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La culture éducative de l’institution : le rôle des collègues

Dans le document CONTEXTE GLOBAL, CONTEXTES LOCAUX (Page 166-172)

2 Construction du corpus : une démarche longitudinale

3 Interaction entre les cultures éducatives locales et les cultures éducatives intériorisées

3.3 La culture éducative de l’institution : le rôle des collègues

En ce qui concerne l’effet des cultures éducatives de l’institution, pour résumer, en cas de conflit, c’est-à-dire, lorsque l’enseignant et l’institution divergent au niveau méthodologique, dans la plupart des cas c’est l’enseignant qui abandonne ses choix pour rejoindre les critères institutionnels. L’enseignante française désapprouve le mode d’évaluation imposé par l’institution, mais elle finit par l’appliquer. Il faut signaler que les traditions sont transmises non seulement par les responsables de l’institution ou du programme, mais également se transmettent entre collègues. Ayant reçu à plusieurs reprises « le mail de rappel » de

l’enseignante du cours de grammaire, l’enseignant de chinois qui trouve tout à fait logique de déphaser un peu les rythmes des deux cours, a choisi d’attendre.

{00:30:11} 0092 Enseignante finalement le problème de de de la compréhension qu'on a eue c'est pas du tout sur euh + la création du cours ni sur

l'animation mais c'est VRAIMENT sur l'évaluation qu'on était pas d'accord quoi + je lui ai dit Nathalie vous savez très bien vous avez été professeur + la simulation globale ben ne va pas s'évaluer de la même façon qu'une méthode

communicative↓+ ainsi de suite donc: pourquoi euh

OBLIGER alors qu'il y a pas d'obligation de de de progression tout cela et de manuels et de cours ↑+ POURQUOI

OBLIGER forcément l'examen final↑+

(2e entretien d’auto-confrontation, sur la séance 7, enseignante francophone)

{11:51} 0054 Enseignant L’autre enseignante elle voudrait plutôt que la semaine prochaine je + c’est-à-dire : fais une séance de plus pour la leçon 18+ mais j’estime qu’avec la situation actuelle ce n’est pas vraiment

possible+ parce que tu en fait ce qui doit être fait est presque fini+

tu+dans la plupart du temps+ tu fais toujours les mêmes

exercices+ il même s’il n’a pas maîtrisé mais tu fais toujours les mêmes exercices il va s’ennuyer+[...] donc la prochaine fois au maximum+ je passe+ au maximum+ au maximum une heure sur la leçon 18 mais ce sera juste pour que le décalage entre

l’avancement de deux cours+ réduise+ et puis+peut-être je commence de toute façon avec la leçon 19

(Entretien post-séance, séance 4, enseignant sinophone)

{02:07} 0006 Enseignant En plus elle est dans tous les cas elle est une collègue très expérimentée+ [...]+ la collègue expérimentée elle t’a déjà dit qu’elle espérait qu’au niveau de rythme+ on se collabore un peu plus alors tu collabores

(Entretien post-séance, séance 6, enseignant sinophone)

Pour développer un peu le cas de l’enseignant sinophone, dans les entretiens, on peut remarquer que le rôle des collègues ne se limite pas aux rappels sur le fonctionnement implicite du programme de la part de l’enseignante collaboratrice expérimentée. Pour l’enseignant participant qui n’a pas eu de formation enseignante, le début de sa carrière relève d’une formation sur le tas car l’organisation de son cours, le mode d’évaluation ainsi que beaucoup de techniques d’enseignement proviennent des enseignants avec qui il collabore pour le programme de Licence 2. D’ailleurs, on voit encore l’émergence d’une culture éducative personnalisée : l’influence de l’institution se réalise à travers une petite communauté enseignante dont certains outils d’enseignement sont devenus ceux de l’enseignant sinophone (cf. supra).

{01:09:46} 0265 Enquêtrice Ce+cette organisation à trilogie est+ est vous-même qui l’avez créée ou+ avant il y a des enseignants qui vous ont dit que cette méthode fonctionnait bien

{01:09:55} 0266 Enseignant Hum : ++(silence long) en principe :+ je me réfère à l’enseignement en Licence [...]

{01:10:18} 0268 Enseignant [...]j’en profite pour leur demander euh : + comment on enseigne pour le cours de conversation en Licence+ ils ont dit + on enseignait à peu près comme ça+ je me suis dit + c’est pas mal et je l’ai pris

(Entretien général pré-semestriel, enseignant sinophone)

{00:13:52} 0063 Enseignant [...] je ai demandé comment ils évaluaient les étudiants de Licence+oui oui oui+ je me suis dit comme ça+ je vais évaluer de la même manière qu’eux

(2e entretien d’auto-confrontation, sur la séance 7, enseignant sinophone)

Conclusion

Pour conclure, à partir des analyses ci-dessus nous pouvons constater que l’aspect humain importe dans l’interaction entre l’agir professoral et les cultures éducatives. En laissant de côté toutes les réflexions méthodologiques, on doit avouer que le métier d’enseignant est en premier lieu ordinaire, comme les autres, dans le sens où l’enseignant, avec sa personnalité et ses expériences, interagit avec l’ensemble de l’institution et l’équipe dont il fait partie. Les apprenants occupent une place importante dans l’univers de l’enseignant, mais l’univers de l’enseignant ne se limite pas à la classe. Il peut être plus proche d’un collègue que d’un autre et en désaccord avec l’idée de son responsable. Ces éléments peuvent être significatifs de façon à influencer la composition de son répertoire didactique et ses émotions. Le fait que l’enseignant sinophone se renseigne toujours auprès de ses collègues de Licence 2 et pas des autres est significatif, il se sent très à l’aise avec ce groupe de collègues avec lesquels, à son avis, ils forment « une vraie équipe ». Au fil des 139 pages de transcription, la quasi totalité de son discours sur ce qui concerne l’enseignement en Licence 2 relève de commentaires positifs, ce qui n’est pas vraiment le cas avec le DU dont on a suivi son cours de conversation.

