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Le cuivre, les maladies neurod´eg´en´eratives et le stress oxydant

2.3 Les d´er`eglements li´es au Cuivre

2.3.1 Le cuivre, les maladies neurod´eg´en´eratives et le stress oxydant

Le dysfonctionnement de prot´eines est `a l’origine d’un grand nombre de d´esordres neu- rod´eg´en´eratifs. C’est d’ailleurs le cas des maladies telles que Creutzfeld-Jacob, Alzheimer ou Parkinson. Ces prot´eines ≪alt´er´ees≫, qui ne sont pas d´egrad´ees par l’organisme, s’ac-

cumulent dans le cerveau et forment des agr´egats. En plus de ces agr´egats de prot´eines alt´er´ees, une accumulation de m´etaux tels que le cuivre, le zinc et le fer et une augmen- tation du stress oxydant ont ´et´e observ´es dans le cerveau. La cause et le m´ecanisme de la formation de ces prot´eines non fonctionnelles, ne sont pas encore bien compris.

Nous avons soulign´e que le cuivre est pr´esent dans l’organisme aux degr´es d’oxydation (+II) et (+I). La forme Cu(II) est la plus stable. Le cuivre(I) est un r´educteur fort qui peut donc r´eagir, quand il est sous forme libre, avec le peroxyde d’hydrog`ene (H2O2) se-

lon un m´ecanisme de Fenton et g´en´erer un radical hydroxyle (HO•). Ce radical, une fois

g´en´er´e, va pouvoir r´eagir `a son tour, avec tous les constituants de la cellule, prot´eines,

lipides et acides nucl´eiques. Comme HO• est hautement r´eactif, il va causer des dommages

importants. De plus, le cerveau est un organe relativement pauvre en enzymes antioxy- dantes (SOD Cu/Zn, catalase, peroxydase) et riche en substances facilement oxydables (acides gras polyinsatur´es), les hypoth`eses les plus r´ecentes sugg`erent un rˆole important du stress oxydant dans la mort neuronale. Ce stress oxydant serait caus´e par une dis- tribution anormale de cations m´etalliques essentiels (Cu, Fe, Zn. . . ) dans le cerveau. Ce d´es´equilibre traduit un d´er`eglement de l’hom´eostasie des ions m´etalliques et peut entraˆıner une augmentation de production de radicaux libres.

Scl´erose Lat´erale Amyotrophique, SLA : Cette maladie est une maladie neu- rod´eg´en´erative caract´eris´ee par une d´eg´en´erescence des neurones moteurs (maladie neu- romusculaire). Elle touche 5-7 personnes sur 100 000 [63]. Les personnes touch´ees sont d’ˆage moyen. La maladie atteint d’abord les neurones moteurs au niveau du cerveau puis se propage dans le syst`eme respiratoire. Les personnes meurent en 5 ans. Cette maladie existe sous deux formes, une sporadique et une g´en´etique (ou familiale). Dans ce cas, le g`ene anormal identifi´e est celui codant pour la SOD Cu/Zn cytosolique [64]. A ce jour, plus de 100 mutations ont ´et´e d´ecrites [65] [66]. Dans le tissu neuronal, des agr´egats de la forme mut´ee de la SOD Cu/Zn ont ´et´e observ´es sur des souris de type SLA transg´eniques [67]. Une revue r´ecente [68] fait un bilan sur les processus pathologiques mis en jeu dans la SLA, notamment sur le rˆole du zinc. Dans cette pathologie, l’implication de m´etaux tels que le cuivre ou le zinc est ´evidente. Le cuivre peut provoquer, par des r´eactions de type Fenton, la formation de radicaux. La forme mut´ee de la SOD n’est pas assez r´eactive pour prot´eger les neurones, ce qui provoque leur mort. De bons r´esultats ont ´et´e obtenus sur des mod`eles de souris en utilisant des ch´elateurs du cuivre tels que la D-p´enicillamine [69] ou le 2,9-dimethyl-1,10-ph´enantholine (n´eocupro¨ıne) [70](Fig 14), montrant l’inhibition de la mort cellulaire. Ces r´esultats encourageant ouvrent la voie vers une th´erapie par ch´elation du cuivre. HO O SH NH2 N N

