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CHAPITRE 4 : CAS DU 13 AOUT 2010 : MODELISATION D’UNE LIGNE DE GRAINS

4.2 Cas du 13 Août 2010 : configuration et résultats

4.2.3 Résultats

4.2.3.2 Déclenchement et maintien de la convection

Dans la section précédente, nous avons validé la capacité du modèle WRF à former des cellules convectives et à favoriser leur développement jusqu’à atteindre le stade de MCS ou ligne de grains. Nous nous intéressons maintenant aux premiers instants de cette convection, pour analyser les causes de son déclenchement et de son maintien. Pour cela, nous avons choisi de nous placer dans le troisième domaine de simulation (de résolution 0,5 km) afin d’observer des structures thermodynamiques et microphysiques plus fines. Dans cette section, nous voulons axer notre étude sur le déclenchement initial de la convection et non pas sur la fusion et l’intensification de cellules déjà existantes (cet aspect sera abordé dans la section 4.2.3.3). Nous avons donc choisi d’étudier le début de la simulation, au moment où les premiers signes de convection deviennent visibles. Comme nous l’avons déjà vu sur la figure 4-9, les premières cellules convectives (avec des rapports de mélange en eau nuageuse supérieurs à 1 g.kg-1 à 3 km d’altitude) apparaissent à partir de 10h sur le deuxième domaine de simulation, dont trois, particulièrement distinctes, au centre de la figure.

L’une des particularités des systèmes convectifs est qu’ils s’étendent verticalement au fur et à mesure de leur développement. Afin de mieux illustrer cette expansion verticale, on peut s’intéresser au champ de réflectivité à différentes altitudes, comme le montre la figure 4-13. Il s’agit de coupes horizontales de la réflectivité à travers le troisième domaine de simulation à 09h20. On peut y voir quatre cœurs convectifs avec des valeurs de réflectivité supérieures à 40 dBZ à travers un champ de réflectivité plus diffus et moins intense. Ces quatre cellules sont visibles à 0,5 et 3 km d’altitude. À 5 km, la cellule centrale n’est plus perceptible. Enfin, à 7,5 km d’altitude, on distingue très peu ces noyaux convectifs. Toutes ces observations mettent en évidence la mise en place de la convection à travers l’ensemble de la troposphère lors du développement de ces systèmes. À 09h20, le développement vertical de ces « tours » convectives est en cours.

La cellule centrale parait moins active que les autres, même à basse altitude, ce qui explique sa moindre expansion verticale. La cellule la plus intense est celle qui se trouve le plus à l’est. En effet,

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c’est elle qui apparaît le plus tôt sur les coupes horizontales à 10 km d’altitude, à partir de 09h25 (figure non montrée ici).

Figure 4-13 : Coupes horizontales à 0,5, 3, 5, et 7,5 km d’altitude du champ de réflectivité à 09h20 sur l’ensemble du domaine de simulation n°3. Le rectangle en pointillé représente la région zoomée dans les figures suivantes.

Il est également possible de suivre l’expansion verticale des systèmes convectifs grâce à l’étude du vent vertical. En effet, la convection se caractérise par des courants ascendants et descendants intenses, comme nous l’avons vu dans le chapitre 1 de ce manuscrit. La figure 4-14 représente des coupes horizontales à 500 m, 1 km, 2 km, et 5 km d’altitude mettant en avant les updrafts (en rouge) et les downdrafts (en bleu). Ces coupes ne présentent pas l’ensemble du domaine de simulation n°3 mais uniquement la zone qui nous intéresse, en pointillés noirs sur la figure 4-13. On peut constater l’existence de courants verticaux intenses au niveau des cellules convectives précédemment localisées, en particulier pour celle se situant le plus à l’ouest [autour de la position (x;y) = (120;150)]. Plus on s’élève en altitude, plus les courants ascendants sont intenses. À 5 km, on voit deux noyaux convectifs bien distincts.

On peut cependant remarquer que les courants verticaux présents dans les basses couches atmosphériques ne s’étendent pas forcément en altitude. C’est le cas par exemple de la zone située

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autour de la position (x;y) = (180;110), où le vent vertical est assez marqué jusqu’à 1 km d’altitude, mais la convection est ensuite inhibée dans les plus hautes couches, elle est donc peu profonde.

