• Aucun résultat trouvé

Afin de protéger la femme soumise au statut de droit commun engagée dans un mariage mixte, les magistrats et la doctrine vont dégager un ensemble de règles en matière de formation, d’effets et de rupture du lien matrimonial. Ils utilisent le principe du mariage putatif et rejettent le droit du mari à la polygamie (§1). Dans la même optique, ils interdisent la répudiation et posent la question des droits de succession lorsque l’union cesse en raison du décès de l’époux (§2).

§1 - La formation et les effets du mariage.

La femme soumise au droit commun dont le mariage ne s’est pas réalisé selon les formes prévues par la loi française, mais qui l’a contracté de bonne foi, voit son union reconnue comme putative. Elle est ainsi protégée contre les mauvaises intentions de son époux. En Algérie, la méconnaissance du droit français dont font parfois preuve les parties entraîne la nullité des mariages mixtes. Cette conséquence

pouvant être préjudiciable aux parties – en particulier à la femme669 – la jurisprudence applique à ce type d’unions la théorie du mariage putatif670. Cette théorie permet d’affirmer la nullité ou l’inexistence du mariage tout en lui donnant des effets civils671. Les tribunaux emploient indifféremment les deux formules. Larcher dénonce l’amalgame entre les deux672. Il cherche à montrer que ces mariages ne sont pas nuls mais bien inexistants car ils ne répondent pas aux critères du Code civil. Pourtant, dans la pratique, la seule condition de fond qu’exigent les tribunaux d’Algérie est que les époux – ou l’un des époux – soient de « bonne foi »673. La jurisprudence est constante sur la reconnaissance de la putativité du mariage mixte dans ce cas674.

Le débat juridique n’en est pas pour autant complètement clos. Dans les années trente, la question de la loi à prendre en compte pour décider ou non de la putativité du mariage est discutée. Sur ce point, la doctrine et la jurisprudence sont majoritairement favorables à l’application de la loi française dans tous les cas.

Arminjon le justifie en affirmant que la loi qui régit les conditions de validité du

669 En se penchant sur la jurisprudence produite entre 1870 et 1919, il faut constater que sur les huit jugements portant essentiellement sur la reconnaissance du mariage putatif, la femme avait été abusée sur la qualité de son époux dans six cas (tribunal d’Alger, 1er juillet 1872, JR, 1872, p. 203 ; Cour d’appel d’Alger, 26 mai 1879, Dalloz Périodique (DP), II, 1880, p. 161 ; tribunal d’Alger, 31 juillet 1886, RA, 1890, II, p. 118 ; Cour d’appel d’Alger, 5 avril 1906, RA, 1907, II, p. 233 ; Cour d’appel d’Alger, 17 novembre 1906, RA, 1908, II, p. 46 ; justice de paix d’Alger, 13 mai 1914, RA, 1915, II, p.

208). Les deux époux sont de bonne foi seulement dans un arrêt. Dans la plupart des cas, sauf deux, l’intérêt de la femme ou des enfants est pris en compte.

670 Articles 201 (« Le mariage qui a été déclaré nul produit les effets civils, tant à l’égard des époux qu’à l’égard des enfants, lorsqu’il a été contracté de bonne foi ») et 202 du Code civil. Cette notion tire son origine du droit canon. Elle est reconnue par de nombreux droits occidentaux (cf. R.

GALLARDO, Le rôle et les effets de la bonne foi dans l’annulation du mariage en droit comparé, Paris, Sirey, 1952).

671Les principes d’application sont les mêmes en France et en Algérie.

672E. LARCHER, « Effets du mariage d’une femme indigène musulmane avec un indigène admis à la jouissance des droits de citoyen après la dissolution du mariage », op. cit., pp. 216 et s. et, du même auteur, note sous tribunal de Tunis, 4 janvier 1915, op. cit., p. 107.

673Cf. Cour d’appel d’Alger, 1er juillet 1872, op. cit., p. 203 ; Cour d’appel d’Alger, 13 février 1903, op. cit., p. 141 ; justice de paix d’Alger, 13 mai 1914, op. cit., p. 208 ; Cour d’appel d’Alger, 12 novembre 1924, RA, 1925, II, p. 117 et tribunal de Blida du 31 décembre 1931, op. cit., p. 105.