Figure 14 – Structure de la D-p´enicillamine (`a gauche) et de la n´eocupro¨ıne (`a droite)

Les maladies `a Prions : Les maladies `a Prions se pr´esentent comme un groupe de

maladies neurod´eg´en´eratives comprenant principalement la maladie de Creutzfelt-Jacob (Fig 15) chez l’homme et l’enc´ephalopathie spongiforme bovine chez l’animal (aussi ap-

pel´ee maladie de la ≪vache folle ≫) [71]. Les cons´equences sont une rapide progression

de la d´emence qui est accompagn´ee de troubles neurologiques s´ev`eres tels que l’ataxia ou convulsions musculaires involontaires, puis la mort [72]. Ces maladies se caract´erisent par l’accumulation d’une prot´eine appel´ee PrPSc. Cette prot´eine correspond `a une forme

alt´er´ee d’une prot´eine normale, la PrPC. En effet, une modification de structure est `a noter

lors du passage de la prot´eine normale (PrPC) `a celle alt´er´ee (PrPSc). La forme normale

PrPC est constitu´ee d’h´elices α alors que sa forme alt´er´ee poss`ede des feuillets β. Le rˆole

de PrPC dans l’organisme reste encore mal connu. Plusieurs suppositions existent cepen-

dant, notamment sur son rˆole dans le transport du cuivre du milieu extracellulaire vers la SOD [71]. En effet, la prot´eine PrPC, localis´ee au niveau des synapses [73], contient une

s´erie d’octapeptides riches en glycine et proline, sur sa partie N -terminale, capable de se lier au cuivre(II) [74] [75]. Une activit´e de type superoxyde dismutase est aussi ´evoqu´ee.

La fixation du cuivre entraˆınerait l’activation de cette fonction et aurait donc un rˆole de protection contre le stress oxydant [76]. La fixation du cuivre, in vitro, sur la prot´eine

PrPC montre une structuration de la partie N -terminale de PrPC (formation d’h´elices α

[77] [78]). La prot´eine alt´er´ee adopte un repliement β qui implique une modification du site de fixation du cuivre(II). La cons´equence directe est la formation d’un exc`es d’esp`eces radicalaires entraˆınant de nombreux dommages neurologiques. Les maladies `a Prions sont contagieuses dans une mˆeme esp`ece mais aussi d’une esp`ece `a l’autre (maladie de la vache folle contagieuse pour l’homme). Apr`es trente ann´ees de recherche concernant cette ma- ladie, des traitements commencent `a apparaˆıtre, notamment ceux utilisant des ch´elateurs du cuivre tels que la D-p´enicillamine qui a montr´e des r´esultats satisfaisants [79].

Figure 15 – Cerveau atteint de la maladie de Creutzfelt-Jacob ( c ADAM) [80]

La maladie d’Alzheimer : La maladie d’Alzheimer (AD) est la plus connue et la plus r´epandue des maladies neurod´eg´en´eratives. Cette forme de d´emence existe sous deux formes, une qui touche des personnes de moins de 65 ans et une qui touche les personnes de plus de 65 ans. De nos jours, cette maladie touche plus de 24 millions de personne `a travers le monde et atteindra en 2040 plus de 84 millions de personne [81]. Elle a ´et´e d´ecouverte en 1907 par Alois Alzheimer [82]. La premi`ere patiente a avoir manifest´e cette maladie et atteinte de d´emence, ´etait Auguste D., elle avait 51 ans (Fig 16).

