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Synthèse bibliographique

1.5 Modèles existants de prédiction des lésions

1.5.6 Le critère visqueux

La propriété viscoélastique des tissus biologiques induit une réponse à la déformation qui sera fonction de la vitesse de compression. Une grande partie de nos connaissances en matière de biomécanique de l’impact est issue de l’accidentologie et de l’automobile, notamment des chocs frontaux. Un critère de risque lésionnel pour les tissus mous, développé sur ce principe, est le critère visqueux ou Viscous Criterion (VC) décrit par Lau et

al. [1986].

Ce critère est défini comme le produit de la compression thoracique par la vitesse d’enfoncement de ce dernier comme le montre la Figure 1.37 et l’équation 1.46. Cette quantité a été reliée avec l’énergie stockée dans le thorax. Le maximum de cette courbe (VCmax) est associé à un niveau lésionnel (échelle AIS : « Abbreviated Injury Scale ») comme le montre la Figure 1.38. Une valeur supérieure à 1m/s est ainsi considérée comme lésionnelle dans le domaine automobile, induisant un risque de 25% d’avoir des lésions sévères (AIS3+, e.g. fracture de plusieurs côtes avec hémopneumothorax et ecchymoses pulmonaires dans le cadre de choc dans le domaine automobile).

s6 s × 6 Z[Z ]× Z Eq. (1.46)

Où V(t) (en m/s) est la vitesse d’enfoncement de la paroi thoracique, C(t) est la compression du thorax, D(t) est l’enfoncement, et enfin d est l’épaisseur thoracique initiale.

En revanche, ce critère a été développé à l’aide de données sur cadavres filtrées à 100Hz [Bass et al. 2005], ce qui est clairement non approprié pour le blast. Ainsi, l’on peut se demander si un tel critère utilisé dans le domaine de la protection des usagers du monde automobile, peut être pertinent lorsque l’on s’intéresse aux lésions thoraciques d’une onde de souffle et si oui si le seuil lésionnel pour un choc de type blast devrait être différent de la valeur seuil proposée pour l’automobile qui est de 1m/s [Bass et al. 2005].

Figure 1.37 : Définition du critère visqueux comme étant le produit de la vitesse d’enfoncement thoracique par la compression.

Figure 1.38 : Courbe de risque pour un AIS3+ en fonction du critère visqueux.

1.5.7 Conclusion

Sept critères de lésions ont été développés depuis les années 1960. Le premier développé fût les courbes de Bowen et al. [1968] permettant de connaitre le pourcentage de létalité d’un homme de 70kg exposé à une onde de choc idéale de caractéristiques (ΔP+ ; T+). Elles ont été établies à partir de résultats d’essais réalisés sur petits et gros animaux soumis à des blasts contre une paroi et une extrapolation pour des interactions en champ libre a ensuite été faite. Ce modèle a plus tard été repris par Bass et al. [2008] ou encore par Richmond [2002], mais les limites restent semblables. Le modèle d’Axelsson [Axelsson et al. 1996] a ensuite été mis en place pour combler les lacunes des précédents critères, à savoir la restriction à une onde de choc simple, l’hypothèse de similarité entre espèces, l’utilisation d’hypothèses d’extrapolations non validées ou encore l’absence de connaissance du niveau lésionnel des parties les plus sensibles telles que le torse. Ce modèle permet, à l’aide d’un modèle mathématique à 1DDL et d’un BTD, de connaitre le niveau lésionnel thoracique de l’homme à un endroit donné dans l’espace. Cependant, bien que comblant une partie des lacunes des courbes de Bowen et de Bass, plusieurs limites peuvent être citées :

- La calibration a été faite à l’aide de mesures de pression dont la fiabilité peut être discutée et les auteurs utilisent les lésions sur moutons pour les associer à celles sur l’homme ;

- Les limites liées à l’utilisation d’un modèle mathématique à 1DDL sont les suivantes :

o L’obtention des paramètres du modèle pour représenter l’homme n’est pas détaillée dans le papier original d’Axelsson et al. [1996] ;

o Le modèle étant élastique, il ne prend pas en compte l’effet de cumul des lésions ;

o Les quatre signaux sont appliqués indépendamment à un système non perturbé. Or, ces chargements agissent de manière simultanée sur le système, influençant la réponse de la cible.

- De larges écarts de prédiction du niveau lésionnel peuvent être fait pour une même vitesse V ; - Et est-il possible d’extrapoler le critère d’Axelsson pour des expositions en champ libre ?

Ce critère a ensuite été décliné sous plusieurs formes simplificatrices avec les différents modèles « single point » entrainant son lot de limites supplémentaires, principalement dues à une surestimation ou une sous-estimation du niveau lésionnel liée à la non prise en compte de la physique du blast (décroissance exponentiel de la pression, raréfaction, refocalisation, etc.).

Un cinquième modèle, le modèle de Stuhmiller [Stuhmiller et al. 1996], a aussi été développé pour connaitre le risque lésionnel thoracique face à une menace, celui-ci se rapprochant du modèle d’Axelsson. En revanche, des erreurs ont été trouvées dans le modèle initial et ne sera donc pas utilisé dans le reste de ce manuscrit.

Plus récemment, un critère basé sur les courbes de Bowen revisitées par Richmond a été conçu à l’aide d’un MEF 2D du torse humain et une relation a été trouvée entre le niveau lésionnel pulmonaire à la pression dans ce dernier [Greer 2006]. Cependant, l’utilisation d’un modèle 2D, en plus de ne pas être validé au regard de données expérimentales ce qui rend difficile de juger de la fiabilité des limites de tolérance, ne permet pas de prendre en compte certains phénomènes tels que les réflexions sur les différents organes internes ou le mouvement global de la cage thoracique.

Enfin, le critère visqueux, développé pour les impacts dans le domaine automobile et utilisant les propriétés viscoélastiques des tissus biologiques, a parfois été utilisé pour un choc de type blast. On peut toutefois se demander si un tel critère utilisé dans le domaine de la protection des usagers du monde automobile, peut être pertinent lorsque l’on s’intéresse aux lésions thoraciques d’une onde de souffle et si oui si le seuil lésionnel pour un choc de type blast devrait être différent de la valeur seuil proposée pour l’automobile qui est de 1m/s.

L’ensemble de ces critères est ainsi à utiliser en ayant connaissance et conscience des limites inhérentes à leurs conceptions. En revanche, dans l’optique de mieux protéger les militaires face à cette menace accrue du blast, l’un des objectifs, après la connaissance des lésions thoraciques encourues pour une certaine menace, est l’évaluation de l’efficacité des vêtements de protection thoracique. Pour cela, du fait de l’utilisation de plus en plus délicate du modèle biologique pour des questions éthiques, des mannequins physiques sont nécessaires.

1.6 Les mannequins physiques

1.6.1 Introduction

Avec pour objectif la diminution du nombre de blessé et de mort lié aux ondes de choc sur le champ de bataille, l’utilisation, entre autre, de mannequins physiques pour l’évaluation qualitative et quantitative des systèmes de protection thoracique face au blast devient primordial. Ainsi, depuis le développement du BTD utilisé pour les critères de prédiction du niveau lésionnel thoracique par Axelsson et Stuhmiller, des mannequins plus sophistiqués ont été développés.

Les sections suivantes présentes donc les différents modèles utilisés comme substitut du thorax humain pour des études sous dynamique rapide du blast.