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Malgré le développement de modèles cellulaires permettant de reproduire le cycle viral complet en culture cellulaire, les étapes du cycle viral du VHC sont encore mal connues. Néanmoins, grâce aux découvertes récentes et par analogie avec les autres flavivirus, les grandes étapes du cycle viral seraient : (a) attachement, entrée et internalisation du virus, (b) décapsidation et libération du génome, (c) expression et maturation des protéines virales, (d) réplication du génome viral, (e) assemblage des virions, (f) maturation et sécrétion des particules virales infectieuses (voir figure 19) [97, 146]. La figure 19 représente le cycle viral du virus de l’hépatite C.

Figure 19 : Représentation schématique du cycle viral du VHC. (a) Attachement et Entrée du virus, (b) Fusion des membranes, Décapsidation et Libération du génome, (c) Expression de la polyprotéine et Maturation des protéines virales, (d) Réplication du génome viral, (e) Assemblage des virions, (f) Maturation et Sécrétion des particules virales infectieuses. Adapté de Lindenbach B.D, Nature, 2005. (a) (b) (c) (d) (e) (f)

4.1- Attachement, entrée et internalisation du virus

L’entrée du VHC dans la cellule hôte se déroulerait selon plusieurs étapes:

- L’attachement du virus à la cellule hôte via une interaction entre les glycoprotéines d’enveloppe E1 et E2 et des récepteurs de la cellule cible (CD81, SCARB1, LDLR, etc.) ; - L’entrée et du virus survenant au niveau des molécules de jonctions serrées (Claudine 1 et

Occludine) ;

- L’internalisation virale par un mécanisme d’endocytose clathrine-dépendante.

Le virus de l’hépatite C est enveloppée d’une double couche lipidique dans laquelle sont ancrées les glycoprotéines (gp) d’enveloppe E1 et E2. Dans la circulation périphérique, le génome viral est généralement retrouvé sous forme de lipoviroparticules très hétérogènes et associées aux lipoprotéines de l’hôte [274]. La fixation des gp aux récepteurs de la cellule hôte est le point de départ du cycle viral du VHC [275]. De nombreux récepteurs de l'hôte ont été impliqués dans l’entrée du VHC dans les hépatocytes humains. Ce sont : les glycosaminoglycanes (GAGs) [276], les héparanes sulfates (HSPG) [277], le récepteur de lipoprotéines de basses densités (LDLR) [278], la tétraspanine CD81 [279], le récepteur scavenger de classe B de type 1 (SCARB1) [280], les protéines de jonctions serrées Claudine 1 (CLDN1) [279, 281] et occludine (OCLN) [282], le récepteur tyrosine kinases EGFR [149], le récepteur éphrin A2 (EphA2) [149], le transporteur de cholestérol NPC1L1 [283] et le récepteur de transferrine TfR1 [284]. D’autres corécepteurs d’entrée sont également décrits : les lectines de type-C DC-SIGN et LC-SIGN [285], la tétraspanine CD9 [286], le récepteur scavenger CD5 [270], le récepteur eIF3B [287], les claudines 6 et 9 [288] et certains TLR-s [136].

Les particules virales infectieuses peuvent se retrouvées libres ou associées à des lipoprotéines tels que les vLDL, LDL et HDL, ou à des apolipoprotéines tels que : apoA, apoB, apoC et apoE. La présence de ces complexes lipidiques leur confère une protection supplémentaire contre les anticorps neutralisants et facilite leur entrée dans les hépatocytes [289]. De plus, les apolipoprotéines jouent un rôle critique dans l’étape d’attachement du virus via leurs interactions avec les récepteurs de lipides [290]. La première étape de l’entrée virale est caractérisée par l‘attachement des complexes lipidiques aux récepteurs GAGs, HSPG, LDLR et SCARB1 [262]. La molécule LDLR, protéine d’environ 100kDa, est le principal récepteur associé à l’attachement du virus. En effet, elle reconnait et lie les lipoprotéines présentes à la surface du virus telles que LDL et vLDL [262]. Les récepteurs GAGs et HSPG, reconnaissent quant-à eux, les apolipoprotéines [291].

