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CHAPITRE 2 REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.5 Paramètres influençant la performance des cultures cellulaires

2.5.3 Déchets métaboliques

Il est reconnu que la croissance et la productivité cellulaire sont inhibées par l’accumulation d’une quantité importante de lactate et d’ammoniaque dans le milieu de culture. Les concentrations inhibitrices peuvent cependant varier selon la lignée cellulaire, le mode de culture et les concentrations initiales en substrats essentiels (Ozturk, Riley, & Palsson, 1992; Patel, Papoutsakis, Winter, & Miller, 2000).

Chez les cellules CHO, et selon l’étude menée par Lao et al., le lactate ne devient inhibiteur de la croissance cellulaire qu’à partir d’une concentration environnant les 60 mM (Cruz et al., 2000; Lao & Toth, 1997). Pour l’équipe de Zhang (Yuanxing Zhang, 2009), la molécule de lactate en tant que telle présente peu d’effet sur la densité cellulaire finale des cellules CHO. Par ailleurs,

G lyc ol ys e

Glucose

Acétyl CoA Pyruvate

Lactate

Pyruvate

Glutamine

Cycle de Krebs Mitochondrie Glutamate a-cétoglutarate Cytosol NH4+ NH4+

l’ajout de sodium lactate conduit à l’augmentation de l’osmolarité dans le milieu et cela se traduit par une réduction du taux spécifique de croissance d’environ 30%. Pour certaines lignées, les cellules présentent un métabolisme permettant de consommer le lactate et ce, même en présence de glucose et d’acides aminés en concentrations non limitantes dans le milieu. Cette consommation permet l’élimination de ce métabolite pouvant être néfaste et donc le maintien d’une bonne viabilité cellulaire (Gambhir, Europa, & Hu, 1999). Mais ce phénomène reste jusqu'à maintenant mal contrôlé. Bon nombre d’études évoquent le ratio de lactate produit sur le glucose consommé. L’équipe de Cruz et al. (Cruz et al., 2000) a montré sur des cultures cuvées-alimentées de BHK que l’utilisation efficace du glucose est dictée par sa concentration résiduelle dans la culture. En effet, lorsque celle-ci est en dessous de 1 mM, le ratio lactate/glucose est réduit à environ 0,5 mol/mol. Cependant, si cette concentration est supérieure à 2 mM, ce ratio s’élève alors à plus de 1.2 mol/mol. La même observation est faite par l’équipe de Gambhir sur les myélomes de souris (Gambhir, Europa, et al., 1999) et par Wong sur des cellules CHO (Chee Furng Wong et al., 2005). Avec leur stratégie de maintien de très bas niveaux en glucose et glutamine dans une culture d’hybridomes, Zhou et ses collaborateurs (Zhou, Rehm, Europa, & Hu, 1997)ont réussi à réduire ce ratio de 0,97 à 0,05 mol/mol. Ceci indique la variabilité de ce ratio au cours de la culture ainsi que le changement du métabolisme de lactate en fonction de la stratégie employée. Par ailleurs, ce changement n’est pas forcément dû à une limitation en glucose dans la culture. En effet, selon Siegwart (Siegwart et al., 1999), le lactate produit est consommé sous des conditions de faible consommation en glutamine dans la culture. L’équipe de Zagari (Zagari, Jordan, Stettler, Broly, & Wurm, 2013)aévoqué de son côté, le rôle important de la glutamine dans la modulation de la concentration initiale en lactate produit et son changement vers une consommation nette en plus de l’influence des transporteurs mitochondriaux sur le métabolisme du lactate. D’autre part, Calleja et al. (Liste-Calleja et al., 2015) suggèrent que le passage du métabolisme d’une consommation de glucose/production de lactate vers une co-consommation du glucose et du lactate est en relation étroite avec le pH du milieu.

