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C’est d’abord le « légalisme » de la morale moderne qui est critiqué par Anscombe dans son article de 1958. De quoi s’agit-il ? Les philosophes modernes, en fondant leur conception de la moralité sur l’idée plus ou moins explicite de « loi morale », supposeraient l’existence d’un législateur ou d’un juge qu’ils ne voudraient pas par ailleurs reconnaître. Anscombe dénonce donc les présupposés théologiques implicites de la morale moderne. Sa critique s’apparente à celle qui est conduite par Schopenhauer dans son Mémoire Sur le fondement de

la morale1. A propos de la présentation kantienne de la morale dans les Fondements de la

métaphysique des mœurs, celui-ci affirmait :

« [Le concept de LOI MORALE], avec tous ses concepts apparentés, à savoir ceux de LOI, de COMMANDEMENT, de DEVOIR <Sollen>, et autres, pris en ce sens inconditionné, a son origine dans la morale théologique et demeurera étranger à la morale philosophique aussi longtemps qu’il n’aura pas présenté d’attestation valable provenant de l’essence de la nature humaine ou de celle du monde objectif. Jusque-là, je ne lui reconnais, comme à ses proches, d’autre origine que le décalogue. En général, durant tous les siècles chrétiens, la philosophie éthique a emprunté à son insu la forme de l’éthique théologique : comme celle-ci a pour essence le commandement, l’éthique philosophique s’est également présentée en toute innocence sous la forme de prescriptions et de doctrines du devoir sans se douter que pour ce faire, elle doit recourir à une autre autorité, persuadée que c’était là sa forme propre et naturelle. […] Coupés des principes théologiques dont ils procèdent, ces concepts perdent d’ailleurs vraiment toute signification <Bedeutung> […] Tout devoir <Sollen> n’a tout simplement de sens <Sinn> et de signification que par rapport à le menace d’une punition ou à la promesse d’une récompense ».2

D’après le témoignage de Peter Geach, même si Anscombe n’avait pas une connaissance de première main de ce texte, elle aurait pu avoir connaissance de cet argument dans ses

1 Schopenhauer (A.), « Sur le fondement de la morale » (1840) in Les deux problèmes fondamentaux de l’éthique,

trad. Sommer (Ch.), Paris, Gallimard, 2009.

31 conversations avec lui ou dans les cours de Wittgenstein1. Plusieurs éléments essentiels à la thèse de « La philosophie morale moderne » se trouvent déjà posés : l’origine biblique du légalisme moral impliqué dans l’usage que fait Kant de la notion de « devoir », l’explication historique de cette conception de la morale par la domination séculaire du christianisme, l’illusion que produit cette imprégnation historique chez les philosophes modernes, l’inconséquence que cela implique de leur part – puisque cette conception du devoir suppose l’existence d’une autorité extérieure qui commande et qui punisse –, l’idée selon laquelle cette inconséquence retirerait toute signification au concept moderne de « devoir ». Toutefois, l’attaque est menée dans un autre contexte et a une autre portée, puisqu’il s’agit plus généralement de critiquer l’usage que la philosophie moderne fait du mot « moral » dans la distinction qu’elle propose du « moral » et du non-moral. D’autre part, elle vient cette fois d’une catholique fervente qui entend également critiquer le contenu de la morale moderne au nom de la morale chrétienne elle-même. Il nous faut donc reprendre l’argumentation d’Anscombe dans son contexte si nous voulons en comprendre la signification.

1°) Le sens de la critique du légalisme moral chez Anscombe. Morale et

théologie.

Parmi les trois thèses qu’Anscombe présente au début de son article de 58 comme étant celles qu’elle compte y soutenir, la seconde évoque implicitement l’argument anti-légaliste qui sera développé ensuite :

« Je commencerai en établissant trois thèses que je présente dans cet article. […] La seconde est que les concepts d’obligation et de devoir – c’est-à-dire d’obligation morale et de devoir moral –, de ce qui est bon et mal moralement et du sens moral de “doit”, devraient être abandonnés si cela est psychologiquement possible, parce que ce sont des survivances, ou des dérivés de survivances, d’une conception antérieure de l’éthique qui ne survit généralement plus et que sans elle ils sont seulement nuisibles ».2

