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a. PG systémique

Des manifestations extra-cutanées peuvent être présentes dans toutes les dermatoses neutrophiles, en particulier le PG et le syndrome de Sweet, et représentent un dénominateur commun à ce groupe de pathologies [39].Ceci a amené Vignon-Pennamen et Wallach [40] à proposer le concept uniciste de « maladie neutrophilique », qui regroupe à la fois les manifestations cutanées et extra-cutanées des dermatoses neutrophiles.

Bien que les manifestations extra-cutanées ne sont pas habituelles en cas de PG, elles sont de plus en plus souvent rapportées du fait de la sophistication des techniques d’imagerie, et touchent le plus souvent les poumons [41, 42].

Certaines d’entre elles sont non spécifiques du PG et des dermatoses neutrophiliques, alors que d’autres leur sont plus spécifiquement associées : - Manifestations extra-cutanées non spécifiques :

Les signes les plus fréquemment rencontrés sont la fièvre et l’altération de l’état général. Ils peuvent être rencontrés dans toutes les dermatoses neutrophiliques et font partie du tableau clinique de syndrome de Sweet typique.

Des arthralgies non spécifiques, touchant aussi bien les articulations axiales que périphériques sont souvent présentes, et évoluent parallèlement à l’activité de l’atteinte cutanée. On peut aussi parfois retrouver une arthrite neutrophilique stérile. Ces manifestations articulaires doivent être distinguées des arthrites associées à une éventuelle MICI concomitante.

- Manifestations extra-cutanées spécifiques [43] :

Elles reflètent l’invasion des viscères par les polynucléaires neutrophiles, et peuvent se révéler par une toux, de la dyspnée, une douleur thoracique, amenant au diagnostic d’une pneumopathie neutrophilique pulmonaire associée d’évolution parallèle à celle de la dermatose neutrophilique.

Le poumon est d’ailleurs l’organe le plus fréquemment touché par ces infiltrats neutrophiles. En 1985, Gibson et al [44]. ont rapporté le cas d’un patient atteint d’un syndrome myéloprolifératif avec un PG bulleux et des abcès pulmonaires concomitants. Il a été également observé une pneumopathie sévère d’étiologie indéterminée et cortico-sensible [45] chez un patient atteint de rectocolite hémorragique qui a par la suite développé un PG. D’autres auteurs ont rapporté un cas de PG ulcéreux vulvaire avec atteinte pulmonaire associée [46], un cas de kystes pulmonaires chez un patient atteint de PG ulcéreux localisé à la face et aux jambes [47], un cas d’abcès pulmonaires bilatéraux associés à un PG ulcéreux chez un patient atteint de polyarthrite rhumatoide [48]. Il a également été décrit deux cas d’infiltrats pulmonaires neutrophiliques ayant évolué vers le décès chez des patients atteints de PG [49].

De la même façon, d’autres sites peuvent être touchés au niveau de l’organisme et se manifester de façon très variée : des cas d’ostéomyélite [50], d’adénite [51, 52], d’abcès splénique [52], d’abcès hépato-pancréatique [53] et de kératite ulcéreuse périphérique ont été rapportés. En 2001, Marie et al. ont décrit le cas d’un patient atteint de PG chez qui une myosite neutrophilique sévère est apparue comme manifestation inaugurale d’une leucémie myéloïde aigue.

Les cas cités précédemment, ajoutés aux observations rapportées d’infiltration neutrophilique du cœur, du système nerveux central et du tractus digestif [40] sont en faveur de l’hypothèse selon laquelle le PG serait une pathologie systémique en rapport avec ladite infiltration neutrophilique de différents tissus. Les signes extra-cutanés seraient un signe d’une pathologie associée, en particulier hématologique. Ceci montre bien l’importance de la réalisation d’un bilan exhaustif chez tout patient atteint de PG, à la recherche d’une atteinte viscérale.