Figure 4-14 : Coupes horizontales à 0,5, 1, 2, et 5 km d’altitude du vent vertical à 09h20 sur une partie du domaine de simulation n°3 (rectangle en pointillé de la figure 4-13). Les flèches représentent le vent horizontal.

Il est donc intéressant de comprendre pourquoi, dans ces deux zones situées à une soixantaine de kilomètres de distance, [les zones de coordonnées (120;150) et (180;110) ], la convection parvient à se maintenir et à s’amplifier dans la première, ou bien, au contraire, pourquoi elle est rapidement inhibée dans la seconde. Par la suite, nous désignerons ces deux régions par les lettres CP (pour Convection Profonde) et CI (pour Convection Inhibée).

La figure 4-15a représente le flux de chaleur latente au sol à 08h30 autour de la vallée du fleuve Niger. Dans un premier temps, on peut voir la présence d’une sorte de « bulle » où ce flux est largement moins important que sur le reste de la région, avec des valeurs inférieures à 150 W.m-2. Ce phénomène peut s’expliquer simplement par la présence d’un champ nuageux dans la moyenne

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Chapitre 4 : Cas du 13 août 2010 : modélisation d’une ligne de grains avec le modèle WRF troposphère, comme l’indique la figure 4-15b. Ce champ nuageux réduit l’ensoleillement de la zone concernée, inhibant ainsi le réchauffement du sol, ce qui implique un important déficit de chaleur latente.

Sur la figure de gauche, on peut remarquer que la vallée du Niger est le lieu où le flux de chaleur latente est le plus important. En effet, cette grandeur est proportionnelle au gradient d’humidité entre le sol et l’atmosphère. La présence du fleuve Niger permet donc à cette région d’être davantage soumise au phénomène d’évaporation, lié au dégagement de chaleur latente. Les zones CP (croix noire sur la figure) et CI (croix bleue) qui nous intéressent sont toutes les deux au bord du fleuve et les flux de chaleur latente dans ces deux régions sont équivalents, entre 300 et 350 W.m-2. On ne peut donc pas expliquer les différences observées concernant l’intensité de la convection de ces deux régions par des différences de conditions de surface. La convection, souvent initiée par un chauffage important du sol par rapport à l’atmosphère, devrait se développer de la même façon dans les deux zones.

Figure 4-15 : a) Flux de chaleur latente en surface(a) et rapport de mélange en eau nuageuse à 5 km d’altitude (b) à 08h40. La croix noire (resp. bleue) indique la zone CP (resp. CI).

Afin de maintenir et amplifier un phénomène de convection, deux autres critères sont essentiels : le cisaillement de vent horizontal selon l’altitude, et un apport en humidité important. Le cisaillement de vent horizontal implique un changement important de direction ou d’intensité du vent selon l’altitude considérée. Il s’agit d’un facteur primordial dans la mise en place et dans l’intensification des systèmes convectifs méso-échelle (Weisman et Klemp, 1982). On adopte donc des coupes verticales du vent horizontal pour observer au mieux ce phénomène. Pour obtenir la figure 4-16, nous avons réalisé une coupe verticale avec un angle de 45° (direction sud-ouest / nord-est) pour les deux zones qui nous intéressent (CP et CI), sur les 8 premiers kilomètres de la troposphère. Pour plus de lisibilité, nous avons choisi de ne pas représenter l’ensemble des vecteurs de vent horizontal. La taille des flèches est proportionnelle à l’intensité du courant. Nous n’indiquons pas ici de valeur numérique car notre analyse du cisaillement est uniquement qualitative. En comparant ces deux figures, on peut donc constater que, excepté la forte ascendance présente dans la zone CP, la structure

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verticale du vent horizontal est la même dans les deux régions. Dans la couche atmosphérique la plus proche de la surface, sur une épaisseur d’environ un kilomètre, on note la présence d’un faible vent d’ouest. Puis, entre 1 km et 2 km d’altitude, on observe une zone de transition, avec la mise en place d’un faible courant d’est. Ce flux d’est se renforce considérablement entre 2 et 6 km d’altitude, avant de s’affaiblir légèrement entre 6 et 8 km d’altitude. Ce courant orienté vers l’ouest est le Jet d’Est Africain (JEA), caractéristique de la circulation de mousson sur l’Afrique de l’Ouest, et présenté dans la section 1.1.2.2 de ce manuscrit.