S’il serait préférable d’abandonner les concepts d’obligation morale, de devoir moral, de ce qui est bon ou mauvais moralement et le sens moral de « doit », c’est dans la mesure où ces

1 Crisp (R.), « Does Moral Philosophy Rest on a Mistake? » in O’Hear (ed.), Modern Moral Philosophy, op. cit.,

note 7, p. 77

32 concepts sont des survivances plus ou moins directes d’une conception éthique qui en général ne survit pas à l’âge moderne. Or cette conception de l’éthique est ce qu’Anscombe appellera un peu plus loin la « conception légaliste de l’éthique »1. En quoi consiste cette conception de l’éthique ? En quel sens peut-elle être considérée comme une « survivance » ? En quoi cela doit-il nous inciter à abandonner l’usage du mot « moral » ? La thèse d’Anscombe repose-t-elle finalement sur une hypothèse historique ? Comment cette critique est-elle compatible avec sa foi ?

a) Le « devoir moral », une notion incohérente

Après avoir montré qu’on ne pouvait pas trouver chez Aristote l’équivalent de ce que les modernes appellent le devoir « moral » et le bien « moral »2 et après avoir expliqué en quoi les philosophes modernes eux-mêmes, de Butler à Kant, ne parvenaient pas à donner une signification rigoureuse à ces expressions3, Anscombe explique comment des termes comme « il faut » ou « doit » en sont venus à acquérir « un sens spécial soi-disant “moral” », « un sens dans lequel ils impliquent quelque verdict absolu »4 :

« Les termes ordinaires (et tout à fait indispensables) que sont “il faut”, “a besoin”, “doit”, “est nécessaire” ont acquis ce sens spécial en étant tenus pour équivalents dans les contextes appropriés avec “est obligé” ou “est tenu” ou “est requis”, dans le sens où on peut être obligé ou tenu par la loi ou que quelque chose peut être requis par la loi ». 5

Anscombe voit dans l’usage que font les philosophes modernes de ces termes quand ils prétendent leur donner un sens spécial, ce qu’ils appellent leur sens « moral », le passage subreptice de ce que l’on « doit » faire à ce que l’on a l’ « obligation » de faire. Le mot « devoir » peut en effet avoir un sens dans des contextes dans lesquels on ne lui prête pas ce sens spécial. C’est par exemple le cas lorsque l’on dit que l’on « doit » une certaine somme d’argent à son épicier6. Ou encore « le mécanisme a besoin d’huile ou il faut ou on doit le

huiler »7. De même, on dira qu’une plante « a besoin » d’être arrosée et que pour cette raison

on « doit » l’arroser pour qu’elle ne meure pas8. Il ne s’agit pas du tout pour Anscombe de 1 Ibid. p. 17. 2 Ibid. p. 12-13. 3 Ibid. p. 13-16. 4 Ibid. p. 16. 5 Ibid. 6 Ibid. p. 14-15. 7 Ibid. p. 16. 8 Ibid. p. 18.

33 remettre en cause cet usage ordinaire du mot « doit » et de se priver artificiellement d’expressions usuelles tout à fait indispensables. En ce sens, il n’est pas question de renoncer au langage déontologique. Mais en parlant avec « une emphase solennelle »1 du devoir « moral » que l’on aurait de faire ceci ou cela, on ajoute un élément supplémentaire, l’idée selon laquelle nous devrions faire une chose parce qu’une loi l’exige.

C’est l’élément nouveau qu’apporte la notion d’obligation par rapport à la notion de devoir. Une obligation est un devoir que nous aurions vis-à-vis d’une loi. C’est ce passage subreptice qui est reproché à la morale moderne. En effet, l’existence d’une loi suppose l’existence d’un législateur et d’un juge. Or, on ne voit pas ce qui pourrait remplir ce rôle dans la philosophie moderne. Nous aurions donc affaire, avec le devoir « moral », à une obligation sans loi et à un verdict – autorisant ou condamnant mon action – sans juge. Cette notion est donc en elle-même contradictoire :