Le récepteur SCARB1 est une protéine d’environ 80kDa qui joue trois rôles essentiels dans l’entrée virale. En effet, il se lie à l’apoE pour favoriser l’attachement du virus à la membrane cellulaire. De plus, la région de fixation du CD81 à E2 étant obstruée par le domaine hypervariable HVR1, l’interaction du virus avec SCARB1 induit un changement de conformation sur E2 [292]. Ce changement de conformation libère le site de fixation et favorise la fixation de la gp E2 au récepteur CD81. Enfin, le récepteur SCARB1 interagit directement avec E2, favorise l’infectivité et initie le transfert du virus vers le récepteur CD81 [293]. Après l’attachement, la gp E2 se lie au récepteur CD81 et la formation du complexe E2/CD81 est le point culminant de l’entrée virale.

La tétraspanine CD81 est le tout premier récepteur du VHC à avoir été décrit [294]. C’est une protéine d’environ 22kDa qui est exprimée par de nombreuses cellules notamment par les hépatocytes et les lymphocytes [269]. Des études ont montré que l’inhibition du CD81 abrogeait complètement la permissivité des cellules au virus de l’hépatite C [295, 296]. La molécule CD81 est donc essentielle à l’entrée du virus de l’hépatite C. Suite à la reconnaissance de E2, il y a formation d’un complexe E2/CD81 qui active les corécepteurs d’entrée EGFR, TfR1 et NPC1L1 [262]. Ces corécepteurs d’entrée ont une importance majeure car des études montrent que l’inhibition d’un ou de plusieurs corécepteurs limite l’infection virale [149]. Par ailleurs, ils favorisent la formation du complexe CD81-Claudine1.

La seconde étape de l’entrée virale se déroule au niveau des jonctions serrées via les interactions du virus avec les molécules Claudine1 et occludine. En effet, la Claudine1, protéine transmembranaire d’environ 23kDa, a été identifiée comme une protéine essentielle à la phase d’entrée du virus [281]. Elle est exprimée dans tous les tissus épithéliaux, avec une prédominance dans le foie [297]. Elle peut être localisée au niveau des jonctions serrées mais aussi à la surface basolatérale des hépatocytes. Des études montrent que l’utilisation d’anticorps monoclonaux dirigés contre la Claudine 1 inhibe l’infection des hépatocytes, en culture primaire, par tous les génotypes du VHC [298]. D’autres études suggèrent que SCARB1 et la Claudine 1 seraient les facteurs essentiels de l’hépato-tropisme du VHC tandis que d’autres révèlent que le récepteur CD5 serait important pour le lymphotropisme du VHC [270, 299]. La Claudine 1 s’associe au CD81 pour former un complexe d’attachement essentiel à l’internalisation du virus [300]. Cette internalisation se fait principalement au niveau des jonctions serrées.

L’occludine est une protéine transmembranaire d’environ 65kDa également exprimée dans les jonctions serrées des cellules polarisées [282]. L’inhibition de l’expression de l’occludine conduit à une diminution de l’infection des cellules hépatiques infectées [301]. Elle participe donc activement à la perméabilité membranaire au virus de l’hépatite C.

La troisième étape de l’entrée virale est l’internalisation du virus qui se fait par un mécanisme d’endocytose clathrine-dépendante [302]. Cette internalisation s’effectue au niveau des

jonctions serrées qui assurent la polarisation cellulaires [303]. La figure 20 montre l’implication des principaux récepteurs du VHC au cours de l’entrée virale.

