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généra-tions n’a pas lieu et une mère peu

« sécure » élève un enfant qui se sent en sécurité intérieure 22. Le pédopsychiatre Bernard Golse rappelle pour sa part : « On n’insistera jamais assez sur les points suivants : - Il n’existe pas de valeur thérapeu-tique de la séparation dans l’absolu.

- Tout dépend des moyens qu’on se donne et qu’une société se donne pour en faire une mesure utile et bébés nous ont appris au cours des dernières décennies.23».

Le livret d’information pour les acteurs de la protection de l’enfance 24 proposede s’intéresser à la motivation et à la procédure des réorientations d’un enfant ainsi qu’à leur fréquence et à l’accompagnement des temps de passage à partir d’un principe de continuité/cohérence défini comme :

« Ce principe précise l’importance d’assurer à l’enfant une continuité dans sa vie et son histoire, qu’il s’agisse de sa vie quotidienne ou des étapes des actions menées. Il conforte la nécessité d’une cohérence institutionnelle et d’une stabilité de l’environnement de l’enfant. »

Il serait très utile de mieux connaître le parcours des enfants placés. Or actuellement, il n’existe pas de données sur l’enchaînement des mesures de protection, « alors même que ces données sont indis-pensables à l’évaluation de l’impact

de ces mesures25 » soulignent unanimement des professionnels, des chercheurs, des familles. Les quelques études sont partielles, des panels, ou rétrospectives ; la période étudiée étant très variable : retour en arrière de plusieurs décennies ou encore études de dossiers de jeunes venant tout récemment de sortir de la protection de l’enfance dans certains départements. Elles apportent des indications d’autant plus précieuses que celles-ci sont rares et dressent un paysage qui mériterait d’être mieux dévoilé. Par exemple, combien de mesures éducatives sont elles suivies d’un placement ? Les place-ments, temporaires en principe, sont le plus souvent renouvelés, pour combien de temps et combien de fois ? Combien de dossiers de mineurs sont clos avant leur majorité car la situation de danger a disparu ? Les retours à la maison sont-ils des « essais » ou définitifs ? Que sait-on de la vie administrative, judiciaire, sociale, scolaire, de ces enfants depuis la mise en œuvre des premières mesures jusqu’à la clôture de leur dossier ? De telles infor-mations intéressent les politiques publiques en apportant des éléments de connaissance et de réflexion sur la pertinence de leurs choix et les applications concrètes des lois qui fondent leur action. Telles, en ce domaine, les lois du 2 janvier 2002 et celle du 5 mars 2007 qui remodèlent en profondeur la place et l’attention portées aux parents et aux enfants.

Les exigences posées par les textes, les conditions d’applica-tion, les situations personnelles des enfants se télescopent parfois, entrent en contradiction et placent les professionnels en situation de mal être. Des procédures de

fonc-tionnement, des modes de réponses clairs, élaborés à plusieurs apportent une sécurité qui ouvre aussi à l’inno-vation. La mise en réseau des dif-férents intervenants favorise la connaissance des domaines de cha-cun et conduit à créer une culture commune. La mise en place de supervisions régulières, dites parfois groupes de partages d’ex-périences, ouvertes aux différents professionnels, accessibles durant les périodes de temps travail, fonc-tionnant dans la durée offre à cha-cun et au groupe la possibilité de travailler sur ses émotions, renforce la dynamique d’équipe et permet d’être attentif aux besoins des professionnels.

22 _ Leblanc, Miljikovitch et Guédeney,

« La transmission intergénérationnelle de l’attachement », N. Guédeney et A. Guédeney, « L’attachement approche théorique ». Masson 2009.

23 _ « La théorie de l’attachement, une approche conceptuelle au service de la protection de l’enfance », dossier thématique coordonné par Nathalie Savard, Oned, 2010.

24 _ « Livret d’information pour les acteurs de la protection de l’enfance », DGAS décembre 2005, cité par le Cinquième rapport annuel de l’Oned, avril 2010.

25 _ « La protection de l’enfance », Rapport public thématique, Cour des comptes, octobre 2009.

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Chapitre 1

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« Enlever un fils du sein de sa mère c’est violent. » « Né d’un viol », enfant d’une mère malade psychique, Alex, 17 ans aujourd’hui, est placé dès sa naissance dans une famille d’accueil en Île-de-France.

Il y reste quatre ans, heureux. Mais le couple doit déménager dans le sud de la France, loin de sa mère malade qu’Alex ne rencontre qu’entourée d’infirmières au cours de « visites médiatisées ».