« Car ce que cela suggère est qu’il y a un verdict sur mon action, selon qu’elle est en accord ou en désaccord avec la description dans la phrase avec “doit”. Et là où on ne pense pas qu’il y a un juge ou une loi, la notion de verdict peut garder son effet psychologique, mais pas son sens ». 2

Logiquement inconsistante, la notion moderne de « devoir » reposerait davantage sur un sentiment subjectif que sur un concept rigoureux.

b) Critique de la notion d’ « autonomie »

On dira que la philosophie moderne donne une solution à ce problème à travers la notion d’« autonomie ». La « loi morale » n’est pas autre chose que la loi que je m’impose à moi- même en tant que sujet libre. Mais Anscombe, en énumérant les sens donnés à la notion de « devoir moral » dans la philosophie moderne, a rejeté cette solution :

« Kant introduit l’idée de “légiférer pour soi-même”, qui est aussi absurde que si de nos jours, où les votes de la majorité inspirent un grand respect, on devait appeler chaque décision réfléchie qu’un homme prend un vote aboutissant à une majorité qui en termes de proportion est écrasante puisqu’elle est toujours de 1 à 0. Le concept de législation requiert un pouvoir supérieur chez le législateur ». 3

Il faut distinguer au moins deux éléments dans cette critique.

D’une part, elle comporte la thèse selon laquelle l’idée de « légiférer pour soi-même » impliquerait une analogie politique non pertinente. En effet, c’est dans un Etat qu’il y a des lois

1 Ibid. p. 19. 2 Ibid. 3 Ibid., p. 13.

34 et la décision réfléchie d’un individu ne peut être conçue sur le modèle législatif. De même qu’il serait dépourvu de sens de parler de la décision d’un homme comme résultant d’un vote à la majorité – puisqu’il n’y aurait jamais ici qu’un seul électeur – de même, il est absurde d’en parler comme d’une législation. Comme l’explique Vincent Descombes, l’autonomie kantienne suppose un dédoublement de l’individu, celui-ci étant ainsi pourvu d’un « double soi »1, comme

s’il faisait société avec lui-même :

« La seule façon de se donner un individu soumis à des obligations envers lui-même, c’est de le concevoir comme une petite société hiérarchisée. Les verbes “autoriser” et “obliger” sont irréductiblement sociologiques. Pour que l’individu ait une autorité sur lui-même, il faut qu’il soit subordonné à lui-même par une relation d’ordre qui confère à cet individu précisément cette autorité sur lui-même. La difficulté que nous éprouvons à comprendre une telle relation n’est autre que le problème logique de l’autonomie ».2

La « grammaire » de l’obligation et de la contrainte ne sont pas celles du rapport à soi. On ne peut concevoir que l’on se contraigne soi-même ou que l’on s’oblige soi-même qu’au prix d’une transformation de la « grammaire » de ces expressions3. Alors que Wittgenstein appelle

« verbes psychologiques » ces verbes « qui ont en commun le trait d’une asymétrie entre la première et la troisième personne de l’indicatif présent du point de vue épistémologique », Descombes propose d’appeler « verbes sociologiques » les verbes qui ne comportent pas véritablement de forme réfléchie, c’est-à-dire que :

« Lorsque ces verbes sont construits avec un pronom réfléchi, ils changent de sens. Et la raison de cette mutation sémantique est que ces verbes expriment des concepts sociaux, des concepts qui ne sauraient s’appliquer qu’à l’homme social, pas à l’Homme naturel dont les théories artificialistes de la société ont posé la figure ».4

Ainsi, par exemple, le verbe « donner » ne conserve-t-il pas son sens ordinaire lorsqu’il est employé sous une forme réfléchie :

« Quelqu’un qui se donne à lui-même quelque chose ne se fait pas, à proprement parler, un cadeau ».5

1 Descombes (V.), Le complément de sujet, Paris, Gallimard, 2004, p. 320. 2 Ibid. p. 322.

3 Ibid., chap. XXXVI et XXXVII p. 295-306. 4 Ibid., p. 311.

35 Il garde la chose pour soi, c’est-à-dire qu’il ne la donne pas1. De la même manière, on peut se demander s’il est possible d’être « subordonné à soi-même » indépendamment d’un contexte sociologique dans lequel notre position sociale nous donnerait telles ou telles obligations2. En analysant l’article « autorité » du Littré, Descombes remarque que la locution française « faire quelque chose de son autorité privée » signifie « la faire sans en avoir le droit » :

