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Les critiques de la théorie de la libéralisation financière

Selon l’École libérale, l’effet principal attendu de la libéralisation financière est l’accroissement des dépôts bancaires, ainsi que l’augmentation du volume des crédits accordés. Cependant, cette approche de la libéralisation financière a négligé

22 plusieurs des aspects les plus caractéristiques des économies en voie de développement, qui sont :

- l’existence du secteur informel, pour les économistes néo-structuralistes, [Taylor (1983), Van Winjbergen (1983)].

- L’effet de substitution selon les post-Keynésiens Burckett et Dutt (1991).

- L’existence d’asymétrie informationnelle dans les marchés financiers selon, Stiglitz et Weiss (1981).

Les néo-structuralistes proposent une critique de l’approche de McKinnon et

Shaw d’un point de vue macroéconomique. En effet, selon Taylor (1983) et Van Winjbergen (1983), l’existence des marchés informels qui est une caractéristique des économies répressives en voie de développement, joue un rôle important dans la détermination de l’impact de la libéralisation financière sur la croissance. Comme dans le secteur formel, il existe dans le marché informel un taux d’intérêt d’équilibre qui traduit l’ajustement de l’offre de crédit à la demande de monnaie. Selon les néo-structuralistes le marché informel est plus efficace en matière de financement que le secteur formel puisqu’il n’est pas obligé de constituer des réserves obligatoires comme le secteur bancaire. Ainsi, selon les néo-structuralistes les réserves obligatoires que les banques sont tenues de constituer auprès de la Banque centrale les empêchent de jouer efficacement leurs rôles d’intermédiaires financiers. C’est dans cette mesure que les préteurs du secteur informel constituent une véritable alternative aux banques dans le secteur formel d’autant qu’ils ne sont pas obligés de constituer des réserves obligatoires.

Dans ce cadre d’analyse, les néo-structuralistes postulent qu’une libéralisation financière qui se traduit par une augmentation des taux d’intérêt sur les dépôts du secteur formel ne peut avoir que des effets néfastes sur la croissance économique dans les pays en voie de développement.

Pour illustrer les propos des néo-structuralistes on se réfère au modèle de Van

Wijnbergen (1983) qui suppose que la richesse réelle des agents (W) est constituée de

23 informel (PI). Les trois actifs sont supposés être parfaitement substituables et dépendent des mêmes variables qui sont, le taux d’inflation (π), le taux d’intérêt du secteur informel (i), le taux d’intérêt appliqué aux dépôts bancaires à termesr et le DT

revenu (y). Dans ce modèle, les banques constituent des réserves obligatoires et sont contraintes par les taux d’intérêt administrés.

Graphique 2: Les effets d'une augmentation du taux réel sur les dépôts à terme, d’après Fry (1978), p92.

Comme l’illustre le graphique ci-dessus, une éventuelle libéralisation financière se traduisant à travers une augmentation du taux d’intérêt servis sur les dépôts bancaires n’affecte pas IS qui ne dépend que du taux d’intérêt réel du secteur informel (i) et du revenu (y). Cependant, une augmentation de r peut avoir deux DT

effets contradictoires sur LM qui dépendent des élasticités relatives des demandes de monnaie et des actifs du marché informel par rapport au taux sur les dépôts à terme. Ainsi, les deux effets sont les suivants :

- Si les agents économiques substituent les dépôts à terme aux actifs du secteur informel, on assiste à une baisse des fonds prêtables au secteur productif (une

24 baisse de l’offre de monnaie) car une partie de ces fonds alimentera les réserves obligatoires. (LM) se déplace vers le haut entrainant une augmentation du taux d’intérêt sur le marché informel (i’) et une baisse du revenu (y’).

- Si, au contraire, les agents substituent les dépôts à terme à la détention d’encaisses réelles. Il se produit une offre supplémentaire de fons prêtables dans l’économie. Ici le secteur productif se trouve moins touché et on assiste à un déplacement de (LM) vers le bas et une diminution du taux d’intérêt du secteur informel (i’’) et une augmentation du revenu (y’’).

Les néo-structuralistes estiment que c’est le premier effet qui l’emporte. Donc une augmentation du taux d’intérêt nominal résultera en un transfert d’une partie de l’épargne informelle vers les banques. Cela réduit le volume des prêts informels. Partant de là, le financement total de l’activité diminue tant que de nombreux agents se financent auprès des circuits informels.

Les Post-Keynésiens : selon Burckett & Dutt (1991), conformément aux

concepts keynésiens, considèrent que l’investissement ne dépend pas du montant des dépôts mais plutôt de la demande effective probable anticipée.

Ainsi, une augmentation du taux d’intérêt induirait certainement une augmentation de l’épargne, mais aussi un relâchement de la consommation puisque l’effet substitution l’emporte sur l’effet revenu. En d’autres termes, si la rémunération de l’épargne est assez importante, elle incite les ménages à reporter une partie de leurs consommations au profit d’une augmentation de leurs épargnes.

Donc, selon les post-keynésiens, la libéralisation financière conduit au ralentissement économique suite à la baisse de l’investissement induit par la baisse de la demande globale.

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Stiglitz et Weiss (1981) considèrent que, dans un contexte d’asymétrie

informationnelle, il est difficile que la libéralisation financière opère efficacement à travers une meilleure allocation des ressources et le drainage de l’épargne vers les secteurs les plus productifs. En effet, dans le cadre de la relation principal-agent, les préteurs qui sont les banques sont dans l’incapacité d’observer la qualité de l’emprunteur et de contrôler son comportement. Dans ce contexte, selon Stiglitz et Weiss (1981), une augmentation du taux d’intérêt en dessus de son niveau optimal a deux effets :

- Les bons emprunteurs jugeant le taux d’intérêt très élevé par rapport aux risques qu’ils représentent vont se retirer du marché du crédit.

- Les mauvais emprunteurs vont s’endetter mais vu que le taux d’intérêt est assez élevé ils vont être contraints à investir dans des projets risqués à fort revenu afin de compenser le prix du crédit. Ces projets risqués augmentent leurs probabilités de faillite et diminue, ainsi, les profits attendus par la banque. Cela peut être illustré à travers le graphique suivant :

Graphique3 : Asymétrie d’information et rendement espéré de la banque, Stiglitz et Weiss (1981), p394.

26 Ainsi une augmentation du taux d’intérêt selon Stiglitz et Weiss (1981) et leur fixation en dessus de leurs valeurs optimales peut avoir des effets négatifs sur l’investissement et la stabilité du système financier.

I.5. La libéralisation financière entre avantages et inconvénients