674« Si un mariage mixte célébré en la forme musulmane est nul pour vice de forme, il peut cependant valoir comme mariage putatif lorsque les époux ont cru de bonne foi s’unir dans les liens d’un mariage valable (deuxième et troisième espèces). La bonne foi se présume (deuxième espèce avec réserve ; troisième espèce). Il produit alors les mêmes effets qu’un mariage valable. Notamment la femme française conserve son statut et la condition des enfants est celle des enfants légitimes de statut français (deuxième et troisième espèces) » (RA, II, 1941, p. 14). Les espèces sont les suivantes : tribunal civil de Sidi-Bel-Abbès, 14 février 1933, op. cit., p. 15 (première espèce) ; Cour d’appel d’Alger, 29 juin 1938, op. cit., p. 21 (deuxième espèce) ; tribunal d’Alger, 7 avril 1938, op. cit., p. 22 (troisième espèce).

mariage, et au nom de laquelle la nullité peut être prononcée, doit prévaloir675. Chauveau parvient à la même conclusion en invoquant la jurisprudence qui applique ce raisonnement à deux étrangers676.

Lorsque le mariage est reconnu valide par le droit français parce qu’il a été célébré par l’officier d’état civil, la femme n’a pas d’inquiétudes à avoir quant aux droits de son mari sur sa personne. Ces inquiétudes pourraient exister dans la mesure où le statut personnel des musulmans et des israélites leur permet d’être polygames677. Or, le mariage devant l’officier d’état civil français a pour conséquence de les soumettre au droit commun. Par conséquent, si l’époux décide de s’unir à une autre femme, il est considéré comme bigame en vertu de l’article 147 du Code civil678 et risque une des peines prévues par les anciens articles 199 et 200 du Code pénal (actuellement, article 433-20)679. Le même raisonnement est appliqué en matière de dissolution du mariage mixte.

675P. ARMINJON, Précis de Droit International Privé, Paris, Dalloz, 1927, t. II, p. 460.

676 « Lors donc que c’est la loi française qui préside à la validité du mariage, c’est elle qui doit déterminer si le mariage peut être maintenu comme mariage putatif, et il pourra l’être alors même que la loi du mari ou de l’époux de bonne foi ne connaîtrait pas cette institution. La jurisprudence française a toujours adopté cette solution. Lorsqu’elle annule le mariage pour violation de la loi française, par exemple pour violation des règles de célébration, lorsque cette célébration a eu lieu en France, elle n’en admet pas moins l’existence d’un mariage putatif par application de l’article 201 du Code civil, c’est-à-dire de la loi française, alors même que l’époux de bonne foi serait étranger (Paris, 14 mars 1889, Clunet, 1889, p. 463. – Orléans, 10 janvier 1894, Clun. 94, p. 536) ou même que les deux époux seraient étrangers (Seine, 15 mars 1932, D.P., 1934, 2, 75). » (Note de CHAUVEAU sous quatre espèces (Tribunal civil de Sidi-Bel-Abbès, 14 février 1933 ; Cour d’appel d’Alger, 29 juin 1938 ; tribunal civil d’Alger, 7 février 1938 ; Cour d’appel d’Alger, 11 décembre 1940), RA, 1941, II, p. 14).

677 Pour un essai d’explication du système polygamique dans cette zone, voir F. BENCHENHOU, Les implications démographiques de la polygamie dans un essai sur les fondements de la polygamie en Algérie au cours des XIXe et XXe siècles, Thèse, EHESS, Paris, 1978. Le musulman ne pouvait prendre plus de quatre femmes alors que les israélites n’étaient pas limités en nombre du moment qu’ils étaient en mesure d’entretenir leurs femmes. La pérennité de la polygamie dans la communauté juive d’Afrique du Nord est sans doute liée au contact permanent avec les mœurs orientales (dans ce sens, André CHOURAQUI, Les juifs d’Afrique du Nord, Paris, PUF, 1950, pp. 150 et 158). Les juifs d’Occident ne pratiquent plus la polygamie, suite à l’amendement (taqqanah) de Rabbénou Gershom (Xe siècle) qui la prohiba et imposa le consentement de la femme à la rupture du lien matrimonial.

Seuls les israélites marocains qui suivent la coutume de Castille ont également interdit la polygamie sous l’influence des mœurs chrétiennes.

678 « On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier ».

679 Le droit mosaïque et le droit musulman ont mis au point des garanties juridiques pour la femme qui ne veut pas subir le système polygamique. En droit mosaïque, il est possible d’insérer une clause dans le contrat de mariage (la kettouba) dans laquelle le mari s’engage à ne pas prendre de seconde femme sans l’accord de la première (cf. A. ZAGOURI, Du mariage en droit hébraïque, Paris, LGDJ, 1960, pp. 5 et s.). Une clause identique peut être insérée chez les musulmans dans le contrat de mariage.