Tableau III: Principaux organes touchés par le PG [43] Peau

Muqueuses orales et génitales Œil Articulation Muscles Os Cœur Foie Rate Pancréas Ganglions lymphatiques Système nerveux central

b. PG péristomal [55]

Il survient à proximité des stomies digestives, et regroupe environ 15 % de tous les cas de PG. La plupart des patients atteints ont une MICI, mais le PG péristomal peut aussi survenir en cas de stomie pour tumeur digestive maligne ou diverticulose. Une étude a montré une incidence de 0.6 % de PG péristomal chez les patients porteurs de stomies. Les ulcérations présentent un aspect clinique très similaire au PG ulcéreux “classique”, à la différence que des zones de peau saine peuvent être présentes au sein de l’ulcération (figure 12). Ces lésions sont douloureuses et interfèrent avec l’adhésion de la poche de stomie à la paroi abdominale, ce qui risque d’entraîner une mauvaise étanchéité de la poche et augmenter ainsi le risque d’irritation cutanée par le contenu de la stomie.

c. Phénomène de pathergie [39]

Chez plus d’un quart des patients présentant un PG ulcéreux, l’anamnèse retrouve une notion de traumatisme antérieur sur le site d’apparition des lésions, ce qui est décrit comme étant le phénomène de pathergie. Des cas de PG en post-chirurgie ont été décrit : au niveau d’une incision abdominale de splénectomie [56], en post-césarienne [57], sur le site d’insertion d’un pacemaker [58], et après un pontage coronaire ( Figure 13A et B) [59].

Figure 13A, B : PG pathergique sur sites d’incision pour pontage coronaire (avec greffon saphène) chez un patient âgé atteint de maladie de Vaquez [41].

La survenue de PG en post-opératoire au niveau des zones de suture a également été décrite chez un patient ayant des antécédents de PG [60]. Chez ces patients, le recours à des sutures sous-cutanées et à une corticothérapie systématique en per- et post-chirurgie permet d’éviter la récidive de PG. Par ailleurs, la survenue de PG en post-opératoire est souvent diagnostiquée tardivement car le premier diagnostic évoqué est l’infection du site opératoire. L’évolution rapide et térébrante de l’ulcère, l’absence de germes et de champignons à l’examen bactériologique et mycologique, et un aspect histologique compatible avec un PG doit faire évoquer ce diagnostic. Le traitement sera basé sur les traitements immunosuppresseurs, et les gestes chirurgicaux non indispensables devront être évités à l’avenir.

d. Localisations gynécologiques

Vulvaire [10] :

Le PG de la vulve ne diffère du PG ulcéreux que de par la localisation de l’ulcération. (Figures. 14, 15). Des lésions similaires ont été décrites chez les sujets masculins, au niveau du pénis ou du scrotum. (Figure 16). Face à ces lésions ulcéreuses génitales, le principal diagnostic différentiel à évoquer est celui de maladie de Behçet.

Une variante clinique survenant au niveau des muqueuses est la pyostomatite végétante, caractérisé par des érosions chroniques pustuleuses et parfois végétantes, survenant le plus souvent au niveau buccal. La plupart de ces patients ont une MICI associée.

Le PG vulvaire est rarement rapporté dans la littérature [62]. Work et al ont décrit le cas d’une patiente de 36 ans ayant développé un PG, 13 ans après l’installation d’une rectocolite hémorragique, ne répondant pas au traitement médical (corticothérapie et antibiotiques) et aux tentatives de suture de la plaie périnéale, ayant nécessité une vulvectomie radicale et de multiples greffes cutanées [63]. Deux autres cas ont été rapports par Grant et al la première patiente était atteinte de leucémie myélomonocytaire chronique, et est décédée 7 semaines après l’apparition de sa lésion vulvaire, la seconde était une patiente de 76 ans suivie pour polyarthrite rhumatoide séronégative ayant présenté une ulcération vulvaire, et chez qui le bilan réalisé a permis le diagnostic d’une myélodysplasie en cours d’acutisation vers une leucémie myéloide aigue [64]. Elle est également décédée d’une septicémie candidosique à point de départ génital.

Le principal diagnostic différentiel de cette variante clinique est le carcinome épidermoide vulvaire, et montre là encore l’importance d’un examen histopathologique avant tout geste chirurgical. En effet, une excision de la lésion prise à tort pour une tumeur risquerait d’entraîner une extension des lésions de PG du fait du phénomène de pathergie.

Figure 14: PG vulvaire [10]

Figure 15 : Ulcération de la grande lèvre droite à bords surélevés, avec une ulcération similaire au niveau du périnée [63].

