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Chapitre IV – Les composantes du cosmopolitisme dans le discours baha'

4.2. Culture, identité et appartenance

4.2.1. Culture et identité baha'ie

L’éducation familiale joue un rôle de premier plan dans la transmission culturelle de chaque individu. Historiquement, les systèmes d’éducation ont joué un rôle déterminant dans l’élaboration du mythe de la Nation, et par conséquent, dans la construction et la consolidation des identités culturelles et nationales des États-nation. Il est intéressant de constater que la plupart des membres interviewés ont mentionné les classes d’enfants baha'ies auxquelles tous ceux nés dans une famille baha'ie ont participé quand ils étaient enfants. Contrairement aux membres d’origine iranienne dont les familles sont baha'is depuis plusieurs générations, c’est le cas de Martin, dont les deux parents québécois ont œuvré à consolider la petite communauté du Saguenay, une région située dans le sud-est du Québec.

« Quand j’y repense, quand j’étais jeune ma famille c’était vraiment la communauté baha'ie du Saguenay. Tous les amis baha'is de mes parents s’occupaient de moi comme si c’était mes tantes et mes oncles. » (Entrevue Martin p. 6).

Cette éducation à travers les enseignements religieux baha'is a marqué plusieurs informateurs. C’est à travers ces classes d’enfants qu’ils affirment avoir développé leurs valeurs fondamentales de tolérance et d'acceptation des différences.

« I was brought up in a Baha'i culture and I went to Baha'i children classes. […] My family, my parents are Baha'is, so one very dominant idea is the fact that we accept people of all classes and all origins. That was never an issue for us [but it was not very common] in Iran, where it is very much a class divided society. We always had friends of all kinds. »

(Entrevue Iman p. 2).

« I had a Baha’i education as a child. I remember my mom teaching me Baha’i prayers and we would read Baha’i books together. So the values I learned were mainly the values of the Baha’i faith. One of the things I found the most interesting was the diversity in terms of accepting everyone, especially in a society where racism is very strong [Brazil]. […] I actually think this partly influenced who I became in terms of being more accepting towards people. It’s very easy to say that you are tolerant when you live somewhere where everyone is the same, where everyone is middle class… » (Entrevue Camellia p. 8-9).

Le système d’enseignement baha'i fait également partie du curriculum pédagogique de certaines écoles non confessionnelles mentionnées au chapitre II. Une informatrice a d’ailleurs insisté sur l’existence du « Virtue program », un programme pédagogique qui vise à enseigner des valeurs de paix, de respect, d’égalité et de diversité au niveau des écoles primaires. Elle affirme que plusieurs écoles, dont une à Vancouver et d’autres en Australie, incluent ce programme d’enseignement à leur programme éducatif régulier. C’est à travers une socialisation dès l’enfance par le système de valeurs baha'ies que les membres développent une appartenance et une identité intimement liée à leur communauté religieuse; ils ont avant tout, une identité baha'ie :

« [Being a Baha'i] is a sort of culture. As I say, I don’t consider myself Brazilian, or Persian, or Canadian, and if people say so what are you? Well I am a Baha'i […] I don’t see myself fitting in any specific culture of any country » (Entrevue Camellia p. 13).

L’affirmation qui suit confirme que pour Camellia, la religion tient une place primordiale dans sa vie.

« It is part of my life, right? It defines who I am and how I’m going to, for example, raise my child, how I live my marriage, etc. » (Entrevue Camellia p. 14).

D’autres membres affirment avoir toujours été baha’is étant donné qu’ils ont évolué dans cet environnement religieux depuis l’enfance51, et que c’est toujours dans ce contexte qu’ils se définissent aujourd’hui.

« Quand j'ai réalisé que ce qui me définissait c'était entre autres ma religion, j’ai décidé de signer ma carte baha'ie. Je serais pas qui je suis si je n’étais pas baha'i. Je veux dire que ça me définit aussi en tant que personne… comment je suis, comment j’agis et tout ça. […] J’ai toujours senti que j’étais baha'i, tu sais à l’intérieur de moi. » (Entrevue Martin p. 18-19). Pour sa part, Iman se sent d’abord baha'ie, ensuite Persane et ensuite Montréalaise. Elle raconte qu’en revanche, ses enfants incarnent plus que quiconque l’identité globale dont cette recherche fait l’objet. En effet, leurs deux parents sont de familles iraniennes baha'ies. Ils sont nés à Toronto, ont été élevés à Hong Kong dans un milieu d’expatriés où ils ont fréquenté une école internationale. Ils ont vécu leur adolescence à Seattle, et commencent leurs vies de jeunes adultes à Montréal.

« My children on one side are Persian, and on another side they have never been in a Persian community. They were raised in Hong Kong, with very few Persians there. So they are neither Persian, nor… If I want to name their culture, I would say they are Baha'i. They are totally mixed. » (Entrevue Iman p. 9-10).

Les exemples précédents démontrent que pour les personnes qui ont des appartenances multiples et des identités hybrides, l’identité baha'ie peut devenir le dénominateur commun. Pour les membres rencontrés, il s’agit de l’identité qui est volontairement mise de l’avant. Par ailleurs, Fatima fait exception à la règle. C’est peut-être parce qu’elle est récemment convertie qu’elle ne s’identifie pas comme étant baha'ie. Son identité est tout de même très cosmopolite et le passage qui suit en illustre les multiples dimensions. Elle se représente plutôt par son occupation.

51On ne nait pas baha'i. Chaque individu doit se proclamer baha'i en signant une carte de membre et il

« En fait, je suis étudiante à McGill, je vais faire mon doctorat. C'est comme ça que je me représente. Mais je ne me vois pas comme étant Ivoirienne, je le suis, mais bon, je n’ai pas la nationalité ivoirienne. Mes parents sont Maliens, je suis Malienne, mais je ne suis pas Malienne puisque je n'ai jamais vécu au Mali de ma vie. Et je ne suis pas Américaine non plus, bien que j'aie vécu la majorité de ma vie d’adulte aux États-Unis. Puis Canadienne… Bien que j'aie la nationalité canadienne, je suis en train de m’adapter. Et j'ai aussi la nationalité française… Je n’utilise pas les marqueurs nationaux pour mon identité. Par contre, je me définis, oui, comme une Africaine, parce que j'ai vécu dans plusieurs pays d’Afrique aussi, donc je ressens une affinité un peu avec tous ces pays, tout comme je ressens une grande affinité avec la culture américaine aussi. Et maintenant, Canadienne… Québécoise » (Entrevue Fatima p. 32-33).

Ardelle, également convertie depuis peu, affirme cependant qu’elle se reconnaît dans l’identité baha'ie, une identification qui lui donne le sentiment de faire partie d’un tout et d’appartenir à quelque chose de grand.

« Being Baha'i is having a kind of identity. You know, I’ll probably go back to Mexico, and I will probably go out of Mexico again. And I will probably go elsewhere, I don’t know. But it is a feeling that I am part of something good that you take with you wherever you go. » (Entrevue Ardelle p. 11). Dans la prochaine section, nous verrons que pour les membres l’appartenance à la communauté baha'ie internationale représente une appartenance au monde.