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CRISPR/Cas : Toxicité et les approches de correction

Chapitre 1 : Le tissu musculaire, la dystrophie musculaire de Duchenne et le système CRISPR/Cas9

1.2 La dystrophie musculaire de Duchenne

1.3.6 CRISPR/Cas : Toxicité et les approches de correction

Si l’efficacité et la robustesse du système SpCas9 dans l’édition du génome ont été confirmées dans plusieurs études [76] [79] [80], sa toxicité liée à une expression prolongée reste un défi important à relever [160] [161] [162] . Afin de résoudre le problème posé par les coupures aléatoires de l’ADN (off-target effects, OTEs en anglais) avec le système SpCas9, trois approches ont été développées. La première vise à mettre sur pied un moyen efficace de détection des OTEs. La deuxième consiste à produire et à utiliser une Cas9 ayant une

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activité nucléasique spécifique. La troisième utilise la répression de la SpCas9 pour éviter une expression prolongée qui peut générer des coupures aléatoires ou stimuler le système immunitaire de l’hôte, la nucléase Cas9 étant une protéine étrangère.

1.3.5.1 Méthodes de détections des OTEs

On distingue trois générations de méthodes de détection des OTEs [163].

Les méthodes de la première génération sont in silico et ont été développées à partir d’algorithmes informatiques (CRISPR.mit.edu, CROP-IT[164] pour prédire des coupures et des liaisons aléatoires au niveau des séquences introniques, exoniques et inter-géniques que le système CRISPR/Cas9 peut générer en se basant sur la similitude de ces séquences avec la séquence-cible. La prédiction informatique est suivie d’une détection in vitro sur les différentes lignées cellulaires [162].

Par remédier aux insuffisances des méthodes in silico, les méthodes dites de deuxième génération ont été mises à jour. Elles utilisent un dSpCas9 (deactivated SpCas9 ou SpCas9 inactive) et un gRNA pour identifier les sites de liaison du complexe gRNA-dSpCas9 avec la séquence-cible. La séquence-cible est ensuite mise en évidence par la technique de Chip-Seq (Chromatin immunoprecipitation-sequencing) [163].

Dans le souci de déterminer avec précision le nombre de clivages aléatoires (et indirectement les liaisons aléatoires) dans l’ensemble du génome, les méthodes de troisième génération ont été développées. Il s’agit par exemple de GUIDE-Seq (Genome-wide Unbiaised Identification of DSB Enabled-Sequencing) [1]. Celle-ci consiste à insérer un oligonucléotide double-brin (blunt double-stranded oligonucléotide, dsODN en anglais) dans les sites de clivage générés avec SpCas9, à amplifier ces sites et séquencer les amplicons renfermant l’oligonucléotide avec un séquençage à haut débit.

1.3.5.2 Utilisation des Cas9 ayant une grande spécificité d’action

Pour améliorer la spécificité de clivage de SpCas9, plusieurs approches ont été développées. L’une d’elles exploite la présence des charges positives à l’interface entre les lobes NUC et REC de la Cas9 nucléase. En effet, en remplaçant les acides aminés basiques (Arg, Asn, Gln) présents à l’interface avec l’ acide aminé neutre Ala (eSpCas9), et en générant des mésappariement entre le guide et le brin de l’ADN reconnu par celui-ci, les deux brins de l’ADN peuvent se réassocier et modifier la conformation de la Cas9 nucléase et empêcher leur clivage aléatoire (off-target) [165]. Les interactions (ponts) hydrogène entre les quatre acides aminés basiques N497, R661, Q695 et Q926 avec les groupements phosphate de l’ADN cible génèrent suffisamment de force pour stabiliser la nucléase Cas9 et permettre le clivage même en cas de mésappariement. En mutant les quatre acides aminés N497A, R661A, Q695A et Q926A (SpCas9-HF1) on peut diminuer la force d’interaction par la suppression des ponts hydrogène et modifier la conformation de la

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nucléase Cas9 [166]. Dans ce cas seul l’appariement parfait du guide avec le brin de l’ADN cible peut permettre le clivage de ce dernier. En cas de mésappariement, le clivage aléatoire ne peut pas se produire.

Ces deux approches ont permis la réduction très significative des coupures double-brin aléatoires. Cependant certains auteurs ont démontré que la spécificité des eSPCas9 et SpCas9-HF1 était liée à une réduction de l’activité de la nucléase Cas9. En effet les mésappariements entre le guide et brin de l’ADN cible induisent un état d’inactivation de la nucléase Cas9 [167]. Pour faire face à ce problème, une SpCas9 de haute précision

(hyper-accurate SpCas9, Hypa-SpCas9 en anglais) a été produite [167]. Dans Hypa-SpCas9, REC3, une

partie de lobe REC de SpCas9, agit comme un effecteur allostérique qui reconnait l’hétéroduplex gRNA-DNA et qui peut se fixer sur le site de régulation de la nucléase HNH pour l’activer. Une mutation des acides N692A, M694A, Q695A et H698A dans la région de REC3 et qui caractérise Hypa-SpCas9, empêche le clivage de l’ADN cible lorsqu’il y a un, deux ou plusieurs mésappariements entre gRNA-DNA. Cette restriction de coupure double-brin en cas de mésappariement confère une grande spécificité d’action à Hypa-SpCas9 et réduit d’une manière drastique les coupures aléatoires (OTEs).

1.3.5.3 La répression de la SpCas9

Comme nous l’avons mentionné précédemment, une expression prolongée de la SpCas9 est à la base des coupures aléatoires de l’ADN et donc de sa toxicité. Pour limiter l’expression de Spcas9 dans le temps, plusieurs approches ont été développées. Certains auteurs ont utilisé un gRNA pour cibler le gène de SpCas9. La nucléase Cas9 est alors recruté sur le site gRNA-DNA pour générer les coupures double-brin sur son propre ADN [168]. Pour dégrader la protéine SpCas9, certains auteurs l’ont fusionnée avec une queue polyubiquitine pour qu’elle soit dégradée plus rapidement par le système protéasome (UPS) [169]. Une autre approche consiste à utiliser deux gRNAs qui ciblent le début et la fin du gène de SpCas9. Le gène est ensuite délété de son vecteur plasmidique ou viral pour être dégradée par les exonucléases cellulaires [101]. L’utilisation de la protéineAcrIIA4, un anti-CRISPR protéine qui peut former un complexe ribonucléoprotéique avec le complexe Cas9-sgRNA et empêcher ce dernier à reconnaitre l’ADN cible [170].

Dans le souci de réprimer efficacement le gène SpCas9, nous avons développé, au chapitre 6 du présent travail, une approche consistant à utiliser deux gRNAs pour cibler une partie du gène SpCas9. Ces deux gRNAs reconnaissent ensuite leurs sites cibles et la Cas9 est recrutée pour générer deux coupures double- brin sur son propre gène (Hara-Kiri moléculaire). La partie du gène SpCas9 située entre les deux coupures est ensuite délétée et les restes du gène se fusionnent et forment un codon stop prémature (PTC).

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Chapitre 2 : Le rétablissement du cadre de lecture