Figure 16 – Premi`ere patiente Auguste D. atteinte de la maladie d’Alzheimer [83]

La maladie est irr´eversible, il en r´esulte une perte progressive de la m´emoire, un com- portement inhabituel, un changement de personnalit´e et un d´eclin dans les capacit´es `a

penser et r´efl´echir. AD s’accompagne au niveau c´er´ebral de trois changements structu- raux [84] [85] :

– Perte diffuse de neurones

– D´epˆots dans le milieu intracellulaire de la prot´eine Tau hyperphosphoryl´ee (forme de filaments anormaux)

– D´epˆots dans le milieu extracellulaire du peptide amylo¨ıde Aβ (appel´es aussi plaques s´eniles) entour´es de neurites dystrophiques.

Ces diff´erents types de symptˆomes notamment l’hyperphosphorylation de la prot´eine Tau peuvent se voir par IRM (Fig 17). En effet, l’IRM facilite le diagnostic pr´ecoce de la maladie. On voit par IRM une atrophie de l’hippocampe (structure cl´e du cerveau pour la m´emorisation des souvenirs) (Fig 17 et Fig 18). Cette atrophie c´er´ebrale est li´ee `a la pr´esence d’une d´eg´en´erescence neurofibrillaire due `a l’accumulation de prot´eine Tau sous forme de filaments anormaux.

Figure17 – IRM du cerveau, sujet sain (`a gauche), sujet atteint de la maladie d’Alzheimer

(`a droite),( c AFP) [86]

Figure 18 – Autre vue d’un IRM du cerveau, sujet atteint de la maladie d’Alzheimer (`a

gauche), sujet sain (`a droite), ( c NASA) [87])

L’agr´egation du peptide amylo¨ıde Aβ est une des cons´equences importantes dans la

maladie d’Alzheimer, on peut mˆeme parler de ≪cl´e de la maladie≫. Selon un sch´ema

hypoth´etique en cascade (Fig 19), l’agr´egation du peptide Aβ est toxique pour les neurones du fait de la production d’esp`eces radicalaires r´eactives, cause directe de la maladie. Le

peptide Aβ r´esulte du clivage d’une prot´eine pr´ecurseur APP par des enzymes s´ecr´etases α et β (Fig 19) [88] [89]. La prot´eine APP est une prot´eine transmembranaire de 695-770 acides amin´es existant sous diff´erents isoformes.

Figure 19 – Sch´ema ≪de l’hypoth`ese de la cascade amylo¨ıde≫ [90]

Le peptide Aβ est situ´e dans la r´egion transmembranaire. Il est constitu´e de 39-43 acides amin´es avec une partie hydrophile en son extr´emit´e N -terminale (acides amin´es 1-28) et d’une partie hydrophobe en son extr´emit´e C -terminale (acides amin´es 29-39/43). Le peptide Aβ existe, dans un cerveau normal, sous forme soluble [91]. In-vivo, les formes pr´edominantes de Aβ sont : la forme constitu´ee de 40 acides amin´es nomm´ee Aβ40 et celle de 42 acides amin´es nomm´ee Aβ42 (Fig 20). Compar´e `a la forme soluble, le rapport entre ces deux formes, augmente dans les plaques amylo¨ıdes. Ces deux formes jouent un rˆole important dans la maladie bien que Aβ42 soit plus toxique pour les neurones car elle s’agr`ege plus facilement que Aβ40 [92].

Figure 20 – S´equence des peptides Aβ40 et Aβ42 [93]

Bien que le passage de la forme soluble de Aβ aux formes de type amylo¨ıde soit encore peu claire, il a ´et´e ´etabli que la concentration physiologique des ions Cu2+, Zn2+

et Fe3+ avait un rˆole dans le processus d’agr´egation du peptide Aβ. Ce processus pourrait

ˆetre le pr´elude de la formation des plaques Aβ [94]. La concentration de ces m´etaux

est tr`es ´elev´ee dans les d´epˆots des plaques amylo¨ıdes : 0.4 mM de Cu2+ [95], 1 mM de