Il serait forcément imprudent et arbitraire de dire que cette bonne relation collégiale en est la raison déterminante, mais la longueur du discours sur cette équipe, tous les adjectifs épithètes de valorisation positive ainsi que le fait qu’il s’adresse systématiquement et volontairement à ce groupe de collègues pour s’inspirer méthodologiquement sont tout de même significatifs.

L’aspect humain s’explique également par la relation entre enseignant et apprenants. Quand l’enseignant s’aperçoit que ses convictions vont à l’encontre des cultures éducatives du public, c’est lui qui, dans la plupart des cas, procède aux essais méthodologiques pour s’adapter. Comme l’a dit Goffman, « garder la face et préserver celle de l'autre est une

condition de l'interaction et non son but » (1974 : 9). L’interaction enseignant et apprenants, communication toujours exolingue, implique une prudence plus importante chez les deux.

Ainsi, à plusieurs reprises, l’enseignant peut abandonner un choix didactique jugé comme propice au profit d’un objectif pédagogique et moral. Demander aux étudiants de façon directe de ne pas noter peut relever d’une critique sur leur culture éducative, démarche qui risque d’être perçue comme menaçante. D’ailleurs, finalement, ce n’est sans doute pas en fonction des cultures éducatives du public que l’enseignant modifie ses pratiques, en laissant de côté les discussions sur l’existence des cultures éducatives du public, on voit bien que l’enseignant agit et réagit à partir de ses propres représentations sur les habitudes d’apprentissage de ses apprenants. Par conséquent, l’action enseignante est un résultat de co-fabrique et la culture de chaque classe est co-construite avec les cultures éducatives et les expériences de chacun.

Pour terminer, il faut également signaler qu’il s’agit d’un travail incomplet dans le sens où les entretiens d’auto-confrontation croisés, les questionnaires faits auprès des apprenants et les interactions en classe ne sont pas pris en compte. Il serait intéressant, par la suite, de confronter les entretiens des enseignants à ces données pour voir l’interprétation et la perception des étudiants sur la rencontre de ces cultures éducatives. D’ailleurs, l’identité de l’enquêtrice peut également poser un biais dans cette recherche : on parle probablement différemment face à une personne d’une culture qu’on juge être la sienne ou pas.

Bibliographie

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Cadet, (2006). L. « Des notions opératoires en didactique des langues et des cultures : modèles ? Représentations ? Culture éducative ? », Les Cahiers de l'Acedle, n°2, Paris : Acedle.

Cicurel, F. (2011). Les interactions dans l’enseignement des langues: agir professoral et pratiques de classe. Paris : Didier.

Clot, Y., Faïta, D. et al. (2001). « Entretiens en autoconfrontation croisée: une méthode en clinique de l’activité ». Education permanente, 146, pp.17–25.

Cuq, J.P. (2003). Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde, Paris : CLE international

Goffman, E. (1974). Les rites d’interaction. Paris : Minuit.

Johnson, K. E. (1994). “The emerging beliefs and instructional practices of preservice English as a second language teachers.” Teaching and Teacher Education, 10(4), pp. 439–452.

Lortie, D. (1975). Schoolteacher. Chicago: University of Chicago Press.

Quéré, L. (1993). La théorie de l’action: le sujet pratique en débat. Paris : CNRS éd.

Jean-Marc Defays, Université de Liège, Belgique jmdefays@ulg.ac.be Deborah Meunier, Université de Liège, Belgique

dmeunier@ulg.ac.be

Images et rôles du professeur de langues dans le cadre de la mondialisation. Le cas de la mobilité étudiante

européenne

Résumé

Cet article poursuit deux objectifs : d’une part, interroger la façon dont la didactique des langues et des cultures s’inscrit dans et par rapport aux phénomènes actuels de mondialisation, de globalisation et de valorisation de l’universalité ; et, d’autre part, définir le statut et le rôle du professeur de langues dont la fonction est aujourd’hui déterminée par des principes antagonistes – liés aux phénomènes précédemment décrits –, tels que ceux, par exemple, de diversité et de pluralité d’un côté, et d’uniformité et de standard d’un autre côté. Ces problématiques sont éclairées de façon empirique par une étude portant sur la construction de la figure sociotypée du professeur de langues chez des étudiants Erasmus, acteurs premiers des nouvelles configurations décrites en amont. Entre la valorisation de l’apprentissage naturel et la légitimation du professeur garant de la norme, les postures des étudiants sont de précieux indicateurs des défis contemporains du professeur de langues.

Mots-clés

Enseignement des langues, mondialisation, universalité, diversité, professeur de langues

Dans le document CONTEXTE GLOBAL, CONTEXTES LOCAUX (Page 166-172)

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