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La décentralisation : un levier pour l’engagement des habitants de l’informel ?

Chapitre 7 : Perspectives et axes de recherche

I. La décentralisation : un levier pour l’engagement des habitants de l’informel ?

Suite à la révolution qui a eu lieu en 2011, la Tunisie s’est engagée dans le remaniement institutionnel et s’est projetée dès lors dans la décentralisation. Les manifestations qui ont défilé pendant ce mouvement social hors-norme ont revendiqué la mise en place d’un certain équilibre entre les régions. Ce contexte a favorisé dès lors l’adoption de ce processus de décentralisation. En effet, la nouvelle constitution de 2014 prône ce transfert de pouvoir vers le plan local à travers l’article 131 « Le pouvoir local est fondé sur la décentralisation. La décentralisation est concrétisée par des collectivités locales comprenant des communes, des régions et des districts. Chacune de ces catégories couvre l’ensemble du territoire de la République conformément à un découpage déterminée par la loi. Des catégories particulières de collectivités locales peuvent être créées par loi ».13

Notre réflexion s’est orientée sur le fait que ce contexte de décentralisation pourrait mettre en valeur les mobilisations habitantes et renforcer l’implication de l’habitant dans le développement de son propre lieu de vie. Lors de nos entretiens menées dans le quartier Taieb Mhiri 3 à Rades, nous avons opté à savoir les attentes des populations vis-à-vis de ce projet de décentralisation qui promet la participation citoyenne et met l’accent sur l’implication de cet acteur dans la prise de décision.

Si ce processus va mettre en valeur les compétences locales et assurer un climat de dialogue entre les habitants et les représentants locaux, nous avons remarqué que la majorité des habitants sont douteux par rapport à ce processus qui pour eux ne va pas mettre en valeur

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leurs propres compétences et ne va pas leurs impliquer dans la prise de décision. En effet, l’image des acteurs publics autoritaires et dominants restaient ancrée chez les différentes populations. Bien que la révolution ait eu lieu pour atténuer cette relation de domination de l’Etat, les habitants trouvent que la reconnaissance de leurs capacités reste un « rêve » à réaliser. Selon les témoignages effectués avec des personnes enquêtées au niveau des deux quartiers objets de l’étude, nous pouvons avancer que ces acteurs trouvent que la volonté de faire participer les habitants reste un discours médiatique d’une part et qu’il s’agit d’une expérience qui n’est pas encore fondée sur des bases solides.

« Si on veut parler de la volonté de l’Etat de faire participer la société civile ça existe déjà

donc à travers les réunions avec le conseil municipal etc. Cependant, ça reste une expérience toute récente qui n’est pas encore mûre en Tunisie et en plus il y a des difficultés pour faire changer la mentalité le responsable reste toujours celui qui doit décider. Avec les réseaux de corruption qui existent c’est un peu difficile. »

Témoignage d’un habitant au quartier Taieb Mhiri 3 à Rades. A partir du témoignage avec le responsable à la municipalité de Rades, nous avons remarqué que cette question d’implication des habitants des quartiers informels dans la décision du devenir de leurs quartiers et dans la prise de décision représente une expérience qui a déjà été enchainée par la municipalité de Rades.

« Nous avons divisé la commune de Rades en quatre secteurs. Pour chaque zone, nous avons

choisi un représentant de quartier qui sera la porte-parole des habitants et qui fera un appel à ces populations pour participer dans les réunions avec le conseil municipal. Ce représentant est élu pour transmettre les doléances et les demandes des personnes qui habitent ce quartier pour délimiter les dysfonctionnements majeurs. La question de participation des habitants donc dans la prise de décision du futur de leur lieu de vie représente un objectif dont nous travaillons pour l’ancrer au sein de la municipalité. Notre but est donc de prendre en considération les différents avis étant donné qu’ils pourraient être enrichissant ».

Témoignage du responsable à la municipalité de Rades. De ce fait, nous avançons à partir de ce témoignage que la municipalité de Rades veut mettre en place une relation de confiance entre le conseil municipal et les habitants afin de mettre en valeur les voix de ces derniers.

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Avec les élections municipales qui auront lieu prochainement14, le pouvoir local sera renforcé ce qui pourrait impliquer les habitants dans la décision de leur devenir. Si la participation citoyenne est protégée par la constitution, les habitants sont douteux étant donné qu’ils craignent la mise en place des anciennes dérives (la prise de décision monopolisée par les pouvoirs publics, la préservation des intérêts des partis politiques…). La reconnaissance des compétences des habitants par les autorités publiques reste un phénomène difficile à croire par les habitants surtout ceux de l’informel qui sont en quête de légitimité.

La Tunisie qui suivait une politique du Top-down menait à l’heure actuelle un chemin très important vers la décentralisation où le dialogue entre les diverses composantes de la société représente un élément clé vers la démocratie locale. Cet élément a été couronné par un prix Nobel de la paix accordé pour la Tunisie.

Si « la participation est défendue par certains auteurs comme un moyen d’approfondir la démocratie » (Heller, 2009), il nous semble que la Tunisie a déjà entamé ce chemin par la convocation des habitants dans le conseil municipal pour la prise des décisions (exemple du quartier Taieb Mhiri 3 à Rades).

La décentralisation dès lors illustrait une véritable source d’empowerment des acteurs locaux et des habitants.