Dans tous les cas, le non-respect de la clause entraîne la rupture du lien matrimonial au profit de la femme. Un musulman peut également s'engager à ne vivre qu'avec sa nouvelle femme. Cette coutume

§2 – La rupture du lien matrimonial.

Deux éléments posent problème : le droit unilatéral du mari de répudier sa femme et les droits de l’épouse en matière successorale lorsque l’union est rompue par le décès du mari.

La répudiation engendre le même type de polémique que la polygamie. Le droit commun et les droits locaux diffèrent sur ce point. La loi française a, en 1792, autorisé le divorce qui est aboli en 1816 puis réintroduit avec la loi Naquet de 1884.

Chez les musulmans comme chez les israélites, la femme peut demander la rupture du lien matrimonial en cas de sévices avérés perpétrés par le mari680.L’homme jouit d’un droit supplémentaire : il peut répudier son épouse681.En Algérie, afin d’empêcher la répudiation de la femme soumise au statut personnel de droit commun, la doctrine682 et la jurisprudence usent de leurs arguments traditionnels : la soumission du mariage à la loi sous laquelle il a été célébré ; l’option en faveur de la loi

est fondée sur un accord qui eut lieu vers l'an 460 de l'Hégire. Mulek Sehat accorda sa fille au calife Moktadi à condition que celui-ci renonce à ses autres femmes et ne se consacre qu’à sa nouvelle épouse. Morand eut l’idée d’appliquer la même méthode pour protéger la femme soumise au droit commun : « En réalité, il n’est, je le crois, qu’un seul expédient par le moyen duquel il serait possible de donner à la femme française sécurité complète. Il consisterait à exiger du mari lors du mariage, la déclaration qu’il est célibataire, et, qu’au surplus il répudie irrévocablement la femme ou les femmes avec qui il pourrait être actuellement engagé dans les liens du mariage. Mais, ce résultat ne pourrait être obtenu qu’au prix d’une réforme législative, la matière des formes du mariage étant, en France, du domaine de la loi » (« Lettre du doyen de la faculté de droit d’Alger, Morand, au gouverneur de l’Algérie, Alger, le 14 septembre 1918 », op. cit.).

680 En droit mosaïque, la répudiation unilatérale est la prérogative de l’homme. La femme dépend du bon vouloir de son mari qui n’est pas obligé de lui rendre sa liberté ce qui l’empêche de se remarier (cf. BONTEMS, «Un mal social séculaire : la lettre de gueth ou Les tribulations amoureuses du citoyen Pariente », dans Histoire du Droit Social. Mélanges en hommage à Jean Imbert (sous la direction de J.-L. HAROUEL), Paris, PUF, 1989, pp. 73 et s). En 1950, André Chouraqui souligne les différences entre la jurisprudence rabbinique d’Afrique du Nord et dans celle d’Europe sur cette question (CHOURAQUI, op. cit., p. 160). Chez les musulmans, pendant la période coloniale, la rupture du lien matrimonial « apparaît comme un phénomène essentiellement masculin. C’est sa forme la plus abusive, la répudiation unilatérale et extrajudiciaire qui est la plus répandue. Cependant, il existe un divorce féminin dont la proportion n’est pas totalement négligeable » (L. BLILI TEMIME, Histoire de familles, mariages, répudiations et vie quotidienne à Tunis, 1875-1930, Tunis, Script, 1999, p. 194).

681 Deutéromone 24 : 1-4 : « Soit un homme qui a pris une femme et consommé son mariage, mais cette femme n’a pas trouvé grâce à ses yeux et il a découvert une tare à lui imputer; il a donc rédigé pour elle un acte de répudiation et le lui a remis, puis il l’a renvoyé de chez lui; elle a quitté sa maison, s’en est allée et a appartenu à un autre homme ». Pour les musulmans, se reporter à la deuxième sourate du Coran, versets 236-242.

682 E. BESSON, La législation civile de l’Algérie. Étude sur la condition des personnes et le régime des biens en Algérie, Paris, Chevalier-Maresq, 1894, p. 74 ; MORAND, « Du mariage en France des Marocains et des indigènes musulmans d’Algérie », op. cit., p. 432. Contra ARMINJON, « Le droit international privé en droit interne, principalement dans les pays de l’Islam », op. cit., p. 441.

française ; l’ordre public683 ou la prédominance de la loi française - loi commune - sur la loi musulmane – loi d’exception684. La jurisprudence se demande également, si, à l’inverse, la femme soumise aux règles du statut personnel musulman qui se marie avec un homme régi par le droit commun peut être répudiée puisque sa propre loi l’autorise ? La Cour d’appel d’Alger répond par la négative685.