Zn2+ [95] et ≈1 mM de fer [95] [96]. Cependant, in vivo, le fer n’interagit pas directe-

ment avec le peptide Aβ, par contre le Cu2+, `a pH ≤ 6.8, entraˆıne la pr´ecipitation du

peptide Aβ. Notons que la neurotoxicit´e du peptide amylo¨ıde Aβ est li´ee aux dommages provoqu´es par l’oxydation induite par les m´etaux. Ceci est une caract´eristique de la

maladie d’Alzheimer [96]. Le caract`ere r´edox des m´etaux cuivre et fer, induit des r´eactions de type Fenton avec le peptide Aβ selon le m´ecanisme ´ecrit ci-dessous dans le cas du cuivre :

Aβ + Cu2+ → Aβ+•+ Cu+ (4) Cu++ O2 → Cu2++ O−2 (5) 2O− 2 + 2H+→ H2O2+ O2 (6) Cu++ H2O2 → Cu2++ HO•+ HO− (7) O− 2 + H2O2 → HO−+ O2+ HO• (8)

L’´equation (4) correspond `a la r´eduction du cation m´etallique par la prot´eine Aβ. L’´equation (5) ´equivaut au cycle r´edox du cation m´etallique (Cu2+

, Fe3+

). L’´equation (6) est la production de H2O2. L’´equation (7) est une r´eaction de Fenton et l’´equation (8) est le processus de Haber-Weiss qui produit le radical hydroxyle. [97]

Au vu des concentrations ´elev´ees des ions cuivre, zinc et fer et du rˆole du cuivre et du zinc dans la pr´ecipitation du peptide Aβ, les ch´elateurs repr´esentent une voie th´erapeutique possible pour la maladie d’Alzheimer. Ces ch´elateurs doivent pouvoir entrer en comp´etition avec le peptide Aβ sans pour autant voler le cuivre aux autres prot´eines.

Il a donc ´et´e propos´e que l’affinit´e envers le cuivre et le zinc soit moyenne (logKd =

11-12 pour Cu2+ et 8 pour Zn2+ [90]). Le ch´elateur doit aussi ˆetre capable de passer la

Barri`ere H´emato-Enc´ephalique(BHE). Voil`a pourquoi un des ch´elateurs `a avoir ´et´e test´e pour traiter la maladie d’Alzheimer est le clioquinol (Fig 21). Ce ch´elateur passe la BHE,

et a des constantes de dissociations (Kd) de 7 pour le zinc et 8.9 pour le cuivre, `a pH

physiologique. Il a montr´e des r´esultats int´eressants sur des souris transg´eniques APP2576, avec une diminution des plaques de 49% et une augmentation de Aβ soluble [98]. Ces r´esultats ont permis de r´ealiser des tests pr´ecliniques en phase II sur quelques patients atteints d’Alzheimer. Bien que les ´etudes aient ´et´e concluantes, elles ont dˆu ˆetre arrˆet´ees en raison de la toxicit´e d’un sous-produit du clioquinol, la 5,7-diiodo-8-hydroxyquiol´eine [99]. Notons tout de mˆeme l’essor actuel du d´eveloppement de ch´elateurs du cuivre(II) et du zinc(II) pour ralentir et diminuer la formation des plaques Aβ.

N Cl I

OH

En r´esum´e, les m´etaux et notamment le cuivre ont un rˆole important dans les mala- dies neurod´eg´en´eratives. Un dysfonctionnement d’une prot´eine entraˆıne un d´er`eglement dans l’hom´eostasie du cuivre. Du fait de son caract`ere oxydor´educteur, le cuivre, sous forme libre, intervient donc dans la formation d’esp`eces radicalaires et provoque des dommages neurologiques s´ev`eres. Il existe cependant d’autres types de maladies li´ees au d´er`eglement de l’hom´eostasie du cuivre. Ces maladies sont g´en´etiques, elles sont dues `a des mutations des g`enes codant pour les prot´eines ATPase : ATP7A et ATP7B. Ces maladies sont respectivement la maladie de Menkes et la maladie de Wilson.