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~10 3 MPa Etat vitreux

2. La cristallisation du caoutchouc naturel

2.1. Cristallisation thermique

2.1.1. La maille cristalline

Une des premières études détaillées de la structure cristalline du caoutchouc naturel est attribuée à C.W Bunn 41. Selon lui, le caoutchouc naturel cristalliserait

selon une maille monoclinique P21/a. Plus tard, Nyburg 42 puis Benedetti et al. 43

montrent que le caoutchouc cristallise plus favorablement dans une maille orthorhombique Pbca, dont les paramètres de maille sont : a = 12,54 Å, b = 9,04 Å et c = 8,29 Å. Dans cette structure, un cristal de polyisoprène est composé de quatre chaînes. Deux d’entre elles possèdent des groupements méthyles orientés vers le haut et les deux autres ont les groupements méthyles orientés vers le bas (figure 9). Cette structure cristalline ne dépend pas du mode de cristallisation, qu’elle soit induite par la température (TIC) ou par la déformation (SIC).

Figure 9. (a) Configuration de la chaîne cis-polyisoprène : simple liaison (noir), double

liaison (blanc), groupe méthyle (gris). (b) Empaquetage des chaînes dans la maille cristalline en vue perspective et (c) dans le plan orthogonal à l’axe de traction. La

figure est extraite de la thèse de Trabelsi 44.

2.1.2. Morphologie

Les cristaux de caoutchouc formés à froid adoptent la forme classique de sphérolites 45-47. Par DSC 47, 48 ou par variation de volume 49, différents auteurs repèrent, lors de la fusion d’un NR cristallisé à froid, la présence de deux types de cristaux lamellaires dans le cis-polyisoprène, nommées lamelles α et β, de stabilités thermiques différentes. Les premières ont une direction de croissance parallèle au paramètre de maille a, les secondes ont une direction de croissance parallèle au paramètre de maille b 46. Rench suppose que ces différences morphologiques seraient dues à des agents nucléants différents. Les agents nucléants pour les cristaux lamellaires α seraient des impuretés amenant à la formation de microgels (un microgel apparaît au centre de la sphérolite, figure 10), alors que les cristaux de type β naitraient plutôt à partir de microcontraintes locales.

Figure 9. Observation TEM d’un échantillon de caoutchouc naturel ayant cristallisé à

-25°C 47.

2.1.3. Cinétique de cristallisation

La cristallisation est un phénomène cinétique dépendant fortement de la température de l’échantillon (figure 11). Si la température est trop basse, c’est-à-dire proche de la température de transition vitreuse du matériau, la diffusion des chaînes, associée au mouvement de relaxation α, est fortement ralentie. Si la température est au contraire trop élevée, c’est à dire proche de la température de fusion du cristal infini (Tm,∞), la nucléation est ralentie. Pour des températures intermédiaires, le processus de cristallisation se fait de façon optimale. La température optimale de cristallisation thermique d’un échantillon de caoutchouc (naturel ou synthétique) non déformé est généralement mesurée à -25°C.

Figure 10. vitesses de croissance cristalline d’un caoutchouc naturel non réticulé en

fonction de la température de cristallisation 50.

La cinétique de cristallisation thermique peut être facilement décrite par la théorie de Hoffman-Lauritzen 51. Celle-ci, nommée G, prend en compte les contributions respectives de la diffusion des chaînes et de la nucléation dans la cinétique de croissance des cristallites. Un certain nombre de cas particuliers de cristallisation thermique peuvent être décrits par cette approche (nucléation primaire ou secondaire, description de différents régimes de croissance). Pour une lecture détaillée de ces processus, le lecteur peut se référer aux publications du même auteur. Dans le cas

d’une nucléation secondaire (c'est-à-dire s’effectuant à partir d’un germe préexistant), la croissance des cristallites est donnée par :

(4) G0 est un facteur pré-exponentiel généralement supposé indépendant de la température. Le terme de gauche est associé au transport par diffusion de la chaîne à la surface du cristal. ΔF* est l’énergie d’activation du mouvement des segments de chaîne (reliés au mécanisme relaxationnel α) et R la constante des gaz parfaits. Le terme de droite est un terme de nucléation. Il représente la probabilité de formation d’un germe stable. b0 est l’épaisseur de la couche cristalline sur laquelle vient se poser le germe, kb est la constante de Boltzmann, σ et σe sont les énergies libres de surface latérale et de bout de chaînes et ΔHm l’enthalpie de fusion 47.

L’étude de la cinétique de cristallisation thermique concerne généralement des élastomères non réticulés. Tanaka 4 est l’un des principaux contributeurs des travaux menés sur ce thème dans le cas du caoutchouc naturel non réticulé. Les acides gras liés au réseau naturel (phospholipides) jouent alors le rôle d’agents nucléants. D’autre part, les acides gras libres (miscibles dans la phase amorphe) jouent le rôle de plastifiants et améliorent la diffusion des chaines lors du processus de croissance cristalline 6, 52. On parle alors d’effet synergétique. Ces effets permettraient d’expliquer la meilleure capacité du caoutchouc non réticulé à cristalliser à froid par rapport à un caoutchouc synthétique 52.

La cristallisation thermique est peu favorable dans le cas d’échantillons réticulés. Selon Gent 53, le retard de cristallisation en présence de nœuds chimiques est attribué à un effet de volume exclu pour la cristallisation créé par les nœuds, ces derniers interdisant tout processus de nucléation ou de croissance cristalline en leur voisinage. Cette conclusion est également partagée par Andrews 54. De plus, il est très probable que le processus de réticulation, compte tenu des très hautes températures de vulcanisation (170°C typiquement pour une réticulation au soufre) détruise les impuretés naturelles présentes initialement dans le caoutchouc naturel (impuretés dont nous avions précédemment rappelé les effets bénéfiques sur la cristallisation). Malgré cela, la vitesse de cristallisation thermique d’un caoutchouc naturel réticulé reste environ trois fois plus grande que celle de son homologue synthétique 55. Gent attribue cette différence au défaut de stéréorégularité des chaînes de polyisoprène synthétique.

2.1.4. Fusion

L’équation de Gibbs-Thomson est habituellement utilisée pour traduire l’évolution de la température de fusion en fonction de l’épaisseur des lamelles l. Généralement, cette épaisseur est supposée fine devant les dimensions latérales de la cristallite, ce qui conduit à la formule simplifiée suivante :

(5) Cette approche décrit relativement bien la relation entre la taille des cristallites et la température de fusion d’échantillons de caoutchouc naturel 47, 56. Plus la taille de la lamelle est épaisse, plus la température de fusion sera élevée : on parle alors généralement de stabilité thermique (ou thermodynamique) élevée ; la stabilité thermique maximale correspond alors au cas hypothétique du cristal infini (Tm = Tm,∞).