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Conclusion et Perspectives

Au cours de ce travail de thèse, la variation du contre-anion de complexes de fer du type [CpFe(BIPHOP-F)(acroléine)][X] (X = TfO, BF4, PF6, SbF6, TFPB) a été étudiée. La modification de ce paramètre structural a abouti à une augmentation conséquente de l’activité catalytique de ces acides de Lewis pour la réaction de Diels-Alder, de manière comparable à l’effet observé sur les complexes de ruthénium analogues.

Une nouvelle augmentation de l’activité catalytique était espérée du remplacement du ligand cyclopentadiényle par le ligand indényle. Cependant, les complexes [IndFe(BIPHOP-F)(acroléine)][X] se sont révélées instables dans les conditions de catalyse et n’ont pu être testés dans des réactions de Diels-Alder asymétriques.

Au contraire, les complexes de ruthénium [IndRu(BIPHOP-F)(acétone)][X] sont des catalyseurs efficaces de réactions de Diels-Alder et montrent une sélectivité en faveur des adduits exo particulièrement intéressante. Notamment, ces catalyseurs ont permis de décrire le premier exemple de réaction entre le cyclopentadiène et l’acroléine favorisant la formation de l’adduit exo. Le complexe [IndRu((R,R)-Me4-BIPHOP-F)(acroléine)][SbF6] et son analogue cyclopentadiényle ont été caractérisés à l’état solide et une interprétation des différences de ces complexes en catalyse, s’appuyant en partie sur ces structures, a été proposée.

Une étude mécanistique portant sur la stabilité configurationelle du centre métallique du complexe [CpRu((R)-BINOP-F)(H2O)] dans l’acétone a été réalisée à l’aide de mesures RMN et de calculs DFT. Cette étude a permis de proposer un mécanisme dissociatif Id pour le phénomène d’échange de l’environnement stérique des atomes de phosphores observé. Une énergie d’activation inférieure à 62 kJ/mol a été déterminée pour ce processus.

Enfin, ce travail a abouti à une nouvelle application des complexes [CpM(BIPHOP-F)]+ en catalyse asymétrique. Ces composés se sont révélés être des catalyseurs efficaces de réactions de cycloaddition 1,3-dipolaires nitrone-oléfine asymétriques. Le premier exemple de réaction énantiosélective entre une nitrone et un aldéhyde α,β-insaturé catalysée par un complexe chiral basé sur un métal de transition a été présenté dans cette thèse.

Cette dernière application a été rendue possible par les caractéristiques stériques spécifiques des complexes [CpM(BIPHOP-F)]+ qui favorisent la coordination sélective

d’un énal par rapport à la coordination d’une nitrone, qui inhiberait le cycle catalytique. Bien que les nitrones soient généralement plus coordinantes que les énals, leur géométrie et la géométrie de la poche chirale ne semblent pas compatibles, ce qui autorise la catalyse de la réaction de cycloaddition 1,3-dipolaire nitrone-énal.

Ce concept de compatibilité substrat-catalyseur s’appuie sur la structure par diffraction de rayons X du complexe [CpRu((R,R)-BIPHOP-F)((S)-phénylvinylsulfoxyde)][SbF6] 80, obtenue très récemment. Cette structure a été résolue à partir de cristaux obtenus dans un mélange CH2Cl2/Heptane et est représentée Figure V-1.

SbF6- S Ru P P O O Ph Ph F5 F5 F5 F5 + O Ph 80 vue de dos vue de face

Figure V-1 Structure cristallographique du complexe [CpRu((R,R)-BIPHOP-F)((S)- phénylvinylsulfoxyde)][SbF6] 80

Les données cristallographiques complètes sont reportées dans le Chapitre VII.7. La configuration absolue du composé 80 a été affinée correctement (χ = 0.0(4)). Le substrat phénylvinylsulfoxyde est coordiné au ruthénium par l’atome de soufre, comme dans la grande majorité des structures RX de composés Ru-sulfoxyde.1 Cette structure montre une interaction d’empilement entre le groupe phényle du sulfoxyde et un groupe pentafluorophényle. Cette interaction reflète un changement important de l’orientation de ce groupe pentafluorophényle par rapport aux autres structures cristallographiques des

complexes cyclopentadiényle ruthénium portant les ligands BIPHOP-F ou Me4-BIPHOP-F. Des mesures effectuées avec la valeur rw(F) = 1.47 Å sur les structures des complexes 80 (ϕ = 68.8°) et [CpRu(BIPHOP-F)(acétone)][SbF6] 3d (ϕ = 53.0°) montrent une variation très significative de l'angle de morsure ϕ caractérisant la taille de la poche chirale. La structure à l’état solide du complexe 80 indique donc que cette poche chirale n’est pas figée et qu’elle peut, dans une certaine mesure, s’adapter aux caractéristiques géométriques de substrats fortement coordinants. Une variation de l’organisation de la poche chirale du complexe ATPH a également été observée en fonction du substrat coordiné (voir Chapitre I, paragraphe I.2.2).2