Le second point controversé à propos de la dissolution du mariage concerne le droit de succession de la femme. En droit musulman comme en droit mosaïque, un individu qui n’est pas musulman ou qui n’est pas israélite ne peut hériter d’un musulman ou d’un israélite686. Or, en cas d’union mixte cette règle risque de priver l’épouse de ses droits de succession. En cas de succession, seule la loi du de cujus est en effet prise en compte pour déterminer le droit applicable. Une décision du tribunal de Bougie, confirmée en appel, fait valoir que la loi du de cujus prédomine toujours en droit687. Toutefois, la grande majorité de la jurisprudence ne l’admet pas688, tout comme la doctrine. Eyssautier689, Hugues690, Dunoyer691 ou Larcher692 le contestent en

683 HAMEL, « De la naturalisation des indigènes musulmans de l’Algérie », op. cit., p. 31.

684 Morand reprend le raisonnement de Besson : « Pour tous les Français d’Algérie, indigènes ou nationaux d’origine, il n’y a qu’une loi souveraine, à savoir la loi française, en sorte que c’est le principe de la territorialité de la loi qui doit avoir la prépondérance dans l’appréciation des difficultés qui naissent en Algérie de l’antagonisme du statut indigène et de la législation française (Besson, p.

143) » (M. MORAND, « Du mariage en France des Marocains et des indigènes musulmans d’Algérie », op. cit., p. 432).

685 Cour d’appel d’Alger, 28 juin 1906, JDIP, 1907, p. 409. L’affirmation de Pierre Guiho selon laquelle « cet arrêt va jusqu’à autoriser le mari citoyen français à répudier sa femme demeurée indigène » est fausse (P. GUIHO, « Les conflits entre la loi française et le statut personnel des musulmans algériens en matière de mariage », AJPES, n°1, 1955, p. 184). Le résumé des conclusions indique bien que « l’indigène musulman qui se fait naturaliser Français après son mariage ne peut valablement répudier sa femme » (Cour d’appel d’Alger, 28 juin 1906, op. cit., p. 409).

686 MARY, op. cit., p. 162. Cf. également, André WEISS, Traité théorique et pratique de droit international privé, Paris, Larose, 1892-1905, pp. 551-552.

687 Tribunal de Bougie, 23 décembre 1874, JR, 1874, p. 303. Ce tribunal justifie sa décision par le respect strict du statut personnel en raison de son caractère religieux : « Les règles d’hérédité des musulmans en cas de décès ab intestat sont basées sur le droit national et religieux, et, dès lors, tiennent essentiellement à leur statut personnel. La naturalisation des membres de la famille indigène ne peut ni annihiler ou modifier les effets de la loi musulmane sous l’empire de laquelle s’est ouverte la succession du de cujus, ni porter atteinte aux droits successifs des héritiers restés musulmans » (op.

cit., pp. 303-304). La Cour d’appel d’Alger confirme la décision en appel : 21 octobre 1875, JR, 1875, p. 203.

688Cf. Cour d’appel d’Alger, 5 avril 1876, JR, 1877, p. 63 ; tribunal de Nice, 5 juin 1893, RA, 1893, II, p. 516.

689 L.-A. EYSSAUTIER, Le statut réel français en Algérie ou législation et jurisprudence sur la propriété depuis 1830, jusqu’à la loi du 28 avril 1887, Alger, Jourdan, 1887, n°58. Louis-Auguste EYSSAUTIER (né le 29 mars 1830) fait la majorité de sa carrière en métropole. Il est avocat à Grenoble (1850-1861), docteur en droit (1855), puis juge à Briançon le 23 mars 1861. Quelques mois plus tard, il assume cette fonction à Montélimar pour devenir ensuite juge d’instruction le 15 octobre

s’appuyant sur l’article sept de la loi du 26 juillet 1873. Cet article garantit que la loi musulmane est appliquée « aux règles de succession des indigènes musulmans entre eux ». Les termes « entre eux » signifient, pour eux, que lorsqu’une personne régie par le droit commun est impliquée, ce dernier s’applique. Le projet de loi du 10 mars 1925 entérine leurs conclusions693. Dans les années trente, les tribunaux de Sidi-Bel-Abbès et d’Alger ainsi que la Cour d’appel d’Alger considèrent toujours que la présence d’une personne soumise au statut personnel commun, en l’espèce un citoyen, dans une succession musulmane entraîne l’application des règles de dévolution du droit français694.

Pour le justifier, le tribunal de Sidi-Bel-Abbès se réfère une nouvelle fois à l’inégalité des civilisations695. Cet argument a un objectif politique : l’assimilation.

