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2. Instrumentation utilisée pour l’analyse du phytoplancton du Réservoir Marne

2.3. La cytométrie en flux

Les organismes phytoplanctoniques, qui peuvent être vus comme des particules en suspension dans un liquide, sont bien adaptés à l’analyse par cytométrie en flux (CMF), dès lors que les cellules, colonies ou filaments ne dépassent pas un certain diamètre (Dubelaar et Jonker 2000). Cette technique est donc particulièrement pertinente pour compter et mesurer rapidement des cellules individuelles isolées ou pour discriminer des sous-populations homogènes sur des critères de fluorescence et de taille (Legendre et Yentch 1989, Olson et al. 1993).

Le principe de la cytométrie en flux peut être résumé comme suit (d’après Métézeau et al. 1997). Les cellules en suspension dans leur milieu liquide sont mises sous pression et injectées au centre d’un flux laminaire créé par un liquide de gaine exempt de particules. Ce liquide guide les cellules en file indienne, une par une, vers et dans une chambre d’analyse « frappée » par une source lumineuse (le plus souvent un laser de longueur d’onde fixe). Cette technologie va donc permettre l’analyse de toutes les particules et on comprend mieux pourquoi on parle de « single cell analysis ». Chaque fois qu’une cellule passe devant la source lumineuse, elle difracte et absorbe la lumière incidente du faisceau (Jacquet 2001). La lumière diffractée peut être mesurée à différents angles. Elle est recueillie dans l’axe de la lumière incidente et le paramètre mesuré dit de « diffraction aux petits angles » (FALS pour Forward Angle Light Scatter ou FSC pour Forward Scatter Channel) c’est à dire à des angles variant entre 2 à 6° peut être mis en relation directe avec la forme, la taille, et le volume de la cellule. La lumière diffractée par la cellule est également recueillie entre 8° et 90° de l’axe de la lumière incidente et le paramètre mesuré dit de « diffraction aux grands angles » ou diffusion orthogonale (RALS pour Right Angle Light Scatter ou SSC pour Side Scatter

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Channel) peut être mis en relation avec la taille, la texture cellulaire, l’indice de réfraction ou encore la granulosité cytoplasmique. Quant à la lumière absorbée puis ré-émise sous forme de fluorescence, elle est mesurée par différents détecteurs optiques après déviation grâce à des miroirs et séparation du signal lumineux grâce à différents filtres. Le FL1 enregistre la fluorescence verte (émise par le complexe marqueur-acides nucléiques utilisé pour le comptage des virus et des bactéries typiquement), le FL2 la fluorescence orange (émise par la phycoérythrine de certaines cyanobactéries et les cryptophycées) et le FL3 la fluorescence rouge (émise par la chlorophylle) (Legendre et Yentch 1989). Au final, l’acquisition des différentes mesures optiques contient des informations qui peuvent permettre d’identifier, d’énumérer et de discriminer un certain nombre de populations phytoplanctoniques. Ces mesures sont généralement visualisées sous forme d’histogrammes de dispersion biparamétrique (appelé cytogrammes) (Figure 1a) et/ou monoparamétrique (Figure 1b).

Figure 1 a) Représentation biparamétrique (cytogramme) de deux mesures optiques (FL3 versus SSC)

– b) Représentation monoparamétrique (histogramme de distribution) d’une mesure optique (SSC). (Tiré de Jacquet 2004)

Certaines fonctions, comme le tri cellulaire, associées au développement de la CMF, ont ouvert de nouvelles perspectives quant à l’étude de la dynamique des populations phytoplanctoniques dans le milieu naturel (Davey et Kell 1996 ; Vives-Rego et al. 2000 ; Reckermann 2000). En effet, ce module interne, optionnel ou partie intégrante de certains cytomètres, permet, après l’identification d’une signature cytométrique sélectionnée, la séparation physique des cellules issues d’un assemblage mixte (Figure 2). La mise en culture

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et l’identification microscopique des cellules phytoplanctoniques peuvent alors permettre de réaliser un suivi saisonnier à l’aide des signatures auxquelles des noms auront été attribuées.

Nous avons utilisé cette approche dans le cadre de cette thèse et les résultats obtenus sont détaillés dans l’article de Cellamare, Rolland et Jacquet intitulé : « Flow sorting of freshwater phytoplankton », sous presse dans Journal of Applied Phycology, présenté dans ce chapitre. Nous avons utilisé la capacité du cytomètre FACSCalibur à opérer le tri cellulaire pour analyser la communauté phytoplanctonique de 4 écosystèmes différents dont le Réservoir Marne. Nous avons montré que malgré les stress optique, mécanique et hydrodynamique subis par les cellules triées, la plupart des populations ciblées ont pu être isolées et mises en culture dans un milieu de culture mixte. Quarante cinq taxons phytoplanctoniques ont été isolés, incluant des chlorophycées (29 espèces), des cyanobactéries (8), des diatomées (7) et des cryptophycées (1). Environ 80 % des populations triées ont réussi à croître de façon optimale et 47% constituaient des monocultures. Cependant, certains groupes n’ont pas pu être isolés comme les cyanobactéries coloniales, les chrysophycées, les euglènes, les desmidiacées et les dinoflagellés. Par ailleurs, Cryptomonas sp. a présenté une grande sensibilité au tri. Nous proposons que l’analyse par cytométrie en flux du phytoplancton d’eau douce, plus spécifiquement les espèces enclines à former des efflorescences et celles qui sont facilement triables et identifiables, pourrait constituer un outil intéressant pour les gestionnaires.

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Figure 2 Histogrammes biparamétriques d’échantillons estivaux provenant de la mer Wadden

(Allemagne). FL3 représente la fluorescence rouge (excitation à 488 nm et émission à 675 nm) indicatrice de la présence de chlorophylle, FL2 exprime la fluorescence orange de la phycoérythrine

(excitation à 488 nm et émission à 575 nm). FL4 représente la fluorescence de la phycocyanine (excitation à 633 nm et émission à 660 nm). FSC fournit une indication sur la taille de la cellule. a)

Configuration pour le pico- et nano- phytoplancton. b) Configuration pour le nano- et micro-phytoplancton. Les groupes identifiés sont les suivants : A - Synechococcus type I ; B – Synechococcus type II ; C - pico-eucaryotes type I ; D – pico-eucaryotes type II ; E – pico-eucaryotes

type III ; F – Leptocylindrus minimus (diatomée) ; G – Hemiselmis virescens (cryptophycée) ; H – Teleaulax amphioxeia (cryptophycée) ; I – Rhodomonas marina (cryptophycée) ; K – Nitzschia

closterium (diatomée) ; L – Thalassiosira minima (diatomée) ; M – Fibrocapsa japonica (raphidophycée) ; X – Microcystis viridis (cyanobactérie). (Tiré de Reckermann 2000)

a )

b )

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