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Critères diagnostiques

III.2. Maladie de Takayasu 1. Définition

III.2.6. Critères diagnostiques

L’examen histopathologique des lésions vasculaires permet d’asseoir à coup sûr le diagnostic d’AT, mais étant donné la difficulté d’obtenir des biopsies artérielles, des critères diagnostiques ont été mis au point pour permettre le diagnostic d’AT.

Les critères de l’ACR (Tableau VII) [217] ont été décrits au sein d’une population de patients ayant une vascularite de petit et moyen calibre, sans

grand rapport séméiologique avec l’atteinte des gros vaisseaux de la maladie de Takayasu. En définitive, ces différents critères ont un intérêt théorique.

Le plus récent type de critères diagnostiques, mis au point par Sharma et coll;, utilise 3 critères majeurs et 10 critères mineurs, et est à ce jour l’outil le plus approprié, avec une sensibilité de 93 % et une spécificité de 95 % (Tableau VIII) [218].

En pratique, le diagnostic de maladie de Takayasu est fondé sur la présence d’une atteinte artérielle touchant de manière sélective certains territoires (artères sous-clavières, carotides primitives, pulmonaires, aorte abdominale), avec en complément des arguments démographiques (âge jeune, sexe féminin, origine géographique), cliniques et biologiques. L’histologie permettra d’asseoir le diagnostic lorsque ces différents arguments ne sont pas concluants [219].

Tableau VII : Critères de classification de la maladie de Takayasu proposés par l’ ACR en 1990 [215]

- âge de début < 40 ans

- claudication d’une extrémité et surtout d’un membre supérieur - diminution d’un ou des deux pouls huméraux

- différence de plus de 10 mm de mercude de la pression systolique des deux bras - sténose ou occlusion habituellement segmentaire ou focale de l’aorte, de ses

branches primitives ou des grosses artères des membras, sans autre étiologie Trois critères sont nécessaires au diagnostic

Tableau VIII : Critères de Sharma modifies pour le diagnostic de l’AT [216] Critères majeurs

1. Lésion de l’artère sous-clavière gauche : sténose ou occlusion siégeant entre 1 cm en proximal à 3 cm en distal de l’ostium de l’artère.

2. Lésion de l’artère sous-clavière droite : sténose ou occlusion siégeant au niveau de l’ostium de l’artère jusqu’à 3 cm au-delà.

3. Signes et symptômes caractéristiques (Durant plus d’un mois) a. claudication des membres

b. absence de pouls ou différentielle > 10 mm Hg au niveau des bras c. angor d’effort d. cervicalgies e. fièvre f. amaurose transitoire g. Syncope h. Dyspnée i. Palpitations j. vision floue Critères mineurs

1. VS accélérée supérieure à 20 mm à la première heure 2. Carotidodynie

3. Hypertension artérielle : pression artérielle brachiale > 140/90 mmHg ou pression artérielle poplitée >160/90 mm Hg

4. insuffisance aortique ou dilatation de l’anneau aortique, diagnostiquée par l’auscultation, l’artériographie ou l’échocardiographie.

5. lésion artérielle pulmonaire : occlusion d’une branche lobaire ou segmentaire, sténose ou anévrysme d’un tronc pulmonaire.

6. Lésion de l’artère carotide commune gauche : sténose ou occlusion de sa portion mediane de 5 cm de longueur debutant 2 cm après l’ostium de l’artère.

7. Lésion de l’artère innominée distale : sténose ou occlusion du tiers distal.

8. Lésion de l’aorte thoracique descendante : rétrécissement, anévrysme ou irrégularités de la lumière artérielle. 9. Lésion de l’aorte abdominale : rétrécissement, anévrysme ou irrégularités de la lumière artérielle.

10. Lésion d’une artère coronaire documentée par l’artériographie chez un patient de moins de 30 ans sans facteurs de risqué d’athérosclérose.

L’association de 2 critères majeurs ou d’un critère majeur et de deux critères mineurs ou de 4 critères mineurs est en faveur d’une AT très probable.

L’ AT peut poser des problèmes de diagnostique différentiel en effet, les aortites infectieuses [179], et notamment syphilitiques, constituaient la première cause d’aortites il y a 30 ans. Les données histologiques caractéristiques de l’aortite syphilitique incluent une endartérite oblitérante, des vasa vasorum avec un infiltrat dense de cellules inflammatoires [220].