Chauveau ne s’y trompe pas : « Jamais la France n’a renoncé ni à faire prévaloir les droits de ses propres citoyens ni à son rôle de peuple colonisateur qui comporte une mission civilisatrice. Elle entend répandre et propager sa propre civilisation et faire évoluer les indigènes, les conduire vers le progrès. C’est ce que l’on résume dans l’expression : « politique d’assimilation » »696.

1870 et président à Embrun le 10 janvier 1874. Quatre ans plus tard (le 6 juillet 1878), il devient conseiller à Alger, puis conseiller honoraire le 8 mai 1900. Il demande à la fin de sa carrière le poste de président de Chambre de la Cour d’appel en vain. Dans les années 1890, il sollicite à plusieurs reprises son retour en métropole. Sa première demande de retour date de 1881 pour des raisons de santé (CARAN, BB/6(II)/848).

690 HUGUES, op. cit., pp. 142-143.

691 DUNOYER, op. cit., p. 212.

692 LARCHER, Traité élémentaire de législation algérienne, op. cit., p. 539.

693 Cf. l’art. 6-2 du projet de loi du 10 mars 1925, adopté par la Chambre des députés le 16 mars 1928.

694 « Jugé encore que c’est la loi française qui doit être appliquée en cas de succession mixte notamment dans l’hypothèse où le de cujus étant musulman il y a des citoyens français parmi les héritiers (première, deuxième et troisième espèce). Ceux-ci sont fondés à se prévaloir des droits successoraux que leur reconnaît le droit français ; ils sont notamment habiles à agir par voie de représentation dans les communautés et successions de leurs grands-parents (troisième espèce). Leurs droits ne peuvent être mis en échec par une constitution de habous (deuxième et troisième) » (Tribunal civil de Sidi-Bel-Abbès, 14 février 1933, op. cit., p. 15 (première espèce) ; Cour d’appel d’Alger, 29 juin 1938, op. cit., p. 21 (deuxième espèce) ; tribunal d’Alger, 7 avril 1938, op. cit., p. 22 (troisième espèce)).

695 « Les conflits d’annexion opposent des lois qui sont le reflet de deux civilisations inégales. Ceci doit se traduire par la prédominance de la législation la plus civilisée et constituera une raison de préférence en faveur de cette loi, et, en l’absence d’un texte formel ou d’un principe de droit strict contraire, entraînera son application aux rapports juridiques qui, envisagés d’un même point de vue, intéressent à la fois la loi indigène et la loi française. Sans que l’acte de capitulation du 5 juillet 1830 puisse être invoqué en sens contraire (première espèce) » (Tribunal civil de Sidi-Bel-Abbès, 14 février 1933, op. cit., pp. 12-13).

696Paul CHAUVEAU, « Les successions mixtes », RA, I, 1941, p. 66.

Toutefois, un arrêt de la Cour d’appel d’Alger du 11 décembre 1940 infirme la jurisprudence précédente697. Dans cette espèce, la Cour d’appel se contredit à deux ans d’intervalle. L’arrêt évoque les dangers d’une jurisprudence trop assimilatrice698. Cette prudence est sans doute liée à la situation politique699.

On ne peut observer un découpage exact de l’évolution du droit concernant les mariages mixtes. Toutefois, un mouvement émerge clairement : les thèses favorables à l’extension des règles du Code civil aux indigènes, synonyme d’assimilation juridique, sont influentes à la fin du XIXe siècle et dans les premières années du XXe siècle. L’interprétation tendancieuse de l’option de législation en est l’illustration. Pourtant, on a pu constater qu’entre 1870 et 1919, la doctrine et la jurisprudence sont, en général, rarement unanimes sur les solutions apportées aux conflits mixtes. La portée et les résultats de l’assimilation juridique sont donc à nuancer. À la fin des années vingt et dans les années trente, la jurisprudence adopte

On ne peut observer un découpage exact de l’évolution du droit concernant les mariages mixtes. Toutefois, un mouvement émerge clairement : les thèses favorables à l’extension des règles du Code civil aux indigènes, synonyme d’assimilation juridique, sont influentes à la fin du XIXe siècle et dans les premières années du XXe siècle. L’interprétation tendancieuse de l’option de législation en est l’illustration. Pourtant, on a pu constater qu’entre 1870 et 1919, la doctrine et la jurisprudence sont, en général, rarement unanimes sur les solutions apportées aux conflits mixtes. La portée et les résultats de l’assimilation juridique sont donc à nuancer. À la fin des années vingt et dans les années trente, la jurisprudence adopte