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À DÉVELOPPER

Le contrôle et l’évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux qui accueillent des mineurs au titre de l’ASE relèvent de plusieurs autorités distinctes.

Même lorsque ses services ne sont pas l’autorité qui délivre l’autorisation, l’État dispose d’un pouvoir d’investi-gation et d’injonction (articles L. 331-1 et L. 313-13 du CASF). Ce contrôle des établissements et services a pour objet de repérer, sanctionner, corriger les infractions aux lois et règlements ou les dysfonctionnements.

Pour tous types de placement, le contrôle des établissements est confié au Président du Conseil général et/ou, selon la catégorie d’établissements, au Préfet. Le Président du Conseil général peut désigner pour exercer un contrôle des établissements l’un de ses agents et en fixer les modalités.

Dans le cadre de la protection judiciaire, le juge des enfants est investi d’un pouvoir de contrôle à l’égard de tout mineur (article L. 1198 du code de procédure civile) et des établissements auxquels il confie des enfants (article L. 313-20 du CASF).

De fait, les contrôles effectués par les départements sont peu fréquents, sauf sur demande lorsque par exemple la sécurité d’un enfant est en cause ou en cas de dysfonction-nement grave dans l’établissement.

La Cour des comptes a calculé que

« au rythme actuel, un établissement du secteur associatif sera contrôlé en moyenne tous les 26 ans32».

Celle-ci complète : « En tout état de cause, aucune administration n’est en mesure d’assumer le pilo-tage d’ensemble de l’action de l’État dans le domaine de la protection de l’enfance. La fonction d’édicter

des normes et des règles communes s’imposant sur l’ensemble du territoire national est au cœur des compétences de l’État. Dans le domaine d’une poli-tique décentralisée comme la protec-tion de l’enfance, cette compétence est difficile à mettre en œuvre puisque les prérogatives de gestion quoti-dienne échappent à ses services. » L’évaluation sociale et médico-sociale est un dispositif complé-mentaire, non un contrôle, ni un audit de conformité. Son objet (article L. 312-8 du CASF) vise à évaluer les « activités et la qualité des prestations » des structures.

Elle est conçue en référence aux modèles d’évaluation des politiques publiques, centrés sur l’étude des impacts au regard des objectifs des politiques ou programmes. Elle est ainsi définie comme une démarche permettant d’apprécier la perti-nence, l’adaptation, la cohérence et surtout l’efficience des activités et prestations d’une structure. Dans ce but, elle étudie les effets et impacts des actions et des processus mis en œuvre, au regard des objectifs et besoins, « avec une nécessaire rigueur », en utilisant également un recueil des opinions des diverses

« parties prenantes » d’une struc-ture (responsables, professionnels, usagers, entourage des usagers, par-tenaires). Elle s’inscrit constamment, dans les textes réglementaires, dans un nécessaire processus d’améliora-tion continue du service rendu.

Cette évaluation est parallèle à l’évaluation des situations et à celle des programmes territoriaux (schémas départementaux d’orga-nisation sociale réalisés périodique-ment par l’autorité administrative, prenant en compte une évaluation des dispositifs et des prestations réalisées, notamment par les établis-sements d’accueil).

Deux types d’évaluation sociale et médico-sociale sont obligatoires, selon l’article L. 328-1 du CASF 33. Une évaluation interne tous les 5 ans. Elle doit être menée par la structure elle-même en tenant compte de recommandations de bonnes pratiques professionnelles (RBPP) élaborées et/ou validées par l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) et des méthodes évaluatives préconisées par cette même agence.

Selon celle-ci, 73 % des établisse-ments de protection de l’enfance avaient réalisé ou étaient en train de réaliser leur première évaluation interne fin 201034.

Deux évaluations externes par période de 15 ans, période corres-pondant à la durée d’autorisation d’une structure. La première évalua-tion externe doit être faite au plus tard 7 ans après la date de l’autorisation.

La deuxième est à réaliser au plus tard 2 ans avant la date du renouvellement de l’autorisation. Ces évaluations sont commandées par l’organisme gestionnaire de la structure concer-née et effectuées par des organismes externes, indépendants et habilités par l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

32 _ « La protection de l’enfance », Rapport public thématique, octobre 2009, Cour des comptes.

33 _ Issu de la loi du 2 janvier 2002, confirmé et enrichi par la loi du 21 juillet 2009.

34 _ Rapport 2010 de l’ANESM.

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L’objet des évaluations, selon le décret DGAS n° 2007-975 du 15 mai 2007 :

« mieux connaître et comprendre les processus, apprécier les impacts produits au regard des objectifs (…), en référence aux finalités prioritaire-ment définies pour l’action publique » et « les suites données aux résul-tats des évaluations internes ». Ces appréciations permettent notam-ment à l’autorité de contrôle de statuer sur le renouvellement d’au-torisation d’une structure (article L. 313-1 du CASF) : « le renouvellement, total ou partiel, est exclusivement subordonné aux résultats de l’évalua-tion externe menl’évalua-tionnée au deuxième alinéa de l’article L. 312-8 ». Seules mille évaluations externes ont été réalisées ou sont en cours à ce jour35. Parmi les 38 500 établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), 24 500 devront avoir fait procéder à cette démarche avant le 2 janvier 2014. L’augmentation du nombre des démarches est lente : 113 organismes avaient été habilités en juillet 2009 pour réaliser cette évalua-tion, ils sont 823 en octobre 2011.