Actuellement, les aortites infectieuses sont essentiellement des anévrysmes mycotiques dus soit à une septicémie (endocardite, Staphylococcus aureus, salmonellose [221]), soit à une atteinte par contiguïté (abcès, spondylodiscite, médiastinite). Elles peuvent être à l’origine d’une fistulisation digestive. Les hémocultures sont en général positives. L’indication opératoire avec mise en culture de la paroi vasculaire est formelle et urgente.

La fibrose rétropéritonéale donne parfois des signes systémiques, un syndrome inflammatoire et des images scannographiques pouvant prêter à confusion avec une aortite, d’autant que certaines aortites observées au cours de la maladie de Horton, de la maladie de Takayasu, du lupus ou de la sarcoïdose peuvent s’associer à une fibrose rétropéritonéale.

Un anévrysme inflammatoire de l’aorte peut être d’origine athéromateuse, entraîner une réaction péri-aortique pouvant prendre le masque d’une authentique aortite [222].

Les dysplasies artérielles des maladies du tissu élastique (syndrome de Marfan, syndrome d’Ehlers-Danlos…) donnent habituellement des ectasies aortiques plus que des sténoses mais peuvent prêter à confusion notamment chez

la femme jeune. Enfin, au terme d’un bilan étiologique complet, l’aortite peut rester d’allure idiopathique sans cause associée retrouvée [223].

Au total, les principaux diagnostics différentiels à évoquer face à une suspicion d’AT sont :

Les aortites infectieuses, en particulier tuberculeuses et syphilitiques.

L’artérite à cellules géantes La maladie de Behcet Le syndrome de Kawasaki Le syndrome de Marfan La maladie d’Ehler-Danlos La polyartérite noueuse L’ergotisme

Les anévrysmes inflammatoires de l’aorte Les neurofibromatoses

III.2.7. Traitement

Le traitement [179] de la maladie de Takayasu n’est pas parfaitement codifié. Il fait appel, à la phase active, à la corticothérapie parfois associée à un immunosuppresseur. Un traitement antiagrégant plaquettaire est aussi généralement prescrit. Lorsque la maladie n’est plus active et que les lésions fibreuses cicatricielles le nécessitent, le traitement peut faire appel à l’angioplastie et à la pose de stent, notamment en cas d’atteinte sous-clavière ou rénale. La chirurgie a également sa place, notamment en cas de coarctation

aortique, d’insuffisance aortique sévère ou d’atteinte des artères viscérales ou en cas de contre-indication ou d’échec de l’angioplastie [224].

a. Médical

Le traitement de l’AT [180] débute avec le contrôle pharmacologique de l’artérite aigue afin d’induire la rémission, avec dans un deuxième temps la prise en charge des anomalies artérielles si besoin est. Un traitement anti-inflammatoire à base de corticostéroïdes est la thérapie de première ligne, avec des doses similaires à celles utilisées dans le traitement de la granulomatose de Wegener [225]. Le schéma de routine consiste à débuter les corticoïdes à la dose de 0,7 à 1 mg/kg/j durant 1 à 3 mois en réduisant progressivement les doses une fois la rémission obtenue. En cas de réactivation durant la dégression ou de rechute de la maladie, un traitement immunosuppresseur tel que le cyclophosphamide (1 mg/kg/j), l’azathioprine (1 mg/kg/j) ou le méthotrexate (0,3 mg/kg/j) sera débuté. Chez des patients tolérant mal les effets secondaires des thérapeutiques citées plus haut, Daina et coll. ont eu recours au mycophenolate mofetil à la dose de 500 mg deux fois par jour augmentée à 1 g par jour durant 8 semaines afin d’obtenir la rémission [226]. En utilisant les corticostéroïdes et les traitements cytotoxique, le groupe du NIH a obtenu la rémission chez 60 % des patients, bien que la moitié d’entre eux aient rechuté lors de la dégression des corticoïdes. En ce qui concerne les patients qui étaient initialement corticorésistants ou qui ont rechuté lors de la dégression de la corticothérapie, 40 % sont entrés en rémission avec le recours aux traitements immunosuppresseurs. La moitié des patients en rémission ont par ailleurs rechuté au moins une fois. Au total, la rémission n’a pas pu être obtenue chez 23 % des patients traités.

