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Critères et contraintes du nouveau cadre institutionnel et contractuel

Des éléments de contexte sont apparus avec une grande intensité dans les échanges avec les professionnels. Pendant que les uns évoquaient les évolutions à « craindre », d’autres fai- saient état d’une pression accrue pour montrer des résultats quantifiables. Entre l’impératif de la coordination des acteurs et l’injonction à l’efficience, le cœur de métier des accom- pagnateurs est touché, et l’accompagnement proposé l’est tout autant.

Le poids d’un paysage institutionnel changeant…

Chaque période arrive avec ses bouleversements, non seulement pour les pratiques mais aussi pour le management, le financement, le tout étant étroitement lié. Ces dernières an- nées sont vécues comme déstabilisantes pour les organisations. La première source d’an- xiété est incontestablement la mise en place progressive d’un service public de l’orien- tation. La deuxième a trait à la contractualisation avec les principaux bailleurs, comme l’illustre l’exemple des conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) :

« On ne sait plus ce que l’institution attend de nous […] disparition et fusion des CIO, en concur- rence avec des services marchands qui donnent des réponses toutes faites. Tout le monde ne peut pas faire de l’orientation. […] nous sommes de plus en plus évalués, il faut renseigner le nombre de personnes reçues, c’est une approche très quantitative, qui ne prend pas en compte des tas d’élé- ments du travail, les initiatives ne sont pas prises en compte, comme la semaine de l’orientation. » (Conseillère, CIO.)

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En toile de fond, les « menaces » qui pèsent sur les structures ont des conséquences directes sur l’avenir des métiers d’où l’apparition, voire le renforcement, de tensions concurren- tielles. Lorsque celles-ci existaient déjà, elles deviennent plus présentes au quotidien, met- tant en cause le savoir-faire de confrères pas toujours légitimes à exercer la mission. Dans chaque « famille » professionnelle, on sent le poids de difficultés nouvelles, comme si le travail jusque-là développé pouvait être remis en cause à tout moment, transféré à d’autres. La mise en place du service public de l’orientation est très souvent abordée dans les échanges avec les centres d’information et d’orientation (CIO) et l’information jeunesse, et avec les missions locales dans une moindre mesure. Il est question pour les professionnels de valoriser leurs compétences afin de survivre dans un nouveau cadre qui exigerait d’eux de s’adapter à de nouveaux publics, ce qui reviendrait à leur demander de faire plus ou de faire autre chose. Vécu comme une remise en question identitaire, le changement tant annoncé, c’est sous forme de doutes que les structures l’appréhendent. En effet, le déploie- ment progressif du nouveau service public d’orientation tout au long de la vie (SPOTLV) a pour objectif, entre autres choses, la rationalisation de quelque 8 500 points d’accueil et/ ou d’information dans ce domaine (dont ONISEP, CIO, bureau information jeunesse/point information jeunesse [BIJ/PIJ], Centre Inffo, missions locales). Le décret du 4 mai 2011 as- signe au SPOTLV le rôle de « délivrer gratuitement à toute personne le souhaitant, en un même site géographique », le « premier conseil personnalisé »30.

Or pour réaffirmer leur identité, certaines organisations font le choix de l’efficacité et de l’efficience, comme une façon de marquer leur différence ou tout au moins de ne pas être en dessous de l’attendu, notamment par rapport aux autres structures locales, parfois per- çues comme concurrentes.

« Aujourd’hui j’ai beaucoup de demandes, donc j’ai des critères : je prends en compte la motivation, la disponibilité mais aussi les attentes de l’employeur. Car la structure doit être crédible, l’employeur teste : il demande un jeune puis, s’il se rend compte que la relation de confiance marche, il en de- mande d’autres. Si je mets un jeune pas à l’heure, je perds ma crédibilité. Oui, indirectement il y a une sélection, car j’ai 100 postes et 200 demandes donc à un moment donné il faut faire un choix. Il dépend du CV, de la motivation, des disponibilités. » (Responsable associatif.)

Dans la course pour se faire bien voir, on remarque deux principaux « clients » : le bailleur et l’entreprise susceptible de recruter les jeunes. Sur l’échelle d’un territoire, le bailleur est représenté plus souvent par la mairie et/ou par d’autres types de collectivités que par les professionnels, en précisant néanmoins que ces derniers ont, dans leur rapport à la col- lectivité, une obligation de moyens mais pas forcément de résultats (quantifiables). Cela concerne les structures de proximité, ne faisant pas directement partie du service public de l’emploi. À ce titre, la collectivité est attentive à la manière dont les professionnels déploient leurs actions, proposent des initiatives aux jeunes du territoire, construisent des supports. Il n’est pas rare d’ailleurs de voir des élus demander des comptes sur ce qui est réalisé pour « attirer l’attention » du public jeune, comme une façon pour eux également de positionner la collectivité, de vendre une image positive de dynamisme à l’usager (jeune). L’autre changement important est intervenu en 2008, suite à la publication de la circulaire DGEFP 2007-26 du 12 octobre 2008, dans laquelle il est question du financement des mis- sions locales et des permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO). Ce chan- gement majeur découle de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001 et semble troubler les professionnels des missions locales qui trouvent le cadre plus verrouillé. De son côté, l’État est à la recherche de cohérence entre l’attribution de subventions, l’offre

30. Décret no 2011-487 du 4 mai 2011 portant application de l’article L.6111-5 du code de travail pour la mise en œuvre du service public de l’orientation tout au long de la vie et création du label national « orientation pour tous-pôle information et orientation sur les formations et les métiers ».

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67 de service et l’atteinte des objectifs. C’est ainsi un moyen pour l’État de simplifier les mo- dalités de conventionnement, évitant l’éparpillement entre les subventions destinées à des usages distincts (fonctionnement, contrat d’insertion dans la vie sociale [CIVIS]…). Si l’État de son côté cherche une plus grande lisibilité, en garantissant la sécurisation des finan- cements sur trois ans, les missions locales travaillent avec la perspective du « dialogue de gestion » et la dichotomie entre résultats atteints ou partiellement atteints. De quels résultats atteints parle-t-on ? De jeunes « placés » en emploi ou en formation ? Comment évaluer l’atteinte des résultats en matière d’accompagnement, alors que pour certains jeunes, le dif- férentiel entre le point de départ et le point d’arrivée est déjà un indicateur en tant que tel ?

« Pour nous la réussite c’est faire en sorte que les jeunes puissent accéder à un épanouissement global. En parallèle, on a l’État qui nous réclame l’emploi pour les subventions. Et sans subventions pas de projets. » (Conseiller, mission locale.)

La conséquence du glissement progressif vers le « tout emploi » est le principal frein avancé à l’innovation, à la créativité. En même temps, il est aisé de se rendre compte que la lecture faite de ce nouveau cadre change d’un territoire à un autre, en fonction aussi de la direction des structures et de la vision plus ou moins généreuse qui est faite de ce « carcan ». Aux professionnels de trouver les interstices et d’inventer des solutions, des interventions.