Pour les zones CP et CI, on peut donc dire qu’il existe un cisaillement de vent important dans la troposphère, à la fois en terme de direction et d’intensité des courants. On ne peut pas expliquer les différences d’intensité de la convection entre ces deux régions par des structures dynamiques dissemblables.

Pour maintenir et amplifier le phénomène de convection, le nuage a besoin d’être entouré d’un environnement humide, notamment à moyenne altitude, ce qui lui permet d’être « alimenté » en vapeur d’eau. La figure 4-17 présente une coupe verticale de l’humidité relative jusqu’à 10 km d’altitude, réalisée dans les mêmes conditions que la figure précédente (angle de 45°), pour les zones CP et CI. Dans les deux situations, on peut voir une première couche atmosphérique humide au plus près de la surface et jusqu’à 2 km d’altitude, avec des valeurs d’humidité relation dépassant les 95%. Cependant, au-dessus de cette couche, en moyenne troposphère (entre 2 et 6 km), on peut constater des différences entre les deux zones illustrées dans la figure 4-17 a et b. Pour la zone CP, on voit que les deux principales « tours » convectives (aux positions 120 km et 127 km) sont entourées d’air très humide, en particulier sur la partie gauche de la figure (entre x=105 et x=117km), où l’humidité relative est supérieure à 95%. Cette région peut donc facilement servir de « réservoir » d’humidité pour entretenir la convection au niveau de la moyenne troposphère. À l’inverse, pour la zone CI, on note l’absence de cette couche atmosphérique très humide de moyenne altitude. Entre 2 et 6 km, l’humidité relative varie entre 85 et 95%, ce qui ne permet donc pas à la convection de s’étendre sur l’ensemble de la troposphère. La cellule présente entre 180 et 185 km est comme « bloquée » par une couche atmosphérique plus sèche à 2 km d’altitude. Son développement vertical est donc stoppé, diminuant ainsi considérablement la durée de vie de cette cellule. Cette zone est donc le siège d’une convection peu profonde.

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Figure 4-16 : Coupes verticales selon un angle de 45° du champ de vent vertical (en couleur) et horizontal (flèches) pour la zone de convection profonde (a) et pour la zone de convection inhibée (b) à 09h15.

Figure 4-17 : Coupes verticales selon un angle de 45° de l’humidité relative pour la zone de convection profonde (a) et pour la zone de convection inhibée (b) à 09h15. Les iso-contours sont indiqués pour les valeurs de 85%, 90%, 95%, et 100%.

À travers cette étude, nous avons vu que l’intensité de la convection se caractérise principalement par l’expansion verticale des systèmes. Pourtant, sur deux zones qui présentent des conditions similaires, les phénomènes convectifs peuvent ou se déclencher et s’amplifier ou, à l’inverse, être inhibés. En effet, pour les régions CP et CI, les conditions de surface sont semblables, avec un flux de chaleur latente important qui peut être l’élément déclencheur de la convection au niveau du sol. Ce sont les conditions thermodynamiques sur l’ensemble de la colonne atmosphérique qui permettent de comprendre la différence entre ces deux zones. Dans la zone de convection

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profonde, il existe un cisaillement de vent vertical important (à la fois en intensité et en direction). De plus, en moyenne troposphère, une couche d’air très humide permet d’entretenir le moteur de la convection afin de favoriser l’expansion verticale importante du système. En revanche, pour la zone où la convection est inhibée, le cisaillement vertical est bien présent mais l’humidité des moyennes couches atmosphériques est moins importante, ce qui bloque le développement de la convection dans les deux premiers kilomètres de l’atmosphère. Dans ce cas, le système ne peut pas se développer verticalement et les nuages disparaissent donc rapidement.