Figure 20 : Mécanisme d’entrée du virus de l’hépatite C et rôle des principaux récepteurs. Les lipoprotéines associées au VHC s‘attachent aux récepteurs HSPG, LDLR et SCARB1 (A). L’interaction du virus avec SCARB1 modifie la conformation de la gp E2 qui se fixe au récepteur CD81 (B). Le complexe E2/CD81 active les corécepteurs d’entrée EGFR, TfR1 et NPC1L1 (C). Par la suite, l’internalisation se fait via un mécanisme d’endocytose au niveau des molécules de jonctions serrées CLDN1 et OCLN (D). Enfin, la présence de la protéine CIDEB sur l’enveloppe virale stimule la décapsidation et la libération du génome (E). D’après Ding, Q et al, Cell host and microbes, 2014.

4.2- Décapsidation et libération du génome

Le virus ainsi internalisé se retrouve dans un endosome recouvert de molécules de clathrine [302]. Progressivement, le pH de cet endosome va diminuer et devenir de plus en plus acide. Cette acidification de l’endosome va favoriser la fusion des membranes de l’enveloppe du VHC et celle de l’endosome [304, 305]. La fusion de ces membranes est rapidement suivit par la décapsidation du virus puis la libération du génome virale dans le cytoplasme [97, 262]. Des études montrent que la présence de la protéine CIDEB sur l’enveloppe virale stimule la décapsidation et favorise la libération du génome viral [262, 305].

4.3- Initiation de la traduction IRES-dépendante et coiffe indépendante

L’ARN viral libéré dans le cytoplasme est traduit par un IRES localisé dans la région non codante 5’ du génome [97]. Contrairement au processus d’initiation de la traduction des ARN messagers chez les eucaryotes, l’IRES du VHC recrute et positionne directement les sous-unités ribosomales 40s sur le codon start AUG sans intervention des facteurs eucaryotes d'initiation de la traduction (eIFs) [119]. Ce positionnement est suivi de la fixation de facteurs de traduction eIF3 et eIF2-GTP-Met-tRNA qui stabiliseront la pré-initiation de la traduction [121]. Les sites de fixation d’eIF3 sur l’IRES sont situés principalement sur la structure cruciforme du domaine III, englobant les sous-domaines IIIa, IIIb et IIIc [119]. Enfin, les facteurs eIFs sont relargués dans le cytoplasme, permettant ainsi la fixation de la sous unité 60s pour la formation d’un ribosome 80s. La formation du ribosome 80s initie la synthèse protéique. Les ribosomes cellulaires 40s, 60s et 80s interagissent principalement avec le domaine III de l’IRES [119]. Néanmoins, tous les domaines de l’IRES seraient nécessaires à la réplication du génome viral [306]. Des études révèlent que le petit ARN mir122 stimule la traduction en favorisant l’association des sous unités ribosomales avec l’ARN viral [115]. Cette traduction est initiée par le codon situé au nucléotide 342 et les séquences entourant ce codon se trouvent sous la forme d’une boucle [118, 307]. La traduction s’effectue au niveau de la membrane du RE et aboutit à l’expression d’une polyprotéine d’environ 3000 acides aminés [117]. D’autres études montrent que les facteurs d’autophagie (Beclin1, Atg5) favorisent la traduction et initient la réplication du VHC [308]. Ainsi, l’IRES du VHC permet la traduction de l’ARN viral de manière coiffe indépendante aboutissant à la production de la polyprotéine virale qui sera clivée en 10 protéines résultantes.

4.4- Expression et maturation des protéines virales

La polyprotéine précurseur, organisée comme suit NH2-C-E1-E2-p7-NS2-NS3-NS4A-NS4B- NS5A-NS5B-COOH, subira des modifications co- et post-traductionnelles puis sera clivée en 10 protéines virales. Dans un premier temps, elle est clivée par les signal-peptidases cellulaires (SPP) de l’hôte au niveau des jonctions C/E1, E1/E2, E2/p7 et p7/NS2 pour donner les 3 protéines structurales E1, E2, Core et la protéine p7. Ensuite, l’auto-protéase virale NS2 clive la jonction NS2/NS3. Enfin, la sérine protéase virale NS3-4A clive le reste de la polyprotéine virale pour donner les 6 protéines non structurales NS2, NS3, NS4A, NS4B, NS5A et NS5B. Toutes ses modifications s’opèrent dans la membrane du réticulum endoplasmique à laquelle ces protéines sont directement ou indirectement associées et où elles exercent leur fonctions [117]. En parallèle, une protéine F/ARFP (également appelée protéine Core+1) peut être générée à partir d’un cadre de lecture alternatif [105].