Mammaire [65] :

La localisation mammaire du PG est très rare, et est le plus souvent secondaire à un traumatisme ou à un geste chirurgical (biopsies, chirurgie de réduction mammaire) à ce niveau. Ces lésions sont souvent prises au début pour des infections de site opératoire ou des cellulites cutanées. Un autre diagnostic différentiel plus rare est la nécrose cutanée induite par la warfarine, situation extrêmement rare mais très similaire cliniquement au PG, qui survient le plus souvent chez des femmes adultes, se manifestant initialement par un érythème cutané douloureux évoluant rapidement vers la formation de bulles hémorragiques, localisées le plus souvent au niveau des seins et des cuisses.

Du col utérin [66] :

c’est un diagnostic à évoquer face à des ulcères non spécifiques du col utérin, en particulier s’ils s’aggravent après une biopsie ou une ablation chirurgicale, ou s’améliorent sous corticothérapie.

e. Localisation pénienne [67]

Nous citerons particulièrement le cas d’un adolescent de 17 ans ayant présenté une ulcération pénienne avec une fistule urétrale n’ayant pas cicatrisé après greffe cutanée. La lésion initiale était une ulcération ayant évolué vers l’apparition d’une fistule après plusieurs tentatives de suture chirurgicale, ce qui est en faveur de l’intervention d’un phénomène de pathergie.

Figure 16 : Lésions de PG au niveau scrotal et pénien chez un adolescent [10]

Figure 17 : Ulcération purulente circonférentielle touchant le gland, le frein,le prépuce et la verge adjacente, avec des bordures

f. PG du dos de la main [39] (dermatose neutrophilique des mains)

Weenig et al [68]. ont introduit le terme de dermatose neutrophilique des mains pour désigner la forme clinique où l’atteinte des mains prédomine, que ce soit dans le PG, le syndrome de Sweet ou la vascularite pustuleuse. Cette entité est caractérisée par des plaques érythémateuses ou violacées, des pustules et des bulles hémorragiques présentes le plus souvent, de façon bilatérale, au niveau du bord radial de la face dorsale des mains. La plupart des cas sont similaires au PG bulleux, avec un phénomène pathergique associé. Ils apparaissent le plus souvent chez des patients atteints de syndromes myéloprolifératifs, de néoplasie occulte ou de maladies inflammatoires telles que les MICI ou la polyarthrite rhumatoïde.

Figure 18 : PG du dos des mains chez un patient de 70 ans atteint de polyarthrite rhumatoide [39]

g. PG malin (de la face et du cou) [39]

Le PG se localise rarement au niveau céphalique et cervical [69, 70], mais cette forme clinique est bien identifiée et doit être distinguée du granulome centro-facial de Lever ou « pyoderma malin » qui se caractérise par des ulcérations stériles et destructrises siégeant au niveau péri-auriculaire, chez des hommes jeunes [71, 72] le plus souvent. Jusqu’à maintenant, il n’a pas encore été déterminé si le dit « pyoderma malin » est une forme atypique du PG ou une manifestation cutanée inhabituelle de la granulomatose de Wegener [73], la nosologie exacte de ce type d’ulcération cutanée rapidement extensive restant encore imprécise.

h. PG paranéoplasique [39]

Cette entité fut décrite pour la première fois en 1993 par Duguid et al [74]. chez 4 patients atteints de syndromes myéloprolifératifs et de PG, en sachant que la première association entre PG et pathologie néoplasique fut rapportée par Cowan en 1961 à propos d’un patient atteint de myélome multiple [75].

Chez environ 7 pour cent des patients atteints de PG, on retrouve une néoplasie associée, le plus souvent une hémopathie maligne, à type de leucémie myéloide aigue ou chronique [76], avec une prévalence plus marquée de la forme bulleuse de PG [77]. Par ailleurs, l’apparition de lésions de PG chez les patients atteint de polyglobulie ou de leucémie est de mauvais pronostic [44], car il précède l’évolution de l’hémopathie vers la non-réponse thérapeutique.

Les principales autres tumeurs malignes décrites en association au PG sont les myélodysplasies [78], les lymphomes [79], et les tumeurs solides à type

de carcinomes coliques, vésicaux, prostatiques, mammaires, bronchiques, ovariens, surrénaliens [80] ou de tumeurs carcinoides [81].

i. PG infantile

Le PG touche rarement les nourrissons et les enfants [10], seulement 3 à 4 % des cas de PG concernant cette tranche d’âge. Cette forme n’est pas une variante clinique au sens strict du terme puisque l’aspect clinique est similaire à celui des adultes, à la différence que la localisation est plus souvent péri-anale ou génitale [82, 83], et que la forme ulcéreuse prédomine [84]. Les pathologies associées sont sensiblement les mêmes que chez les patients adultes, et le pronostic chez la majorité des jeunes patients atteints reste favorable.

