires financiers peuvent offrir de manière compétitive des opportunités de partage de risques ou de couverture lorsque les marchés ne sont pas parfaits, ou incomplet, ou lorsque la participation à ces marchés est incomplète. Supposons par exemple que les marchés soient complets, que la participation le soit également, mais que ces marchés soient imparfaits : l'investisseur qui souhaite profiter de rendements élevés peut toujours détenir des actifs de long terme et les vendre au prix de marché en cas de besoin de liquidité. L'investisseur fera face au risque d'incertitude sur le prix de cession de ces actifs, mais il peut aussi se couvrir contre ce risque.

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Cependant, comme les marchés sont imparfaits, il peut être coûteux en réalité pour l'investisseur de se couvrir contre les risques associés aux fluctuations des prix des actifs. En présence d'imperfections des marchés, les intermédiaires financiers peuvent être en mesure d'offrir une meilleure couverture, ou une couverture à moindre coût que les marchés. Par ailleurs, dans d'autres circonstances, en particulier en matière de partage de risques inter temporels, les intermédiaires financiers peuvent offrir de meilleures solutions que les marchés boursiers (Allen et Gale, 1999).

Une autre fonction des intermédiaires financiers et des marchés financiers est d'exercer un contrôle sur les entrepreneurs et la gestion des entreprises, une fois le financement obtenu. Pour les auteurs favorables aux SDB, le fait que les épargnants délèguent la fonction de supervision aux intermédiaires financiers, minimise les coûts de surveillance par rapport à la situation où chacun des épargnants exercerait individuellement son contrôle. Pour les défenseurs des SDM, le bon fonctionnement des marchés boursiers peut également aider à exercer un contrôle à moindre coût sur les entreprises, une fois qu'elles ont été financées, en facilitant les changements de direction et en liant la rémunération des gestionnaires aux performances de l'entreprise. Ces auteurs soulignent également que les SDB ne favorisent pas les petits actionnaires. En effet, les banques agissent dans leur propre intérêt : elles peuvent rentrer en collusion avec les dirigeants des entreprises au détriment des intérêts des autres créanciers, en particulier les petits actionnaires. Ainsi, les banques peuvent empêcher certains actionnaires de changer la direction de l'entreprise si cette dernière est particulièrement généreuse envers ces banques (Black et Moersch, 1998).

Une différence importante qui peut exister entre un SDM et SDB est le volume d'information disponible sur les entreprises. Dans les SDM, un grand nombre d'entreprises sont cotées sur les marchés boursiers et sont dans l'obligation de publier leurs comptes, et de fournir régulièrement des informations sur leurs performances. Il y a donc beaucoup plus d'information disponible, et ceci a des implications sur l'allocation de l'investissement dans le sens où celle-ci permet aux entreprises de prendre de bonnes décisions d'investissement, par exemple en ce qui concerne l'entrée ou le désengagement dans un secteur.

1 Allen .F et Gale.D ( 1999),op.cit,.p.123. 2 Ibid,p.124.

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Par ailleurs, le développement des marchés boursiers peut inciter les agents économiques à allouer des ressources de plus en plus importantes dans la recherche d'information sur les entreprises dans le but de pouvoir réaliser des profits dans un marché assez liquide et volumineux. Cependant, pour Stiglitz (1985), les marchés financiers révèlent rapidement l'information aux investisseurs, ce qui ne les incite pas à allouer des ressources financières ou du temps matériel à la recherche d'information sur les entreprises. Il se pose alors un problème de passager clandestin. Si un investisseur acquiert des informations (qui ont un coût) sur une entreprise, les autres vont observer le résultat de ses recherches lorsqu'il achète (ou vend) des actions sur le marché. Ce qui peut pousser les autres investisseurs à faire de même, par exemple à acheter les mêmes actions. Ainsi le prix de l'action augmente, et au final l'investisseur de départ paiera l'action plus chère que ce qu'elle aurait été s'il n'y avait pas de problème de passager clandestin. Ce cas de figure se pose moins dans un SDB puisque les banques peuvent investir sans rendre immédiatement publiques leurs décisions.

Dans les SDB, ce sont les banques qui disposent de plus d'informations sur la situation financière et comptable des entreprises. Par conséquent, les banques peuvent avoir une grande influence sur les entreprises, mais cette influence peut être parfois négative. En effet, une fois que la banque acquiert des informations sur une entreprise, elle peut en extraire une rente et l'entreprise paie cher son accès aux financements bancaires. Cette capacité à extraire une part significative du profit des investissements de l'entreprise peut pousser celle-ci à limiter ses efforts à entreprendre des projets innovants et profitables.

En somme, dans la théorie économique on ne peut pas juger de la supériorité d'un système par rapport à l'autre. En revanche dans les études empiriques, les résultats sont assez clairs. D'une part, ces études plaident globalement en faveur de la complémentarité entre les banques et les marchés financiers, et d'autre part en faveur de l'absence de corrélation entre la structure du système financier et la croissance économique. Ces études montrent que ce n'est pas la structure du système financier qui compte, mais plutôt la quantité et la qualité des services financiers disponibles ainsi que l'efficacité du système légal à protéger les droits des investisseurs et des créanciers.

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Levine (2002) examine la relation entre la structure du système financier et les performances économiques sur un échantillon de 48 pays de I980 à 1995. Les résultats qui rejettent l'opposition théorique entre les arguments favorables au SDB et ceux favorables au SDM, indiquent que le développement de l'ensemble du système financier est positivement corrélé et de façon robuste à la croissance économique, mais que la structure du système financier ne l'est pas. Par ailleurs l'auteur montre également que la composante du développement financier expliquée par la qualité du système légal a un impact positif significatif sur la croissance économique.

Avec des données dur les entreprises d’une quarantaine de pays sur la période1989- 1996, Demirguc-Kunt et Maksimovic (1998) ont trouvé que l’utilisation de financements externes par les entreprises est positivement reliée au niveau d développement des banques et des marchés boursiers.