La culture de l’évaluation est loin d’être installée. La lenteur de la clarification réglementaire peut en partie l’expliquer : il a fallu attendre évaluation externe, (ce qui peut ouvrir à des interprétations diverses de la volonté publique par certains évalua-teurs habilités). La clarification de la doctrine publique prend du temps : les précisions de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des

établissements et services sociaux et médico-sociaux et de la Direction générale de la cohésion sociale, sur l’objet des démarches, leurs contenus et méthodes, n’ont été diffusées pour l’essentiel que depuis 2007. Elles n’ont pas toujours contrebalancé l’influence d’experts des démarches qualité ou de certification, pensant davantage en termes de conformité à des procé-dures qu’en termes d’étude des effets/

impacts des actions. Cela a généré une relativisation de ces obligations par certains professionnels de la protec-tion de l’enfance : les établissements et services sociaux et médico-sociaux (relevant du 4° de l’article L. 311 du CASF) qui, en protection de l’enfance, mettent en œuvre exclusivement des mesures éducatives judiciaires, ne sont pas réellement soumis au régime de l’évaluation externe. De ce fait, une part importante des évaluateurs habi-lités n’a pas l’expérience de l’accom-pagnement social ni des questions de droits de l’enfant accueilli.

On ne peut que constater que : - Parmi les recommandations de bonnes pratiques professionnelles (RBPP) de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, peu s’attachent aux droits de l’enfant en situation de placement : sur vingt et une RBPP publiées jusqu’en septembre 2011, seulement trois concernent la protection de l’enfance36.

- Les référentiels utilisés par des orga-nismes extérieurs (parfois peu compé-tents sur ces thèmes) sont rarement précis et adaptés aux situations de protection de l’enfance. La plupart du temps, il y est certes question de droits des usagers, mais sans lien réel avec les droits de l’enfant.

Il semble indispensable d’envisager l’adaptation et la spécialisation des démarches d’évaluation ou des référentiels pour les situations de placement. L’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux devrait être la base de lancement de ces contenus spécialisés. Quelques thèmes majeurs seraient à promouvoir pour les évaluer effectivement : décisions intégrant une évaluation de l’intérêt de l’enfant et une prise en compte de son point de vue, respect par l’établissement d’accueil des enga-gements écrits dans le projet pour réelles évaluations des dangers, communication des documents.

35 _ Conférence de presse du directeur de l’ANESM en septembre 2011.

36 _ Juillet 2008 : « Conduites violentes dans les établissements accueillant des adolescents : prévention et réponses ».

Mars 2010 : « L’exercice de l’autorité parentale dans le cadre du placement ».

Mai 2011 : « Le partage d’informations à caractère secret en protection de l’enfance ».

La protection de l’enfance comporte « un ensemble d’interventions en faveur des enfants et de leurs parents » afin de les accompagner dans l’exercice de leurs respon-sabilités éducatives. Confrontés à des difficultés suscep-tibles de compromettre gravement leur développement et leur avenir, quelques uns de ces jeunes doivent alors prendre de la distance et être accueillis temporairement hors de leur famille. Cette décision de séparation, lorsque la situation ne permet pas de faire autrement, doit également protéger la relation parent-enfant.

De nombreuses observations directes et différentes recherches conduites depuis soixante ans ont insisté sur le besoin primordial qu’a le jeune enfant d’établir un lien stable et sécurisant avec une personne, généralement sa mère, qui réponde convenablement à ses besoins, comprenne ses émotions. Elles ont conduit à élaborer la théorie de l’attachement.

Le chercheur anglais John Bowlby a mis en évidence, aux lendemains de la deuxième guerre mondiale, que le petit enfant a besoin d’établir un lien stable de qualité et sécurisant à l’autre, en premier lieu la mère, mais aussi le père, ou un membre de la famille, une assistante familiale. À partir de l’intériorisation de ces premières images d’assurance et de réassurance intérieure, il pourra alors trouver des points d’appui pour nouer des relations intimes et sociales de qualité dans une continuité

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d’être et permettre que ces diffé-rentes personnes deviennent partie intégrante de son histoire.

En France, Myriam David et Geneviève Appell ont impulsé, dans les années 1960, de tels travaux et mené leurs observations dans des pouponnières accueillant des bébés séparés très tôt de leur mère enclenchant ainsi un mouvement d’amélioration des conditions de placement et d’accueil du petit enfant.

