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Le début d'une longue affirmation d'une critique contre le modernisme

Dans le document Function follows deformation (Page 54-57)

L'un des premiers courants à avoir re-questionné le mouvement moderne fut le structuralisme, qui débute dans les années 1960. Les initiateurs de cette réflexion sont les membres de la Team X. Il s'agit d'un groupement d'architectes rassemblant initialement Jaap Bakema, Rolf Gutmann, George Candilis et Peter Smithson, qui furent quelques années plus tard rejoints par Bill and Gill Howell, Alison Smithson, Aldo van Eyck, John Voelcker et Shadrach Woods (même si le terme « structuralisme » ne sera utilisé que bien plus tard, au cours des années 1970).

Issus de l'enseignement du Mouvement Moderne, ces architectes commencent dès la fin des années 1950 à s'interroger sur les manières de faire la ville, et envisagent ainsi d'autres possibilités que la production quasi industrielle du modernisme. Ainsi en 1959, les membres de Team X décident de mettent fin aux CIAM, au cours de la onzième réunion du nom, marquant de ce fait un désir de rupture avec l'architecture moderne. Déjà au cours des CIAM IX et X, l'héritage Corbuséen avait été remis en question par ces mêmes architectes.

Leur réflexion repose sur une critique de la rationalité et de l'uniformité de la production architecturale du mouvement moderne. La pensée universaliste a, en effet, conduit le Mouvement Moderne à peupler les villes de parallélépipèdes blancs tous similaires, aux formes spatiales dictées par les principes stricts du fonctionnalisme. Or cette uniformité laisse peu de place à l'individualité des hommes, à leurs pratiques différenciées.

Influencés par la pensée structuraliste, apparue au milieu du XX ème siècle (portée par des intellectuels tels que Claude Lévi-Strauss, Roland Barthes ou encore Jacques Lacan), les membres de la Team X portent une approche nouvelle sur des modèles architecturaux répondant à la diversité et la fragmentation sociale. Si une définition précise et concise de ce courant (qui est en réalité un ensemble de courants) s'avère difficile, on pourra toutefois expliciter que le structuralisme pense les objets (philosophiques ou matériels) comme des structures, des systèmes et s'intéresse aux relations entre les différents éléments le composant. Il prône également le retour à l'individu et non plus à l'uniformisation de la société et s'inscrit en rupture avec la pensée fonctionnaliste, visant à répondre à des pratiques

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anthropologiques différentes par des formes identiques.

La ré-appropriation des concepts du structuralisme en architecture par les membres de la Team X a donc donné lieu à plusieurs modèles, faisant la critique des bâtiments « produit fini », industrialisés, livrés par le Mouvement Moderne. Ceux- ci ont en commun la présence d'une structure (physique et/ou métaphysique), visant à organiser, donner des règles, un cadre, au sein duquel les individualités vont pouvoir s'exprimer, donnant naissance à de nombreuses déclinaisons possibles. Il s'agit donc d'une approche différente, permettant à l'habitant, l'usager, davantage de possibilités d'appropriation, de libertés, au sein d'une structure plus large, d'un système cohérent.

Par la suite, de nombreux architectes ont été influencés par la Team X, construisant une véritable théorie du structuralisme en architecture. Celle-ci effectue donc la critique du modernisme, montrant qu'il ne s’intéresse pas aux individualités dans la société, s'inscrivant ainsi en rupture avec la vocation universelle du fonctionnalisme. Comme l'exprime Herman Hertzberger, théoricien en architecture néerlandais, s'inscrivant dans la lignée des travaux de Team X :

« By nature Structuralism is concerned with the configuration of conditioned and polyvalent units of form (spatial, communicational, constructional or other units) at all urban scales. Only when the users have taken possession of the structures through contact, interpretation or filling-in the details, do the structures achieve their full status. Any architecture that has a tendency to formalism is thus excluded. »2

(Par nature le structuralisme s'intéresse à la configuration de formes et d'unités conditionnées et polyvalentes (spatiales, communicationnelles, constructives ou autre) à toutes les échelles. Ce n'est que lorsque les usagers ont pris possession des structures à travers le contact, l'interprétation, le remplissage des détails, que les structures atteignent pleinement leur statut. Toute architecture ayant tendance au formalisme est ainsi exclue.)

Le structuralisme en architecture fut donc la première critique du mouvement moderne, venant opposer au volume pur industriel des modernes une structure permissive, offrant des libertés d'appropriation et s’émancipant du formalisme.

Dans un même temps, un autre mouvement, partageant les idées du structuralisme, effectue une critique semblable de l'architecture moderne. Il s'agit

2. LUCHINGER Arnulf, Structuralism in Architecture and Urban Planning, Stuttgart 1980. Structuralism as an international movement. Including original texts by Herman Hertzberger, Louis Kahn, Le Corbusier, Kenzo Tange, Aldo van Eyck and other members of Team 10, p.16

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fig. 19 : Orphelinat d’Amsterdam de Aldo van Eyck, 1960

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du courant métaboliste, né du rassemblement d'architectes et d'urbanistes japonais en 1959. Comme les structuralistes, ceux-ci refusent de contraindre la forme à sa fonction comme le suggéraient les préceptes fonctionnalistes et cessent de voir l'architecture comme un produit fini, mais plutôt comme un espace permettant la transformation fonctionnelle, pour répondre aux évolutions futures de la société. Influencés par les idées d'Archigram et leurs mégastructures ludiques et poétiques, répondant à l'apparition de la société de consommation, les métabolistes conçoivent des structures évolutives, flexibles, pouvant s'étendre et répondre aux enjeux d'habitabilité d'une société de plus en plus nombreuse. Le bâtiment devient donc une superstructure, abritant des éléments plus petits, pouvant croître de manière organique, en proposant d'accueillir de nouveaux modules si besoin.

Le vocabulaire formel des métabolistes s'éloigne lui aussi radicalement des formes pures des modernes. Ce lien à la biologie et à la nature s'explique par une référence aux concepts bouddhistes sur la renaissance3 (le mouvement naît en effet durant

la reconstruction du Japon) après les deux attaques nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki en 1945).

Le métabolisme et le structuralisme s'accordent donc sur de nombreux points dans leur critique du mouvement moderne. Kenzo Tange (influent membre du mouvement métaboliste), invité à la onzième et dernière CIAM à Otterlo, aux Pays-Bas, avait d'ailleurs présenté aux membres de la Team X deux projets théoriques de l'architecte métaboliste Kiyonori Kikutake dès 1959. Leur critique commune remet donc en question l'universalité du formalisme et la fixité des espaces créés par le mouvement moderne, au profit d'une flexibilité et d'une évolutivité permettant l'adaptation de l'architecture aux pratiques différenciées et à l'évolution temporelle.

Si l'architecture métaboliste a quasiment disparu depuis les années 1980, on retrouve aujourd'hui encore les idées du structuralisme (ou du moins les idées « structuralistes », en phase des enjeux actuels) dans l'architecture ouverte de Lacaton et Vassal, pour ne citer qu'un exemple.

Dans le document Function follows deformation (Page 54-57)

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