b. Chirurgical

La chirurgie est utilisée pour les complications dues aux sténoses, occlusions artérielles ou anévrysmes. Les indications chirurgicales sont les mêmes que pour les patients non atteints d’artérite de Takayasu : sténoses carotidiennes ou innominées symptomatiques ou de haut grade asymptomatiques, ischémie des extrémités, claudication, hypertension artérielle sévère, ischémie mésentérique, coronaropathie symptomatique ou angor instable, insuffisance aortique, anévrysmes de l’aorte thoracique mesurant plus de 6 cm, anévrysmes de l’aorte abdominale mesurant plus de 5 cm.

Un principe de base est que le patient doit être en rémission avant d’effectuer tout geste opératoire. La corollaire à ce principe est que les anastomoses doivent être réalisées au niveau des zones artérielles exemptes d’activité inflammatoire [227]. Ceci s’explique par le fait que l’incidence de sténoses d’anastomoses ou de formation d’anévrysmes est plus élevée en cas de maladie évolutive [228]. Etant donnée les difficultés inhérentes à la détermination de l’activité de la maladie à partir de données cliniques et biologiques, certains auteurs ont plaidé en faveur de l’usage de corticostéroïdes en peropératoire afin de diminuer les effets délétères d’une AT évolutive de façon occulte [229, 230].

Des biopsies artérielles doivent être effectuées afin de s’assurer de l’absence d’activité de l’AT. Chez les patients, les manifestations neurologiques sont plus souvent secondaires à des occlusions vasculaires plus qu’à des embolisations. De ce fait, un pontage des vaisseaux occlus ou sténosés est préférable aux traitements locaux tels que l’endartériectomie [231]. Le pontage

doit s’étendre de l’arc aortique ascendant jusqu’à une zone distale par rapport à la zone d’activité de la maladie. Par ailleurs, le fait d’utiliser un vaisseau issu des artères innominées, sous-clavières ou axillaires comporte un risque plus élevé d’échec de la procédure étant donnée l’incidence élevée de l’AT au niveau de ces sites. Des prothèses ont été utilisées pour ce type de pontage, bien que leur taille doive être limitée afin d’éviter une compression lors de la suture de la sternotomie médiane.

Les sténoses de l’aorte abdominale doivent également être traitées par pontage entre les artères iliaques, qui sont rarement touchées par l’AT, et l’aorte thoracique. Il est fréquent d’épargner l’aorte distale.

Les lésions aortiques et des artères rénales jouent un rôle important dans la pathogénie de l’hypertension réno-vasculaire. Les sténoses artérielles rénales doivent être traitées par pontage d’artères non atteintes (par exemple l’aorte supra-coeliaque ou les artères hépatiques). L’auto-greffe rénale [227] a également été décrite dans cette indication avec une amélioration significative de l’hypertension : chez 100 % des patients dans une étude faite par Weaver et coll, 39 et 94 % dans des études faites par Lagneau et coll. L’usage de prothèses vasculaires et de greffons veineux est acceptable, bien que Kerr et coll. ait rapporté un taux de complications de 36 % lors de l’utilisation de greffons prothétiques vs un taux de complications de 9 % lors de l’utilisation de greffons autologues. La fonction rénale semble relativement résistante à l’ischémie, comme démontré par la réussite d’une revascularisation rénale bilatérale réalisée 24 jours après une thrombose des artères rénales avec insuffisance rénale anurique [232].

Les anévrysmes sont relativement rares et surviennent par ordre décroissant au niveau de l’arc aortique, l’aorte abdominale, l’aorte thoracique descendante, les artères innominées, les artères carotides, les artères sous-clavières, les artères mésentériques, les artères vertébrales, et les artères rénales. Curieusement, le risque de rupture d’anévrysme chez un patient atteint d’AT est plus bas que chez un patient porteur d’un anévrysme et non atteint d’AT. La réparation de l’anévrysme est réalisée sous circulation extra-corporelle et perfusion cérébrale antérograde, avec le recours à des chirurgies complexes de reconstruction de l’arc aortique.

Les complications de la chirurgie chez les patients atteints d’AT sont similaires à celles observées chez les autres groupes de patients. L’incidence de survenue d’anévrysmes anastomotiques varie de 0 % dans 2 études nord-américaines à 12 % à 20 ans dans une étude japonaise [233].