Le niveau de toxicité de l’ammoniaque quant à lui, est largement inférieur à celui du lactate. Les effets néfastes sur la croissance se perçoivent à des concentrations variant entre 1 et 5 mM. L’analyse des flux métaboliques sur des cellules CHO montre qu’une concentration avoisinant les 5 mM en ammoniaque altère les fonctions de certaines enzymes impliquées dans la voie de glycolyse. Ce phénomène se manifeste par une baisse de la consommation en glucose et donc une inhibition de la croissance cellulaire (Yuanxing Zhang, 2009).

En mode cuvée-alimentée, le problème d’accumulation de déchets métaboliques est plus prononcé du fait de la supplémentation de nutriments en cours de culture. Afin d’améliorer les performances de ce type de culture, plusieurs approches ont été élaborées dans le but de réduire la production de ces métabolites toxiques ou de les éliminer complètement du milieu de culture. Certaines stratégies utilisent une approche « procédé » et les modifications apportées concernent ainsi les conditions et paramètres environnementaux comme la substitution des nutriments ou leur maintien à de faibles niveaux (discuté dans la prochaine section). On parle également d’utilisation de systèmes de séparation membranaires afin de retirer de manière sélective ces déchets du milieu de culture. D’autres approches se basent sur l’ingénierie cellulaire, comme par exemple l’introduction de la glutamine synthétase (GS) dans des cellules de mammifères qui a conduit à la réduction de la concentration en ammoniaque et en lactate simultanément (Bell et al., 1995; Paredes et al., 1999). L’enzyme pyruvate carboxylase (PYC) permet quant à elle la transformation du pyruvate en oxaloacétate pour une meilleure accessibilité au cycle de Krebs. L’effet du gène PYC a été étudié dans plusieurs lignées. Chez les HEK293 (Elias et al., 2003) et les BHK (Irani, Beccaria, & Wagner, 2002), une utilisation efficace des nutriments a été observée conduisant ainsi à une diminution de la production de métabolites toxiques et à un maintien de viabilité cellulaire. Ces résultats ont été appuyés par une analyse des flux métaboliques dans le cas des HEK293 montrant ainsi que plus de 80% du glucose consommé est dirigé vers le cycle de Krebs contre seulement 51% dans les lignées parentales. De plus, la concentration cellulaire a été multipliée par un facteur 2 et la production s’est vu augmenter de 33% (Olivier Henry & Durocher, 2011). Des tendances similaires ont été constatées pour les cellules CHO (Toussaint, Henry, & Durocher, 2016). En dépit d’une consommation en nutriments semblable à la culture contrôle, la concentration en métabolites toxiques a été réduite dans les cultures de cellules modifiées par la PYC, la concentration finale en produit multipliée par deux et la viabilité prolongée. De plus, combiner l’expression de la PYC avec l’abaissement de la température augmentait la production d’un facteur 3 par rapport à la culture contrôle (Bollati-Fogolín et al., 2005). Ces résultats montrent que l’expression de cette enzyme peut être avantageuse pour améliorer les rendements de production en cultures cuvées- alimentées (Vallée, Durocher, & Henry, 2014). En analysant les voies du métabolisme cellulaire, une autre enzyme a fait l’objet de travaux : la lactate déshydrogénase (LDH). Cette enzyme catalyse la transformation du pyruvate en lactate. Diminuer l’expression de cette enzyme chez les cellules hybridomes a réduit la production de lactate du 50%. De plus, la densité cellulaire a considérablement augmenté et la productivité spécifique s’en est trouvée doublée (K. Chen, Liu,

22 Xie, Sharp, & Wang, 2001). Le même résultat a été constaté chez les CHO, en plus d’une meilleure régulation du pH intracellulaire (Jeong et al., 2001). En revanche, la consommation de la glutamine et la production de l’ammoniaque sont restées inchangées. D’autres études se sont penchées sur la réduction du taux de consommation en glucose en réprimant l’expression du transporteur GLUT1 ou bien en transfectant les cellules avec le transporteur GLUT5, permettant ainsi une culture dans un milieu avec fructose et une réduction de la production de lactate (Richelle & Lewis, 2017).