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~10 3 MPa Etat vitreux

2. La cristallisation du caoutchouc naturel

2.2. Cristallisation thermique à l’état déformé

(5) Cette approche décrit relativement bien la relation entre la taille des cristallites et la température de fusion d’échantillons de caoutchouc naturel 47, 56. Plus la taille de la lamelle est épaisse, plus la température de fusion sera élevée : on parle alors généralement de stabilité thermique (ou thermodynamique) élevée ; la stabilité thermique maximale correspond alors au cas hypothétique du cristal infini (Tm = Tm,∞).

2.2. Cristallisation thermique à l’état déformé

L’étude de la cristallisation thermique à l’état déformé peut être menée selon deux protocoles distincts. Le premier protocole consiste à déformer l’échantillon à température ambiante, à le maintenir à une déformation donnée, puis à le refroidir, en général à -25°C, la température optimale de cristallisation thermique. Selon un deuxième protocole, les cristaux sont entièrement fondus pendant le maintien avant d’être refroidis 47, 55, 57, 58. Cette deuxième méthode a un intérêt certain puisqu’elle permet de suivre la cinétique de cristallisation thermique, des premiers germes jusqu’à la valeur de cristallinité saturante.

2.2.1. Cristallisation

La cinétique de cristallisation thermique du caoutchouc naturel est fortement accélérée avec le niveau de déformation de l’échantillon, comme l’illustre la figure 12

55, 57-59. Pour un niveau de déformation donné, cette cinétique est accélérée pour les échantillons de plus faible densité de réticulation 58, 60 mais également dans un échantillon de caoutchouc naturel réticulé en comparaison avec un échantillon synthétique réticulé 55, 57, 61. Ces résultats sont donc cohérents avec le comportement en cristallisation thermique discuté plus haut.

Figure 11. Densité de nombre (en µm/µm²) de lamelles de type α observées par

microscopie électronique en fonction du temps de cristallisation à -28°C et de la déformation d’un NR réticulé 59.

La structure cristalline développée lors d’une cristallisation thermique à l’état déformé est communément appelée shish-kebab et est très similaire à celle observée lors de la cristallisation sous écoulement d’échantillons de polyéthylène 62, 63. Le shish correspond aux cristaux dont la croissance se fait selon l’axe de traction (fibrilles) et le kebab les cristaux dont la croissance se fait dans la direction perpendiculaire à l’axe de traction (lamelles). Les fibrilles n’ont jamais pu être mises en évidence par imagerie. Les lamelles sont cependant clairement identifiées (figure 13). Selon Andrews59, le processus de formation des lamelles α est sensiblement identique au processus de formation des sphérolites α typiques de la cristallisation thermique. La structure shish-kebab peut alors être vue comme une sphérolite étirée selon l’axe de traction. Tout comme pour la cristallisation thermique, des cristaux α et β sont observés 47, 54, 59. Finalement, l’étude de la morphologie cristalline obtenue par ce protocole donne assez peu d’informations sur la structure des cristaux induits uniquement sous déformation, c'est-à-dire avant le traitement thermique.

Figure 12. Shish kebab, NR déformé à 100% puis refroidi à -26°C pendant 2h 47.

2.2.2. Fusion

Dans cette partie nous nous intéressons à la fusion de cristallites ayant été formées sous tension et à des températures proches ou égales à -25°C. Les études WAXS montrent que la cristallinité semble diminuer de façon quasi linéaire lorsque la température augmente 57, 60, 64. Trabelsi montre également que le volume moyen de ces cristallites reste constant jusqu’à leur disparition complète 57, 60. Ce résultat indique que la fusion à l’état déformé se fait par une diminution du nombre moyen des cristallites. La température pour laquelle la totalité des cristallites fond, appelée Tm, est généralement évaluée en fonction de la déformation. D’après Trabelsi, cette température est d’autant plus élevée que la densité de réticulation est faible 60. L’auteur justifie cette observation en remarquant que la taille des cristaux mesurée dans le cas des échantillons les moins réticulés est plus grande, menant à une augmentation de la stabilité thermique des cristallites. Par ailleurs, La température de fusion est plus élevée dans le cas d’un caoutchouc naturel par rapport à un caoutchouc synthétique 55, 57 comme le montre la figure 14.

Figure 13. Température de fusion de caoutchouc naturel réticulé (NR) et son

homologue synthétique (IR) en fonction de la déformation imposée 57.

L’effet de la déformation sur Tm peut être prédit par la thermodynamique. Yamamoto et White 65 ont développé dans ce but une approche intéressante. Ils s’appuient principalement sur la théorie développée par Flory 66 que nous aborderons plus en détail par la suite. Flory remarque que, puisque les chaînes s’orientent selon l’axe de traction pendant la déformation, leur entropie configurationnelle diminue d’une quantité ΔSdef liée au niveau de déformation atteint. Pour une déformation donnée, la température de fusion est augmentée par rapport à la température de fusion du cristal infini:

(6) Plusieurs théories permettent d’estimer le terme ΔSdef en fonction de la déformation

66, 67. Pour exemple, prenons l’expression déduite du modèle affine évoqué

précédemment :

(7) Remarquons que cette approche théorique, bien qu’elle décrive correctement l’effet de la déformation sur la température de fusion, suppose des cristallites de taille infinie. Elle ne semble donc pas adaptée pour décrire les effets de taille observés expérimentalement par Trabelsi 60.

L’étude de la cristallisation thermique à l’état déformé apparaît être une première approche intéressante vers la compréhension du phénomène de cristallisation sous tension. Cependant, il paraît difficile de dissocier les différents processus de cristallisation impliqués : cristallisation sous tension et cristallisation thermique. La partie suivante traite du phénomène de cristallisation sous tension tel qu’il est défini

dans la littérature, c'est-à-dire pour des températures égales ou supérieures à la température ambiante (température à laquelle le caoutchouc naturel non déformé est généralement à l’état amorphe).