Une étude rétrospective a retrouvé comme seul facteur de risque d’anévrysme anastomotique les gestes chirurgicaux portant sur la réparation d’anévrysmes. La survenue moyenne d’anévrysmes anastomotiques était de 9,8 ans après la chirurgie.

Enfin, le taux de mortalité opératoire chez les patients atteints d’AT n’est pas plus élevé que la population normale : une étude de 4 séries regroupant 300 patients atteints d’AT opérés a rapporté 13 décès péri-opératoires [227, 233, 234, 235].

c. Interventionnel

Le cathétérisme interventionnel est théoriquement intéressant dans le traitement des sténoses et occlusions, puisqu’il diminue la morbidité associée aux gestes nécessitant l’exposition des gros vaisseaux thoraciques et abdominaux. De plus, les lésions sont en général courtes et accessibles à l’angioplastie avec ou sans pose de stent. Enfin, un geste endovasculaire nécessite beaucoup moins de temps dans sa réalisation qu’une chirurgie à ciel ouvert.

Plusieurs séries et cas ont été publiés, décrivant un traitement endovasculaire de sténoses et occlusions des gros vaisseaux, de l’aorte et des artères rénales de patients atteints d’AT [237, 238]. Au niveau des carotides, où l’on retrouve fréquemment de longues lésions fibrotiques touchant les ostia, l’angioplastie a déjà été utilisée. Sharma et al. ont traité avec succès 5 patients sur 6 proposés initialement (3 ayant des sténoses carotidiennes et 3 ayant des occlusions carotidiennes chroniques). La protection cérébrale n’avait pas été utilisée, et il a été rapporté un accident ischémique transitoire. Toutefois, une resténose intra-stent significative est survenue chez 40 % des patients traités à 4-5 mois post-procédure et a été prise en charge par angioplastie.

Le traitement endovasculaires des lésions des artères sous-clavières et innominées a également été décrit. L’angioplastie de l’artère innominée chez des patients atteints d’AT ou pas a montré un succès initial chez 96 % des patients avec un taux d’accident ischémique transitoire de 6 % en l’absence de recours à une protection cérébrale [236]. 93 % des patients n’avaient pas resténosé après un suivi compris entre 16 et 117 mois.

Une étude de Rao et coll [239], chez 16 patients ayant eu une angioplastie de sténoses aortiques a montré un succès initial de 100 % et un taux de perméabilisation de 67 % avec un suivi moyen de 21 mois. Une autre étude décrit une resténose significative intra-stent survenant au niveau d’un stent aortique et nécessitant un traitement chirurgical [240].

L’angioplastie des artères rénales et le stenting de patients ayant une AT a également été décrite et apparaît efficace dans la réduction rapide de l’hypertension à court terme [241]. Deyu et all. Ot rapporté un taux de 84 % de guérison ou d’amélioration de l’hypertension artérielle suite à une angioplastie des artères rénales, avec une conservation de l’effet anti-hypertenseur chez 75 % des patients (12 sur 16) après un suivi moyen de 5,4 ans. Toutefois, Weaver et coll. ont noté que 100 % des angioplasties de l’artère rénale resténosaient dans les 6 mois suivant la procédure. Dans l’étude du NIH, le succès primaire de l’angioplastie des artères rénales a été obtenu chez seulement 43 % des patients, et les deux tiers d’entre eux ont nécessité ultérieurement un pontage chirurgical. La resténose des vaisseaux angioplastiés est survenue entre 4 et 14 mois post-angioplastie. Le contrôle de la pression artérielle était amélioré dans 71 % des cas.

Il faut prendre en compte plusieurs facteurs avant de poser l’indication d’un traitement endovasculaire de lésions d’AT. Tout d’abord, il y a peu de données sur l’efficacité et les éventuelles complications à long terme. Par ailleurs, vu l’âge jeune des patients, une procédure qui nécessiterait plusieurs reprises ne semble pas être intéressante. Enfin, en l’absence de biopsies artérielles, les procédures endovasculaires pourraient être réalisées par inadvertance au niveau de sites d’activité de la maladie malgré l’absence de

signes cliniques évocateurs [240], et pourraient être dommageables pour le patient.

III.3. Association pyoderma gangrenosum et maladie de Takayasu

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