4.5- Réplication du génome viral

Le clivage de la partie C-terminale de la polyprotéine pour donner des protéines non structurales permet de l’expression d’un complexe de réplication actif dans lequel chaque protéine exerce une fonction particulière. L’initiation de la réplication de l’ARN nécessite des structures hautement conservées, localisées dans la région non codante 3,’ qui servent de matrice [110]. Dans un premier temps, la protéine NS4B va favoriser la formation de structures vésiculaires sous forme de toile d’araignée que l’on appelle « membranous web » [202, 203]. Ces structures vésiculaires contiennent des fragments de membranes du RE et des gouttelettes lipidiques [203]. Ce réarrangement membranaire constitue le lieu où l'ARN viral est amplifié par l'ARN polymérase ARN-dépendante NS5B [179]. L’ARN positif du génome est répliqué en ARN négatif et ce dernier sert lui-même de matrice pour la synthèse de nouveaux brins de polarité positive. Les ARNs ainsi synthétisés serviront soit (i) de matrices pour la réplication virale, (ii) seront traduits pour donner de nouvelles protéines virales ou (iii) seront encapsidés et enveloppés pour la formation des nouvelles particules virales infectieuses [146].

4.6- Assemblage des néovirions

Après la réplication, les protéines Core et NS5A traduites s’accumulent sur les gouttelettes lipidiques. En parallèle, la NS5B favoriserait la migration des brins d’ARN positifs du site de réplication vers le complexe protéine Core-gouttelettes lipidiques [309]. L’assemblage viral semble donc extrêmement lié au métabolisme des lipides. Par ailleurs, le complexe Core-NS5A stimule l’encapsidation du génome viral au niveau du RE via un mécanisme dépendant de la synthèse des lipoprotéines de basse densité (VLDL) [310]. Les virions ainsi formés sont enveloppés d’une double couche lipidique dans laquelle s’incorpore les glycoprotéines d’enveloppe E1 et E2 avant leur sécrétion.

4.7- Sécrétion des particules virales infectieuses

Les mécanismes de sécrétion des particules virales infectieuses restent encore mal connus. De part leur association avec le métabolisme lipidique, les mécanismes de production des virions du VHC seraient associés à la voie de sécrétion du cholestérol. En effet, après l’assemblage, les virions s’associeraient aux lipoprotéines et apolipoprotéines avant de transiter par l’appareil de Golgi [146, 311]. Enfin, les virions (entouré de lipides) seraient transportés dans des vésicules de sécrétion de lipides puis excrétés dans le compartiment extracellulaire [312]. Cependant, des études récentes ont décrit, dans le plasma de patients, des particules virales infectieuses libres ou associés à des exosomes suggérant ainsi d’autres voies de sécrétion des particules virales [313].

C/ LES MODELES D’ETUDE DU VHC

Depuis sa découverte, l’impact précis du virus de l’hépatite C sur l’organisme humain reste difficile à étudier. En effet, le tropisme spécifique du VHC dans d'hôte et l’absence de modèles d’étude appropriés ont longtemps entravés la recherche sur l’hépatite C. Ainsi, étudier l’histoire naturelle du VHC, comprendre les mécanismes de dissémination du virus ou analyser les réponses immunes associées demeurent difficiles, notamment à cause du manque de modèles animaux possédant un système immunitaire fonctionnel et développant une maladie hépatique identique à celle de l’homme. Néanmoins, de nombreux modèles in vitro et in vivo ont été mis en place afin de permettre une meilleure compréhension du mécanisme d’action du virus et tester l’efficacité des molécules anti-virales [314].