« Ce faisant, Littré met en évidence un point capital pour toute philosophie pratique, tant juridique que morale et politique : personne ne peut se conférer à lui-même une autorité. L’autorité que possède un sujet, il faut qu’il l’ait reçue d’ailleurs, il faut qu’elle trouve son fondement en dehors de la personne de son détenteur ».3

Descombes s’empresse d’ajouter que le fait que l’agent n’ait pas été autorisé à faire quelque chose n’implique pas qu’il ne doive pas le faire pour bien agir :

« Si la maison est en feu, je dois sortir, et cela que je sois ou non autorisé à le faire ».4

Mais le verbe « doit » ne correspond plus alors à celui de l’obligation, à ce qui est exigé par une

loi. C’est en ce sens « grammatical » qu’on ne peut pas davantage « légiférer pour soi-même »

qu’on ne peut « se faire un cadeau à soi-même ». C’est à propos du jeu de langage de la « promesse » qu’Anscombe elle-même montre que, de la même manière, on ne peut « se promettre à soi-même » mais qu’ « il faut qu’une promesse soit faite à quelqu’un d’autre ».5

Plus généralement, l’autonomie telle que la conçoit Kant suppose que la conscience de l’individu puisse à elle seule avoir une autorité sur l’individu6. Le simple fait de tirer sa morale

de quelqu’un d’autre en abolirait le caractère moral, l’entachant d’hétéronomie7. La morale

devrait précisément être ce que l’on formule « pour soi-même », même quand c’est à l’occasion d’un enseignement reçu d’un autre8, comme si notre propre conscience devait être « l’arbitre

suprême en matière de bien et de mal (right and wrong) ». Mais que dit-on au juste en disant cela ? On pose simplement, de manière circulaire, que

1 Ibid., p. 316. 2 Ibid., p. 314. 3 Ibid., p. 316. 4 Ibid., p. 317.

5 Anscombe (G.E.M.), « On Promising and its Justice » (1969) in Anscombe (G.E.M.), Ethics, Religion and

Politics, op. cit., p. 15.

6 Cf. Anscombe (G.E.M.), « Authority in Morals » (1960) in Anscombe (G.E.M.), Ethics, Religion and Politics,

op. cit., p. 45-47.

7 Ibid., p. 45. 8 Ibid., p. 46.

36 « […] nécessairement ce que l’on juge bien et mal, on le juge bien et mal ».1

Mais le fait que l’on porte un tel jugement n’implique pas que cela soit tel, pas plus que le fait que nous jugions vrai ce que nous disons n’implique que cela le soit. De même que notre propre mémoire peut nous tromper, de même, nous savons que nous pouvons regretter d’avoir fait ce que notre conscience nous avait commandé de faire2 :

« Un homme peut avoir raison de juger que le conseil d’un autre homme est plus fiable que sa propre conscience laissée à elle-même ; il sera en tout cas bien avisé de prendre conseil auprès des autres ; il peut, de plus, avoir raison de croire qu’une source publique d’enseignement moral est plus fiable que son seul jugement. Bien sûr, il n’aurait aucun appui pour de tels jugements s’il ne faisait pas déjà confiance jusqu’à un certain point à son propre jugement moral ; mais ce serait un sophisme de tirer argument de cela pour affirmer que sa propre conscience doive au bout du compte avoir pour lui le dernier mot quand il s’agit de savoir ce qu’il doit faire ».3

Rien ne justifie que notre propre jugement moral ait toujours plus de valeur que celui des autres ou des autorités morales instituées. Les partisans de l’autonomie prétendent cependant que ce serait toujours en dernière analyse de notre propre autorité que nous déciderions de nous en remettre à l’avis des autres. Nous resterions donc finalement toujours autonomes même quand nous prétendons renoncer à cette autonomie. C’est cet argument qui, selon Anscombe, aurait conduit certains à adopter la thèse kantienne de l’autonomie de la volonté contre ceux qui prétendaient se fonder sur la loi divine. Mais il s’agit pour Anscombe d’un « sophisme » puisque l’idée de soumission à sa propre loi implique d’abord en réalité l’idée de soumission à autre chose qu’à soi-même.

