• Aucun résultat trouvé

LICENCIEES

La démarche proposée par Vérène Chevalier pour l’analyse des populations de sportifs licenciés a une utilité importante pour les fédérations sportives. Les indicateurs utilisés sont simples à produire. Calculés sur une saison sportive, ils peuvent constituer un véritable tableau de bord pour observer les changements qui affectent les populations de licenciés saison après saison. Pourtant, cette méthode présente certains inconvénients dans notre cadre de recherche.

1.

Une méthode quantitative qui s’accorde mal avec le cadre

théorique

Le cadre théorique que Vérène Chevalier utilise et que nous avons repris pour une partie renvoie aux notions de carrière et de socialisation. En partant de l’hypothèse selon laquelle le sportif évolue dans sa pratique en suivant un schéma de carrière, c’est-à-dire en subissant plus ou moins activement un processus de socialisation à la pratique, Vérène Chevalier distingue plusieurs sous populations de licenciés correspondant à différents stades du parcours sportif (novices, initiés, revenants). L’analyse quantitative menée sur ces sous populations est transversale bien que s’appuyant sur un corpus de données qui recouvre plusieurs années de suite. Elle nécessite les données d’une seule saison sportive59 et consiste à observer les ratios de ces sous populations sur une saison sportive.

Cependant, cette méthode s’accorde mal avec la notion de parcours. Tout d’abord, les indicateurs utilisés sont transversaux. Ils sont sensibles à la conjoncture (comme nous avons pu le voir avec les processus de féminisation en natation) dont les effets sont assez peu connus. Par exemple, si les jeux olympiques contribuent à l’augmentation du nombre des novices, leur influence sur la durée des parcours ou même sur l’abandon reste méconnue. L’analyse transversale peut alors amener à interpréter un effet de conjoncture comme un effet de parcours. Ensuite, les indicateurs

59

En pratique, deux saisons sont nécessaires à cause des abandons que l’on ne peut repérer qu’à la fin de la saison suivant la saison d’abandon.

utilisés supposent que les événements étudiés soient indépendants les uns des autres (hypothèse d’indépendance des événements de parcours entre eux). Ils n’informent pas directement sur les parcours dans leur ensemble, mais sur des bribes de parcours concernant des cohortes différentes. Or le retour à la pratique, par exemple, pourrait constituer un événement favorisant ou au contraire ralentissant la survenue de l’abandon. Autrement dit, il pourrait exister des interactions entre les événements que la méthode utilisée jusqu’ici ne permet pas d’étudier. L’étude séparée de chaque événement de parcours ne permet pas d’aller au-delà d’une analyse principalement descriptive de chaque événement.

Enfin, l’analyse menée avec ces indicateurs est simple et pratique à mettre en oeuvre à condition que les différents événements étudiés ne soient pas trop nombreux. Pourtant les événements qui jalonnent un parcours sportif ne se limitent pas au noviciat, à l’abandon et au retour. Ainsi, certaines variables à notre disposition n’ont pas été analysées et pourraient constituer des facteurs importants dans les processus d’engagement et de désengagement dans la pratique. C’est le cas des changements de club, du type de club fréquenté et de la localisation du club. Pour mieux s’accorder au cadre théorique des carrières sportives, la méthode employée doit remédier aux problèmes classiques que pose une analyse reposant sur des indicateurs transversaux, lever l’hypothèse d’indépendance des événements de parcours entre eux et enfin permettre d’intégrer à l’analyse un plus grand nombre d’événements de parcours. Deux changements méthodologiques importants s’imposent.

Tout d’abord un changement d’angle de vue d’analyse. D’une perspective transversale, il s’agit de passer à une perspective plus strictement longitudinale. Le suivi longitudinal permet en effet de donner plus de sens à la notion de parcours. Les événements ne sont plus rapportés à l’effectif de l’année ou de la saison mais à celui de la cohorte, c’est-à-dire dans notre cas, l’effectif des personnes qui ont commencé la natation une même année.

Cependant, le suivi longitudinal du noviciat, du retour et de l’abandon n’est pas suffisant pour lever l’hypothèse d’indépendance des événements entre eux. Changer d’unité d’analyse en passant de l’événement au parcours permet d’une part de réunir au sein d’un même parcours les événements étudiés jusqu’ici séparément et d’autre part, d’intégrer un plus grand nombre d’événements à l’analyse. Il s’agit ainsi de considérer le parcours sportif comme l’unité d’analyse principale et les événements de parcours comme éléments constituant en quelque sorte leur variance. Le parcours sportif varie alors en fonction de sa durée, des événements rencontrés ou non, de leur ordre d’apparition.

2.

L’analyse de durée comme outil d’analyse privilégié des

parcours sportifs

Les données utilisées en équitation et en natation sont longitudinales. Elles concernent au moins six saisons sportives consécutives. Comme la durée moyenne des parcours est inférieure à quatre saisons sportives, cette période d’observation est suffisante pour mener des analyses longitudinales intéressantes.

Adopter le parcours sportif comme unité d’analyse nécessite de changer d’outils d’analyse. Les indicateurs inspirés des indicateurs démographiques classiques ne peuvent être utilisés que pour des événements simples et non pour des objets d’analyse plus complexes tels que les parcours. Le développement des techniques d’analyses longitudinales met à notre disposition de nouveaux outils permettant l’analyse des parcours, comme l’analyse de durée.

L’analyse de durée permet en effet de dépasser l’analyse descriptive en produisant des modèles explicatifs de la durée passée dans un état donné. La durée passée dans un état donné représente en quelque sorte un parcours. La diversité des parcours dépend de celle des événements que l’on peut intégrer à ces parcours. Ainsi non seulement l’analyse de durée s’inscrit dans une perspective d’analyse strictement longitudinale, mais elle permet l’étude des interactions entre les différents événements des parcours et donc la levée de l’hypothèse d’indépendance entre les événements de parcours. Enfin, elle permet d’intégrer et d’étudier un nombre plus important d’événements de parcours.

Pour toutes ces raisons, nous avons choisi d’aller plus loin en proposant d’étudier grâce à l’analyse de durée les facteurs d’engagement ou de désengagement de la pratique sportive.