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III.3 Essais de traction en zone pâteuse sur l’Inconel 600

III.3.5 Comportement en refusion

III.3.5.2 Décohésion intergranulaire

Afin de mieux comprendre cette transition de comportement ductile/fragile, les faciès de rupture ont été analysés (Figure 78). On constate tout d’abord dans les deux cas des images typiques de phénomènes de décohésion intergranulaire marquée, ce qui diffère de ce qui peut être observé dans la littérature notamment sur les alliages d’aluminium [18]. Sur la Figure 78(a), à l’état supposé solide (1350 °C), les grains présentent des signes de rupture ductile en surface. A l’inverse, l’échantillon en refusion partielle (Figure 78 (c) et (d)) ne montre pas de traces de ductilité mais une décohésion intergranulaire très nette. La force à fournir lors de la traction a donc été moindre et la rupture quasi immédiate comme on peut le noter sur la courbe contrainte – déplacement (Figure 77).

Figure 78 : Analyses MEB de faciès de rupture d’essais de traction à chaud. Etat supposé solide à 1350 °C : images (a) en électrons secondaire, (b) en électrons rétrodiffusés. Etat partiellement refondu à 1360 °C (fs~0.99) : images (c) en électrons secondaires, (d) en électrons rétrodiffusés.

Les analyses MEB en électrons rétrodiffusés (Figure 78 (b) et (d)) ne mettent pas évidence de contraste de phase qui pourraient témoigner de la présence de films liquides chargés en éléments à bas point de fusion. Ceci pourrait être expliqué par la présence d’une fine couche d’oxyde de chrome (Cr2O3) répartie uniformément sur toute la surface qui cache les hétérogénéités comme nous le verrons ultérieurement sur des analyses EDS (Energy Dispersive Spectroscopy présentées sur la Figure 83 : analyse chimique locale semi-quantitative). Cependant, sur l’image de l’échantillon de refusion partielle (Figure 78 (c), ellipses rouges) on peut distinguer une fine couche recouvrant certains grains qui pourrait

(a)

(c)

(b)

est favorisé par la présence d’éléments tensio-actifs et à bas point de fusion comme le souffre. Ces éléments abaissent l’énergie d’interface solide-liquide, favorisant la formation de films liquides continus aux joints de grains. Les propriétés mécaniques de l’alliage sont alors dégradées et la décohésion interganulaire favorisée. On pourrait ainsi atteindre plus rapidement la fraction de solide critique qui correspond à la formation d’un film liquide continu, expliquant alors les différences observées avec les alliages d’aluminium où cette fraction de solide critique était sensiblement plus basse (0.93).

Des analyses chimiques poussées de la coulée ayant servi pour les essais de traction à chaud ont été réalisées par GDMS (Glow Discharge Mass Spectrometry). Les concentrations mesurées pour le souffre, le bore et le phosphore sont respectivement égales à 8 ppm, 18 ppm et 85 ppm. Ces trois éléments sont connus pour favoriser l’étalement de films liquides aux joints de grains et/ou pour les fragiliser. Leur présence pourrait expliquer le phénomène observé. Cependant les concentrations mesurées sont relativement faibles et n’expliquent pas complètement le phénomène de décohésion intergranulaire.

Afin de mieux comprendre ce qui a pu se passer, des échantillons prélevés dans le métal de base de la coulée et au niveau des faciès de rupture d’essais en refusion ont été analysés au microscope optique et à la microsonde de Castaing. On constate tout d’abord un fort grossissement de grains lors du réchauffement de l’échantillon. Dans le métal de base des barres d’Inconel 600 dans lesquelles ont été usinées les éprouvettes, les grains ont une taille d’environ 40 µm (Figure 79 (a)) alors qu’au niveau des faciès de rupture, les grains atteignent des dimensions millimétriques (soit plus de 20 fois supérieures).

Figure 79 : Analyses des microstructures de la coulée d’Inconel 600 au microscope optique : (a) échantillon brut, (b) échantillon prélevé à proximité d’un faciès de rupture (refusion partielle)

Des analyses complémentaires d’échantillons exposés à des températures variant de 20 °C à 1200 °C ont permis d’évaluer la température de grossissement des grains à environ 1100 °C. Ceci concorde avec la température de disparition de précipités intra et intergranulaires visibles notamment sur la Figure 79 (a). De plus, la littérature indique que les carbures de type M7C3 et M23C6 susceptibles d’être présents dans l’Inconel 600 peuvent être remis en solution aux alentours de 1050 °C [3]. La mise en solution de ces précipités a ainsi permis de s’affranchir des freins au grossissement de grains, ce qui explique leur croissance importante aux alentours de 1100 °C.

Les analyses réalisées à la microsonde de Castaing ont permis d’établir des profils de concentration d’éléments susceptibles de ségréger comme le Si, le Ti et le Mn. Les résultats obtenus sur un échantillon brut et sur un échantillon prélevé à la limite de la refusion sont présentés sur la Figure 80. Les courbes en traits épais correspondent aux concentrations en fer et en chrome associées à l’axe d’ordonnée situé à droite des graphiques. Leurs concentrations varient relativement peu autour de leurs valeurs nominales dans les deux cas même si l’on peut remarquer des pics de chrome (non expliqués) sur l’alliage brut.

Figure 80 : Analyses à la microsonde de Castaing : (a) échantillon brut ; (b) échantillon après refusion

100 µm

200 µm

(b) (a)

On constate que l’échantillon brut Figure 80 (a) ne présente pas d’hétérogénéité chimique significative à l’échelle des grains concernant les éléments Si, Ti et Mn contrairement à l’échantillon qui a été soumis à de fortes températures et qui a subi une croissance de grains importante. On peut supposer que lors du grossissement des grains, les joints de grains ont entraînés avec eux une partie des éléments, concentrant alors les impuretés.

D’après le logiciel de calcul thermodynamique Thermocalc™, le fait de doubler la concentration des éléments Si, Ti et Mn (comme ce que l’on peut voir sur les mesures réalisés aux joints de grains) abaisse sensiblement la température de solidus de l’alliage de plusieurs dizaines de degrés. Il y a donc au niveau des joints de grains une température de solidus localement inférieure à celle de l’alliage nominal. De plus, ces zones sont probablement enrichies en soufre, ce qui permet aux poches de liquide formées de s’étaler sous forme de films liquides très fins aux joints de grains qui deviendraient rapidement continus, même à forte fraction de solide. Des analyses chimiques au niveau des joints de grains (microsonde de Castaing) ont mis en évidence la présence de soufre à des teneurs légèrement supérieures au seuil de détection (~100 ppm) sur les échantillons réchauffés alors que rien n’est détecté dans l’échantillon brut. Ceci permet d’expliquer le phénomène de décohésion intergranulaire observé lors des essais de traction à chaud en refusion partielle.

Au fur et à mesure que la température augmente, les films liquides deviennent plus épais et leur résistance diminue, expliquant les valeurs de plus en plus faibles des contraintes au pic. L’évolution de ces films est directement observable au MEB (Figure 81). A 1370 °C ils subsistent clairement au niveau des joints de grains (Figure 81 (a)) et à 1390 °C, ils recouvrent entièrement la surface des grains (Figure 81 (b)).

Figure 81 : Images MEB de faciès de rupture d’échantillons issus d’essais en refusion : (a) 1370 °C (fs~0.985) , (b) 1390 °C (fs~0.95)

(b) (a)