C’est un sophisme semblable impliqué dans le langage du « devoir moral » qui a mis en péril la crédibilité d’une éthique fondée sur la soumission à la loi divine. Son rejet permet de réfuter un argument essentiel contre ce type de morale – Anscombe y revient à deux reprises dans l’article4. En effet, la philosophie moderne oppose à celui qui prétendrait fonder sa

conduite sur les lois divines supérieures à tout devoir moral qu’il lui faut supposer cependant qu’il a le devoir moral d’obéir aux lois divines. En effet, en admettant l’existence d’une telle

1 Ibid. 2 Ibid.

3 Ibid., p. 46-47

37 loi, il pourrait encore se demander quelle obligation il aurait d’y obéir. La moralité serait alors au principe de la soumission aux lois divines elles-mêmes. La soumission à la loi divine ne serait encore que l’expression de l’autonomie de la raison. Il en va tout autrement si l’on considère que le langage du philosophe moderne est emprunté à la morale de la loi divine. La notion de « devoir moral » n’ayant pas d’autre contenu que celui de la soumission à la loi divine, c’est cette dernière idée qui fonde en réalité la notion de devoir et non l’inverse. Il n’y a pas de sens à se demander sur quel « devoir moral » se fonde l’obligation d’obéir aux commandements divins puisque c’est seulement l’idée d’une obligation d’obéissance aux commandements divins qui donne sa signification, ici, à la notion d’obligation. L’autorité des commandements divins est première. L’autonomie apparaît bien comme l’illusion fondamentale de la moralité moderne1.

La transposition du modèle politique sur la morale n’est pas le seul aspect critiquable du « légiférer pour soi-même » moderne. La critique de la moralité kantienne repose également, d’autre part, sur la thèse selon laquelle l’acte de légiférer, dans un Etat, ne pourrait pas être conçu sur le modèle de l’autonomie. Il faut en effet que le législateur soit « supérieur » à celui pour lequel il légifère. Le modèle politique sur lequel se fonderait l’autonomie kantienne serait lui-même illusoire. Anscombe expliquera en effet, dans des articles postérieurs, que l’autorité politique ne se fonde pas sur un contrat mais sur le besoin qu’ont les gens d’être protégés les uns des autres par des institutions compétentes dont c’est la « tâche », c’est-à-dire des autorités investies pour cela d’un certain « droit »2. La règle de la majorité, investie d’un pouvoir « mystique » de légitimation du pouvoir, ne garantit d’ailleurs même pas que la volonté du plus grand nombre soit le plus souvent satisfaite3.

c) Genèse historique de l’illusion du « devoir moral »

Ce n’est qu’après avoir montré l’incohérence de la notion de « législation pour soi- même » qu’Anscombe se propose d’en décrire la genèse historique. La critique du légalisme ne prétend donc pas reposer sur cette explication historique4. Mais il est vrai que l’explication généalogique, en rendant compte de l’illusion légaliste, permet à Anscombe d’éclairer sa thèse et lui apporte une justification supplémentaire. Il s’agit de répondre à ceux qui chercheraient à

1 Cf. Anscombe (G.E.M.), « Authority in Moral » (1962) in Anscombe (G.E.M.), Ethics, Religion and Politics,

op. cit., p. 43 sq.

2 Cf. Anscombe (G.E.M.), « On the Source of the Authority of the State » (1978) in Anscombe (G.E.M.), Ethics,

Religion, and Politics, op. cit., p. 130-155.

3 Cf. Anscombe (G.E.M.), « On Frustration of the Majority by Fulfilment of the Majorty’s Will » (1976), Ethics,

Religion, and Politics, op. cit., p. 123-129.

4 Contrairement à ce que suppose Charles Pigden (Pigden (Ch.), « Anscombe on “Ought” », Philosophical

Quaterly, Vol. 38, 1988, 20-41) pour réfuter sa thèse. Pigden prétend notamment d’une part que (1) la deuxième

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