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Lors d'essais en grandes déformations, les chaînes sont susceptibles de se rompre. La simu-lation peut rendre compte de ce phénomène. Par défaut, un lien covalent, décrit par un po-tentiel FENE, se rompt lors de la déformation lorsqu'il dépasse la longueur 1.5σ, longueur maximale du FENE. Cependant cette longueur de 1.5σ correspond à l'application d'une force infinie sur le lien, ce qui n'est pas physique. Pour corriger ce problème, un critère de rupture plus réaliste est appliqué. On introduit alors une nouvelle longueur limite, infé-rieure à 1.5σ, pour laquelle le lien rompra.

La force Fcovr nécessaire pour rompre le lien sera fixée en unités Lennard-Jones, c'est à dire en fonction de la force FLJr nécessaire pour s'extraire d'une liaison faible (~2.4ε/σ). On définit ainsi le rapport rF = Fcovr/FLJr. Le rapport utilisé varie selon les articles consultés : Rottler et Robbins9 utilisent un rapport de 100 pour simuler la cavitation et la craquelure de polymères, Stevens10 un rapport de 65 et Sides et al.11 un rapport de 44.4 pour étudier l'adhésion d'un polymère à une surface, et Sliozberg et al12. un rapport de 590 pour estimer la part des enchevêtrements dans la rupture d'un gel.

l'article de Stevens10. Le rapport de force entre une liaison forte et une liaison faible vaut environ 1000 d'après les mesures expérimentales. Comme une unité dans le modèle coarse-grained représente plusieurs atomes, le dénominateur FLJr doit être multiplié par ce nombre d'atome et le rapport résultant rF est ainsi plus faible. On choisira un rapport de 100, plus souvent utilisé dans la littérature. Plus de détails sur la façon de calculer ce rapport se trouvent en annexe 2.

Par ailleurs, il est à noter que les articles précédents utilisent tous un potentiel quadra-tique (éq. (52)) pour représenter les liens covalents à la place du FENE.

Uq(r)=K (r−Rc)2(r−RcB1)(r−RcB2)+U0 (52)

Cependant les paramètres de ce potentiel diffèrent d'un article à l'autre. Le FENE est remplacé par ce potentiel quadratique pour éviter un mouvement de recul des bouts de chaînes créés par la rupture, puisque le potentiel quadratique présente une force nulle lorsque la distance de rupture est atteinte. Néanmoins les articles précédemment cités ne présentent pas de visualisation de l'impact réel de ce choix.

Ainsi pour combler cette absence de comparaison entre l'effet des deux potentiels, on soumet au test de traction décrit au paragraphe suivant deux réseaux identiques, basés sur un polymère monodisperse de longueur N=1000 réticulé tel que dcl=0.04, l'un utilisant le potentiel quadratique et l'autre le potentiel FENE. Un rapport de force à rupture de rF=100 est choisi pour les potentielsa. Les deux courbes contrainte-déformation résultantes sont présentées dans la figure 61.

a Cela correspond à une rupture des liens dépassant une longueur 1.366σ pour le potentiel FENE. Le détail du calcul de cette longueur se trouve en annexe 2.

2 | Méthodes

Figure 61: Courbes contrainte-déformation pour deux réseaux identiques avec rF=100. Les liens sont simulés par un potentiel quadratique pour la courbe noire et FENE pour la courbe

rouge.

On constate sur la figure 61 que le comportement des deux réseaux est identique jusqu'à une déformation vraie en traction εx d'environ 1.5, c'est à dire jusqu'au début du durcisse-ment, marqué par l'inflexion des courbes. Pour des déformations supérieures, la contrainte mesurée et les sauts dans la valeur de la contrainte sont plus élevés pour le réseau avec po-tentiel quadratique. On constate néanmoins que ces derniers se produisent approximative-ment aux même valeur de déformation, ce qui suggère que ce sont les mêmes chaînes qui rompent. Concernant la rupture, la dernière chute brusque de contrainte à lieu également à même déformation.