L’Aide sociale à l’enfance le place donc dans une autre famille d’accueil et là, tout bascule. Le petit garçon connaît de mauvais traitements, des négligences : pas de matelas, pas d’hygiène, pas d’éducation, pas de contrôle de la famille. Il y passera quatre ans avant d’être envoyé dans une MECS, loin de son département d’origine, où il subit les agressions physiques et morales des « grands », la violence ambiante constante, les brimades, dit-il, des éducateurs.

La punition dont il écope le plus souvent : la chaise, consiste à se tenir comme assis le long d’un mur, un livre posé sur la tête, une balle de ping pong sur le livre. Si la balle tombe, un coup de pied précipite le jeune au sol.

Très tôt Alex passe pour de la graine de rebelle. « Je ne supportais rien, j’étais un animal. » Un médecin lui prescrit alors un traitement calmant lourd. « En deux ans, je prends 30 kilos, raconte-t-il,

et soudain j’ai peur. Je me vois ressembler à ma mère. » Le jeune garçon, il a à peine dix ans, refuse alors les médicaments pour rester lui-même. À cette MECS succèdent, une famille relais, un séjour

« de punition » dans un foyer de rupture situé dans un département du bord de mer. Seul dans une ferme plus que rustique, à soi-disant réfléchir, coupé du monde et prendre soin des bêtes pendant plusieurs semaines. Alex ne supporte pas cela non plus, il fugue.

Durant ses séjours et pérégrinations, 8 lieux de placement différents en 17 ans, rien ne lui a échappé, il se souvient. Des convocations pour un départ du foyer à 10 heures du matin alors que les autres sont à l’école et qu’il est impossible de leur dire au revoir : « Tous les départs ont été brutaux. » De l’école, justement, fréquentée de façon hachée : six écoles et une seule année scolaire complète achevée dans le même établissement. Il se souvient de la saleté, de la brutalité, du mépris qu’il sentait porté aux jeunes accueillis ; des cinq ou six référents qui se sont succédés chargés d’assurer la cohérence de son parcours. Il évoque avec émotion le secours moral qu’il a trouvé dans le militantisme, ses relations apaisées avec sa mère « elle a fait de gros efforts pour aller mieux, ça me stimule et me mobilise. »

Les souvenirs sont encore à fleur de peau. Evocations d’injustices, d’humiliations, insupportables car elles donnent le sentiment de ne compter pour rien. Sa parole, dit-il, n’a jamais été écoutée, prise en considération, comme si elle était inexistante, jusqu’au ridicule, lorsque, épuisé, il demande de l’aide à un service téléphonique qui, affirme-t-il, lui propose de signaler son cas à l’Aide sociale à l’enfance.

Depuis trois ans, Alex a trouvé une stabilité, seul enfant confié à une famille d’accueil très rodée aux jeunes difficiles, qui le comprend et lui donne un ancrage affectif. Il approche de la majorité, poursuit avec sérieux une formation professionnelle en alternance et,

le cœur à vif doublé d’une tête solide, il prévoit de rassembler des témoignages de jeunes ou d’adultes qui sont passés par les mêmes épreuves que lui : des placements successifs, déstructurants dans lesquels la personne de l’enfant ne compte pas. Il s’est donc adressé au Défenseur des droits et a rencontré la Défenseure des enfants.

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Des droits reconnus, un usage à affirmer Permettre à l’enfant de s’exprimer et

de participer aux questions qui le concernent

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Vie privée, vie sociale, vie scolaire, apprendre à tenir sa place

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Savoir protéger

contre toutes les formes de violences

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Associer enfants et familles pour garder des liens malgré l’éloignement

les décisions qui concernent les enfants […] l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale » et rappelle que les États doivent s’engager à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre cette Convention. La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance l’a inscrit dans le droit positif. En effet, son article 1 met en avant ce point-clé :

« l’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins et le respect de ses droits doivent guider toute décision le concernant. »

Par la nature même de leurs conditions de vie et des éléments qui ont conduit à cette décision, les enfants placés font l’expérience concrète de l’application de ces principes. Ils voient, ou le devraient, leur place, leur parole, leur protection, leur vie affective être évaluées en référence à leur « intérêt supérieur ». Dans les faits, ce mouvement incontestablement lancé, connaît des ratés qui se répercutent sur la qualité de leur prise en charge et leur développement. Dans son rapport 2009, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU recomman-dait, à propos du placement des enfants et des adoles-cents, que « la France prenne en compte les opinions des enfants et mette à leur disposition des mécanismes de plaintes accessibles. »

PERMETTRE