Cette approche, qui n’est pas exclusive cependant, permet, en observant le développement de l’enfant et les liens qu’il tisse avec son entourage, de mettre en évidence les effets néfastes qu’ont sur les jeunes enfants les insuf-fisances de soins et d’attention maternels, les séparations précoces et d’alerter sur de tels risques.

Selon l’Oned, « Elle croise les préoc-cupations en jeu dans la protection de l’enfance […] et offre des perspectives très importantes non seulement pour l’approche clinique dans le traitement des situations individuelles, mais également pour le sens des politiques publiques de soutien aux enfants en difficultés et à leurs parents.1 »

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1 _ « La théorie de l’attachement, une approche conceptuelle au service de la protection de l’enfance, » dossier thématique coordonné par Nathalie Savard, Oned, 2010.

La construction précoce de liens est unanimement considérée comme déterminante pour le développement de l’enfant et de sa vie psychique.

En effet, il a besoin de se sentir protégé et assuré d’un soutien stable et rassurant apporté par un adulte (« la figure d’attachement »).

La force de cette relation sécuri-sante ouvre l’enfant sur le monde : les diverses découvertes, les rencontres nouvelles, les apprentissages de toutes sortes et les explorations qu’il peut entreprendre. « Les enfants qui ont une relation sécurisante avec leur mère font preuve en grandissant de plus de curiosité pour le monde extérieur, plus d’aisance dans les relations sociales et ont plus de ressources personnelles.2 »

Ainsi, dans sa façon de percevoir et d’interpréter la réalité comme dans ses comportements affectifs, intellectuels et sociaux, tout enfant se voit marqué profondément et durablement par ses premières expériences : comment son entou-rage (en général sa mère) a pris soin de lui, a deviné ses besoins et y a répondu de façon adéquate de telle sorte qu’il s’est senti en sécurité et protégé.

Il arrive que la qualité des liens avec la mère fasse défaut et par conséquent que ces premières expériences marquantes soient faussées, voire nocives. Ces per-turbations graves des relations mère-enfant, cette défaillance de l’installation d’une relation protec-trice reconnaissant l’enfant pour ce qu’il est : un bébé ou un enfant et les troubles qu’elle provoque chez l’enfant de tous âges, peut à force d’intensité, de répétition, de souffrance, conduire au placement.

« Dans les cas les moins heureux, ce sont les autorités publiques qui imposent de nouvelles figures d’at-tachement en ordonnant un

Placer l’enfant vise à le soustraire et à le protéger de relations familiales gravement perturbées, des troubles du lien qui les caractérisent et mettent en danger le dévelop-pement et l’équilibre de l’enfant.

D’autres difficultés économiques et sociales s’y ajoutent fréquemment qui empirent les conditions de vie, mais, en principe, elles ne consti-tuent pas les motifs déterminants du placement. « Si l’on excepte les maltraitances, les motifs d’entrée dans le premier placement ont deux causes principales : un tiers des cas pour défaillances de la cellule fami-liale qui nécessitent de protéger l’en-fant » ce sont les principaux motifs dans la petite enfance et dans interactions parent-enfant5 et ainsi éviter une identification à l’adulte souffrant ou, à l’inverse, à l’enfant souffrant, les professionnels sont encore peu formés à leur usage.

Les parents de ces enfants sont telle-ment envahis par les souvenirs dou-loureux de leur propre enfance et par la reviviscence des émotions et insa-tisfactions qui les agitaient dans les relations avec leurs parents, qu’ils

ne parviennent pas à considérer leur bébé, leur enfant, comme une personne avec des besoins et des émotions spécifiques.

Ces parents ramènent à eux les comportements du bébé et de l’en-fant comme s’ils étaient encore, eux-mêmes, cet enfant aux prises avec un parent non sécurisant qui ne leur a pas permis de se construire et dont les absences, les carences et les incohérences ont laissé des traces indélébiles en lui. Ils inter-prètent ces comportements et ces manifestations de l’enfant à la lumière de leurs expériences très anciennes, généralement violentes, insatisfaisantes et psychiquement déstructurées. Eux-mêmes les répètent avec leur enfant, qu’ils aiment cependant mais sans par-venir à lui apporter l’ensemble des éléments nécessaires à son dévelop-pement ; des soins physiques certes mais aussi des éléments de sécurité, de protection qui permettent à l’enfant de construire son monde intérieur suffisamment stable et rassurant pour qu’il puisse se lancer sans crainte annihilante dans l’explo-ration du monde extérieur : relations

2-3 _ « La théorie de l’attachement, une approche conceptuelle au service de la protection de l’enfance, » dossier thématique coordonné par Nathalie Savard, Oned, 2010.

4 _ Isabelle Frechon, « Les politiques sociales à l’égard des enfants en danger, trajectoires de prises en charge par la protection de l’enfance dans deux départements d’une cohorte de jeunes ayant atteint 21 ans », INED/CNRS, 2009.

5 _ Catherine Tourrette et Antoine Guédeney,

« L’évaluation en clinique du jeune enfant », (Dunod, sous presse, janvier 2012).