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Cycloadditions 1,3-dipolaires nitrone-alcène

Application des complexes [CpM(BIPHOP-F)L][X]

IV.1.2 Cycloadditions 1,3-dipolaires nitrone-alcène

Bien que la réaction entre la C-benzyle-N-phényle nitrone et l’isocyanate de phényle ait été rapportée dès 1890 par Beckmann,11 ce n’est que dans les années 60 que la réaction de cycloaddition des nitrones avec les alcènes a été découverte, simultanément par plusieurs équipes.12 Sa version intramoléculaire a également été développée à cette époque, par Le Bel.13 Depuis lors, cette réaction est devenue un outil de choix en synthèse organique.14,15

La préparation des nitrones a fait l’objet de revues par Malacuso et Hamer en 1964,16 par Sandler et Karo en 1977,17 et enfin par Breuer en 1989.18 Trois méthodes de synthèse des nitrones sont plus particulièrement employées:

- Oxydation d’hydroxylamines N,N-disubstituées - Oxydation d’amines secondaires19,20 21,

- Condensation d’hydroxylamines N-substituées sur des aldéhydes ou des cétones22

Par ailleurs, la structure, les problèmes d’isomérie Z/E, la stabilité et la réactivité des nitrones ont été l’objet d’études extensives, relatées en détail dans ces différentes revues.

La réaction de cycloaddition [3+2] entre une nitrone et un alcène est une réaction fondamentale en synthèse organique. Elle conduit à la formation d'isoxazolidines, hétérocycles à cinq chaînons contenant un atome d'azote et un atome d'oxygène adjacents (Schéma IV-1). N O O N Isoxazolidine + 1 2 3 4 5 Schéma IV-1

Le principal intérêt du cycle isoxazolidine est lié à la diversité de composés accessibles à partir de ce motif (Schéma IV-2).

réduction O N R RNH OH alcaloïdes amino-sucres β-amino-acides β-lactames Schéma IV-2

Conséquence de la relative fragilité de la liaison N-O sous conditions réductrices, les isoxazolidines ont été largement utilisées comme équivalents des 1,3-amino-alcools, précurseurs d'une grande variété de produits naturels et dérivés, principalement d'alcaloïdes,23 d'aminoacides et d'amino-sucres.10f,k

La réaction de cycloaddition 1,3-dipolaire nitrone-alcène fait intervenir quatre électrons π du dipôle et deux électrons π de l’alcène. Il est généralement accepté que cette cycloaddition a lieu selon un mécanisme concerté asynchrone, la formation de la liaison C-O étant plus rapide que celle de la liaison C-C,24 la cinétique étant du second ordre (premier ordre en nitrone et premier ordre en alcène). Cette réaction est caractérisée par des enthalpies d’activation relativement modestes (15 à 18 kcal/mol) et des entropies d’activation très négatives (-23 à –32 cal/mol/K).10k Ces caractéristiques énergétiques ressemblent à celles de la réaction de Diels-Alder. La réaction de cycloaddition 1,3-dipolaire nitrone-alcène, dans laquelle deux liaisons π des réactifs sont converties en deux liaisons σ dans le produit, est exothermique et a lieu selon un état de transition précoce.

Un mécanisme concerté est autorisé thermiquement selon la description [π4s + π2s], en accord avec les règles de Woodward-Hoffmann. L’état de transition de la réaction est donc contrôlé par les orbitales moléculaires frontières des substrats. La LUMO du dipôle peut interagir avec la HOMO de l’alcène et vice-versa. Sustman a proposé une classification des réactions 1,3-dipolaires en trois catégories, relativement aux énergies des orbitales moléculaires frontières du dipôle et de l’alcène (Figure IV-3).25 Les réactions nitrone- alcène sont généralement de type II. Cependant l’introduction d’un groupe électroattracteur ou électrodonneur sur le dipôle ou l’alcène peut largement modifier les énergies relatives des orbitales moléculaires frontières et donc le type de la réaction. Par exemple, la réaction entre la N-méthyle-C-phényle nitrone et l’acrylate de méthyle est contrôlée par l’interaction HOMOdipôle-LUMOalcène. Au contraire, la réaction entre la même nitrone et l’éther de méthyle vinyle est contrôlée par l’interaction LUMOdipôle-HOMOalcène.10e Un raisonnement simple sur les orbitales frontières apporte donc des informations précieuses sur les réactivités et sélectivités relatives dans cette réaction, bien qu’elle soit également très sensible aux facteurs stériques.