Le complexe 80 a été préparé par cristallisation du complexe [CpRu((R,R)-BIPHOP- F)(acétone)][SbF6] 3d dans un mélange CH2Cl2/Heptane en présence de 10 équivalents de phénylvinylsulfoxyde racémique. Seuls des cristaux du complexe [CpRu((R,R)- BIPHOP-F)((S)-phénylvinylsulfoxyde)][SbF6] 80 ont été obtenus, la formation sélective de ce complexe pouvant résulter soit d’une non-coordination du (S)-phénylvinylsulfoxyde (la description de la chiralité du sulfoxyde change lors de la coordination au centre métallique), soit de la cristallisation d’un seul des deux complexes diastéréomériques en équilibre en solution. L’obtention de cette structure ouvre des perspectives intéressantes à plusieurs titres :

9 Le complexe [CpRu((R,R)-BIPHOP-F)(acétone)][SbF6] pourrait être utilisé comme réactif d’énantiodifférentiation RMN, cette méthode de détermination de l’excès énantiomérique de sulfoxydes chiraux étant relativement peu développée.3

9 Ce complexe pourrait également être utilisé comme agent de dédoublement de sulfoxydes racémiques.4

9 Au contraire, des sulfoxides chiraux pourraient être utilisés comme agent de dédoublement de nouveaux complexes racémiques de cette famille. Cette approche pourrait permettre de tester rapidement l’efficacité de nouveaux ligands bidentates. 9 Des sulfoxydes chiraux pourraient être utilisés comme réactifs d’empoisonnement

chiral en association avec un catalyseur racémique.5

9 Enfin, des premiers essais en RMN montrent, qualitativement, que le phénylvinylsulfoxyde coordiné au complexe 3d est immédiatement déplacé par addition de phénylvinylsulfure. Compte tenu de l’environnement chiral crée par le complexe 3d autour du sulfoxyde coordiné (Figure V-1), cette observation laisse entrevoir une application prometteuse de ces complexes pour l’oxydation catalytique

énantiosélective de sulfures en sulfoxydes.6,7 Des travaux préliminaires sur cette réaction ont été décrits récemment avec des complexes de ruthénium8 et de rhénium.9

Par ailleurs, la nature du contre-ion négatif jouant un rôle significatif sur l’activité catalytique des acides de Lewis du type [Cp- ou IndM(BIPHOP-F)L][X], l’utilisation d’un anion chiral dans ces systèmes pourrait s’avérer intéressante à plusieurs titres. Dans cette optique, les complexes [CpRu((R,R)-BIPHOP-F)(acétone)][Λ-TRISPHAT] 81 et [CpRu((S,S)-BIPHOP-F)(acétone)][Λ-TRISPHAT] 82 ont été préparé très récemment, en collaboration avec le groupe du Professeur Jérôme Lacour, à l’Université de Genève.10

Ph Ph O O P(C6F5)2 (C6F5)2P Ru O + O O O O O O P Cl Cl Cl Cl Cl Cl Cl Cl Cl Cl Cl Cl Ph Ph O O P(C6F5)2 (C6F5)2P Ru O + O O O O O O P Cl Cl Cl Cl Cl Cl Cl Cl Cl Cl Cl Cl 81 82

Les premiers essais de catalyse de la réaction de Diels-Alder entre le cyclopentadiène et la méthacroléine ont montré une activité catalytique de ces deux complexes comparables à celle observée avec le catalyseur [CpRu(BIPHOP-F)(acétone)][TFPB]. Une différence significative d’activité catalytique entre ces composés diastéréomériques a été observée lors d’un premier essai de catalyse. Cependant, des résultats divergents ont été obtenus lors de la reprise de ces réactions. Des travaux sont actuellement en cours sur ces réactions. Avec les deux complexes diastéréomériques, une énantiosélectivité de 92% (donc supérieure à celle obtenue avec le complexe TFPB 3e, ee = 88%) a été obtenue dans chaque cas pour la réaction entre le cyclopentadiène et la méthacroléine (catalyseur 81, cycloadduit-(R) ; catalyseur 82, cycloadduit-(S)). Bien qu’aucune influence de l’anion chiral n’ait été observée pour l’instant en terme d’induction asymétrique, la préparation de ces complexes présente une autre intérêt. Du fait de la chiralité de l’anion, des complexes formés à partir d’un ligand bidentate racémique existent sous forme d’une paire de diastéréoisomères et peuvent, dans certains cas, être séparés par une simple chromatographie sur colonne. Cette approche permettrait de tester rapidement l’efficacité de nouveaux ligands bidentates. Enfin, dans l’éventualité d’une utilisation de ligands

bidentates non C2-symétriques, l’influence d’un anion chiral sur les équilibres diastéréomériques résultants, et sur l’induction asymétrique due à de tels complexes, pourrait être notable.