Affirmer le diagnostic de PG reste difficile dans cette population car plusieurs autres dermatoses peuvent simuler un PG dans cette tranche d’âge. Le diagnostic différentiel se fera avec les infections bactériennes, mycosiques et à mycobactéries atypiques, les formes sévères de dermite de siège, le granulome fessier infantile, les maltraitances, les lymphomes cutanés, les maladies de Crohn anales, l’histiocytose langerhansienne, la mastocytose et la syphilis.

Une recherche de pathologie associée devra être systématique vu la grande incidence de cette situation en cas de PG survenant chez l’enfant.

j. PG familial [85]

Il a été décrit seulement 8 cas dans la littérature de familles où deux membres ou plus étaient atteints de PG. L’étiopathogénie du PG demeure

obscure mais cette forme clinique suggère l’intervention d’un terrain génétique prédisposant.

k. PG mimant une fasciite nécrosante[86]

La fasciite nécrosante est une infection aigue nécrosante s’étendant rapidement aux tissus graisseux sous-cutanés et aux fascias, pouvant survenir en post-chirurgie, en post-traumatisme ou de novo [87]. Les principaux germes incriminés sont des formes virulentes de streptocoque β-hémolytique du groupe B, de staphyloccoque hémolytique, d’entérocoques, de Pseudomonas ou de Bacteroides [88]. L’évolution se fait rapidement en 24 à 48 heures vers des lésions oedémateuses inflammatoires, douloureuses avec une zone centrale décolorée et une anesthésie progressive de la zone cutanée touchée, puis l’installation d’une gangrène à partir du quatrième jour, et des manifestations générales pouvant aller jusqu’au choc septique.

Le taux de mortalité est de 20 % [89].

Le PG a souvent été confondu avec une fasciite nécrosante et traité comme telle [9, 90, 91], avec des conséquences désastreuses du fait du phénomène de pathergie aggravé par les gestes de débridement, pouvant aller jusqu’à des pertes tissulaires importantes et des amputations digitales. Cette confusion est expliquée par certains points communs aux deux affections : la possibilité de survenue en post-opératoire, l’extension rapide aux tissus adjacents, l’état de choc et la possible présence de bactéries à l’examen microbiologique. Ceci montre l’importance de prendre en considération tous les éléments cliniques et histologiques en compte car bien que similaires

cliniquement, la prise en charge du PG est très différente de celle de la fasciite nécrosante, certains traitements de cette dernière étant même contre-indiqués en cas de PG.

l. PG granulomateux superficiel [92]

Il est décrit le plus souvent comme une lésion unique, rarement multiple [93, 94, 95], localisée préférentiellement au tronc et à type de pustule, abcès ou furoncle qui évolue vers une ulcération superficielle à fond propre, ou une plaque érythémato-violacée ayant une bordure végétante. Du fait de son aspect clinique peu caractéristique, le retard au diagnostic de cette affection est fréquent, pouvant aller jusqu’à 18 mois. L’hypothèse pathogénique principale de cette affection est qu’elle constituerait une réaction cutanée locale à la présence d’un corps étranger, voire à du tissu cutané normal dans le cadre d’une dysimmunité.

L’aspect histologique typique est celui de granulome tuberculoïde organisé en 3 zones : un abcès central, une couronne histiocytaire et des cellules géantes en périphérie, et enfin des lymphocytes et plasmocytes. A la différence du PG classique qui, bien que similaire cliniquement, ne comporte pas de granulomes histologiquement.

L’évolution de cette affection est en général favorable, pouvant guérir spontanément ou par des thérapeutiques simples non agressives.

m. Autres formes rares :

de la femme enceinte : récidivant à chaque grossesse [96], rapporté dans une observation.

D’autres associations rares ont été décrites notamment à une drépanocytose [97], à une tuberculose cutanée [98], au syndrome de Marshall [99], à une hépatite virale C [100, 101] : qui peut aussi s’accompagner, de façon anecdotique, d’autres manifestations cutanées à type d’urticaire, d’érythème noueux, d’érythème polymorphe, de dermatomyosite, ou de psoriasis, et enfin à un diabète avec une infection à Chlamydia (lésions PG-like) [102]

III.1.10. Bilan à pratiquer devant un pyoderma gangrenosum.

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