L'utilisation d'un potentiel quadratique n’atténue donc pas les variations brusques de contraintes provoquées par la rupture du lien covalent en diminuant la force appliquée sur les atomes au moment même de la rupture, mais au contraire les accentue. L'utilisation du potentiel quadratique n'est donc pas une bonne idée. Nous préférerons donc utiliser le po-tentiel FENE, même s'il conduit également à des sauts de contraintes. Pour expliquer ces derniers, il faut rappeler que le potentiel FENE, développé par Warner13 pour représenter les liens covalents, est utilisé pour approximer en une expression simple la fonction inverse de Langevin (cette fonction a été a été établie par Kuhn et Grun14 à partir de considération

statistiques pour rendre compte de l’extensibilité limite d'une chaîne polymère), mais cette approximation s'avère incorrecte aux grandes déformations. Un article de Kröger15 datant de 2015 propose d'autres approximations pour la fonction de Langevin inverse mais l'im-plantation de ces alternatives n'a cependant pas encore été effectuée sous Lammps, le logi-ciel de dynamique moléculaire utilisé pour ces essais.

Pour mieux comprendre ces sauts, nous avons effectué une compression puis une se-conde traction sur le réseau précédent en cours de rupture, à partir de l'état au maximum de la contrainte (cf. fig. 62).

Figure 62: Courbes contrainte-déformation pour un réseau basé sur des chaînes de 1000 ré-ticulées à dcl=0.02 subissant une compression puis traction après début de cavitation.

On observe à la compression une décroissance rapide de la contrainte qui est inférieure à même déformation, à la contrainte de première traction. A la seconde traction, la courbe de contrainte-déformation est superposée à la courbe de décharge. Les sauts observés cor-respondent donc bien à la rupture localisée de chaînes qui modifient de manière irréver-sible la topologie et donc la réponse mécanique du réseau.

Cet effet est généralement peu ou pas observé expérimentalement sur des élastomères lorsqu'ils ne sont pas chargés, le début de rupture d'un élastomère étant souvent confondu avec la rupture finale. Une première hypothèse est que la présence de l'hystérèse est liée à la vitesse de traction, rapide comparée à l'expérience. Pour vérifier cette hypothèse, le

ré-2 | Méthodes seau de chaînes de 1000 réticulé à dcl=0.02 subit une traction à une vitesse 10 fois infé-rieure au test classique une fois le maximum de contrainte atteint (cf. fig. 63).

Figure 63: Courbes contrainte-déformation pour un réseau basé sur des chaînes de 1000 ré-ticulées à dcl=0.02 dont la phase finale de traction est effectuée à deux vitesses de

déforma-tion différentes.

On constate que réduire la vitesse de déformation ne réduit pas l'écart de déformation entre rupture locale et rupture finale, ni les sauts de contraintes. Si la vitesse n'explique pas les sauts, ceux-ci ne sont donc pas dus au faible temps laissé aux chaînes pour se reposi-tionner mais plutôt à la faible taille de la boite, qui ne permet pas de moyenner correcte-ment les conséquences des ruptures locales.

Cela impliquerait que deux boites ayant les mêmes caractéristiques moyennes n'aurait pas la même allure de contrainte à cause des sauts de contrainte. Nous avons donc évalué la répétabilité des résultats. Une boite de polymère monodisperse de M=500 chaînes de longueur N=200 est sélectionnée puis cette même boite est réticulée par deux fois de ma-nière aléatoire à une densité de réticulation dcl=0.02, créant deux boites ayant la même base et la même densité de réticulation mais une répartition différente des nœuds de réticulation. Un autre test est réalisé en prenant une autre boite de polymère monodisperse de M=500 chaînes de longueur N=200, qui subit également une réticulation à dcl=0.02. Les résultats sont présentés figure 64.

Figure 64: Courbes contrainte-déformation pour trois réseaux de 500 chaînes de 200 unités réticulées à dcl=0.02 à T*=1 et rF=100.

Il est constaté que le comportement du matériau reste très similaire d'un test à l'autre. On considérera donc que notre taille de boite est suffisamment représentative du comporte-ment du matériau.