D’autre part, le passage du ruthénium à l’osmium11 devrait conduire à des complexes chiraux de plus faible acidité de Lewis et possédant une plus grande poche de coordination, qui pourraient être utilisés, notamment, pour la catalyse de réactions d’hétéro-Diels-Alder asymétriques.

Du fait de la similitude entre les fragments isoélectroniques [(η5

-C5H5)Ru] et [(η7

-C7H7)Mo],12 la préparation de complexes molybdène cycloheptatriène du type [(η7

-C7H7)Mo(BIPHOP-F)L][X] est attrayante, non seulement dans le but de développer de nouveaux systèmes catalytiques, mais également d’un point de vue économique, compte tenu du faible coup des systèmes basés sur le molybdène par rapport à ceux basés sur le ruthénium.

Cette chimie des acides de Lewis chiraux, à l’interface entre la catalyse asymétrique et une chimie typiquement organométallique, laisse donc encore entrevoir de nombreuses possibilités de développement prometteuses.

Références

1 M. Calligaris, O. Carugo, Coord. Chem. Rev. 1996, 153, 83.

2 K. Maruoka, H. Imoto, S. Saito, H. Yamamoto, J. Am. Chem. Soc. 1994, 116, 4131. 3 a) N. Gautier, N. Noiret, C. Nugier-Chauvin, H. Patin, Tetrahedron: Asymmetry 1997,

8, 501. b) J. Drabowicz, B. Dudzinski, M. Mikolajczyk, Tetrahedron: Asymmetry

1992, 3, 1231. c) M. Deshmukh, E. Dunach, S. Juge, H. B. Kagan, Tetrahedron Lett. 1984, 25, 3467.

4 J. W. Faller, Y. Ma, Organometallics 1992, 11, 2726.

5 Voir, par exemple : J. W. Faller, A. R. Lavoie, B. J. Grimmond, Organometallics

2002, 21, 1662.

6 Revues sur des méthodes catalytiqes : a) C. Bolm, K. Muniz, J. P. Hildebrand, dans

Comprehensive Asymmetric Catalysis I-III, E. N. Jacobsen, A. Pfaltz, H. Yamamoto,

Eds., Springer-Verlag : Berlin, 1999, Ch. 19. b) H. B. Kagan, dans Catalytic

Asymmetric Synthesis, I. Ojima, Ed., VCH : New York, 1993, Ch. 4,3.

7 Pour des articles représentatifs décrivant des méthodes stœchiométriques : a) D. A. Evans, M. M. Faul, L. Colombo, J. J. Bisaha, J. Clardy, D. Cherry, J. Am. Chem. Soc.

1992, 114, 5977. b) F. A. Davis, R. T. Reddy, W. Han, P. J. Carroll, J. Am. Chem. Soc. 1992, 114, 1428. c) P. Pitchen, E. Dunach, M. N. Deshmukh, H. B. Kagan, J. Am.

Chem. Soc. 1984, 106, 8188.

8 a) B. Steinmetz, M. Hagel, W. A. Schenk, Z. Naturforsch,Teil B 1999, 54, 1265. b) W. A. Schenk, B. Steinmetz, M. Hagel, W. Adam, C. R. Saha-Moeller, Z.

Naturforsch,Teil B 1997, 52, 1359. c) W. A. Schenk, M. Duerr, Chem. Eur. J. 1997, 3,

713. d) W. A. Schenk, J. Frisch, M. Duerr, N. Burzlaff, D. Stalke, R. Fleischer, W. Adam, F. Prechtl, A. K. Smerz, Inorg. Chem. 1997, 36, 2372. e) W. A. Schenk, J. Frisch, W. Adam, F. Prechtl, Angew. Chem. Int. Ed. 1994, 33, 1609.

9 M. Otto, B. J. Boone, A. M. Arif, J. A. Gladysz, Dalton Trans. 2001, 1218.

10 Pour la synthèse et la résolution de l’anion phosphate chiral TRISPHAT, voir : a) J. Lacour, C. Ginglinger, F. Favarger, Tetrahedron Lett. 1998, 39, 4825. b) J. Lacour, C. Ginglinger, C. Grivet, G. Bernardinelli, Angew. Chem. Int. Ed. Engl. 1997, 36, 608. 11 Pour un exemple d’acide de Lewis chiral Arène-Osmium catalysant efficacement une

réaction de Diels-Alder, voir : J. W. Faller, J. Parr, Organometallics 2001, 20, 697. 12 M. L. H. Green, D. K. P. Ng, Chem. Rev. 1995, 95, 439.

Chapter VI