Dipôle Alcène Dipôle Alcène Dipôle Alcène

Ene

rgie

LUMO

HOMO

Type I Type II Type III

Figure IV-3 Classification des réactions 1,3-dipolaires sur la base des orbitales moléculaires frontières

Trois problèmes de sélectivité sont associés à la réaction de cycloaddition 1,3-dipolaire nitrone-alcène :

9 Premièrement un problème de régiosélectivité, illustré Schéma IV-3. Si l'oléfine porte un substituant, l'atome de carbone auquel celui-ci est lié peut réagir soit avec l'atome d'oxygène (formation de l'isoxazolidine substituée en position 5) soit avec le carbone en α de la nitrone (formation de l'isoxazolidine substituée en position 4). La régiosélectivité de la réaction est contrôlée à la fois par des facteurs électroniques et stériques.26 La formation d’isoxazolidines 5-substituées est favorisée dans le cas des alcènes mono- ou gem-disubstitués. D’une manière générale, l’oxygène de la nitrone s’additionne sur le carbone le plus encombré du dipolarophile.

Régioisomères + N O + N O N O 4 5 Schéma IV-3

9 Dans le cas d’une nitrone C-substituée et d’une oléfine portant au moins un substituant, chaque régioisomère peut être obtenu sous la forme d’un mélange d’isomères endo et exo (Schéma IV-4).

Diastéreomères

exo endo

+ +

N O N O N O

Schéma IV-4

La nomenclature endo et exo est bien connue de la réaction de Diels-Alder. Le cas d’un alcène α-carbonylé est illustré Figure IV-4. Pour la réaction de Diels-Alder, l'isomère endo découle de la réaction dans laquelle l'état de transition est stabilisé par l’interaction secondaire d'une orbitale π. La même nomenclature est employée pour la réaction de cycloaddition 1,3-dipolaire entre une oléfine et une nitrone. Mais dans ce cas l'interaction de l'orbitale pz de la nitrone avec une orbitale pz en position vicinale de l'alcène est faible entraînant par conséquent une stabilisation faible.27 La sélectivité endo/exo est donc ici principalement contrôlée par la structure des réactifs.

Réaction de Diels-Alder état de transition endo

X

+

Cycloaddition 1,3-dipolaire états de transition endo et exo

X + N O X + N O exo endo

Figure IV-4 Sélectivités endo et exo dans les réactions de Diels-Alder et 1,3-dipolaires

9 Enfin, chacun de ces quatre produits est obtenu sous la forme d’une paire d’énantiomères, le dipôle pouvant approcher sur une face ou l’autre de l’alcène ( Schéma IV-5). Au maximum, trois centres stéréogéniques contigus peuvent être formés au cours de la réaction entre une nitrone C-substituée et une oléfine 1,2-disubstituée.

O N N O Enantiomères N H O N H O Schéma IV-5

La cycloaddition concertée a lieu selon la description [π4s + π2s]. Cela signifie que les trois orbitales pz de la nitrone et les deux orbitales pz de l’alcène se recouvrent de manière suprafaciale-suprafaciale. Dans le cas d’alcènes 1,2-disubstitués cette attaque syn exclusive du dipôle sur la double liaison implique que la stéréochimie relative des centres C4 et C5 de l’isoxazolidine formée est toujours contrôlée par la position, cis ou trans, des substituants de l’alcène (Schéma IV-1). Par conséquent, l’obtention d’isoxazolidines optiquement actives dépend de la capacité à contrôler simultanément :

- la régiosélectivité de la réaction

- éventuellement, la stéréochimie relative des substituants de l’alcène et du substituant en α de l’azote de la nitrone (sélectivité endo/exo)

- la facialité de l’approche du dipôle sur l’alcène