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Par quels créatifs, dans quelles agences, et pour quels annonceurs ?

L’emploi de l’humour en publicité

7- Par quels créatifs, dans quelles agences, et pour quels annonceurs ?

Il est fréquent de souligner un évident décalage entre annonceurs et agences quant à l'opportunité de l'emploi de l'humour. Les agences reprochent dans leur grande majorité aux annonceurs d'avoir peur de l'utiliser, la recherche du rationnel, la crainte du marque de sérieux, le refus de la prise de risque étant le plus souvent cités comme causes de cette peur.

Rien d'étonnant à ce que les agences soient plus que les annonceurs favorables à l'utilisation de l'humour. Lien entre sens de l'humour et intelligence en ce qui concerne le récepteur. Etait parfois contesté. Mais si l'on se tourne du côté de la production de l'humour, il n'est plus remis en cause. Il existe en effet un lien très fort entre la créativité et le sens de l'humour. On pourrait presque aller jusqu'à dire que plus une publicité est créative, plus elle est humoristique. Si créativité et sens de l'humour sont donc liés, il est normal que les créatifs publicitaires utilisent abondamment l'humour.

Mais même parmi les créatifs, tous n'utilisent pas avec la même intensité et le même bonheur. Pourquoi cette différence ? Qui sont ces créatifs qui ont plus que les autres recours à l'humour?

Il a été affirmé, avec quelques restrictions, que les hommes étaient plus que les femmes réceptifs à l'humour on peut le faire sans nuances quant à la création, qui était jusqu'à

récemment, sans conteste, l'apanage des hommes. Les humoristes professionnels ont été longtemps presque tous des hommes, et il y a bien peu de temps que l'on parle d'humour au féminin. L'explication viendrait, comme pour l'appréciation de l'humour, essentiellement du souci d'apparence sociale qui s'accommoderait mal de la recherche de l'amusement. Elle pourrait également découler du lien qui existerait entre production et appréciation de l'humour : « On ne peut produire de l'humour qu'en étant capable de l'éprouver soi-même », affirme J.P. Marchand (1992)(46). Si donc il est admis que les femmes apprécient moins l'humour, elles seraient par là

même moins capables de le produire. Mais comme dans de nombreux autres domaines, les facteurs explicatifs de cette différence sont en train de s'estomper, en même temps que s'abaissent les barrières entre les sexes et que grandit le nombre de femmes humoristes.

Comme précédemment, peut-on introduire la variable personnalité pour définir ces créatifs qui ont plus tendance que les autres à utiliser l'humour ?

On peut reprendre ici les trois composantes de la personnalité déjà distinguées, à savoir les aspects intellectuels, sociaux et affectifs.

Ici encore, les créatifs maniant l'humour seront heureux d'apprendre que l'intelligence apparaît comme un facteur important, spécialement l'intelligence verbale.

Pour l'aspect social, il convient de distinguer entre humoristes professionnels et amateurs. Alors que les premiers seraient plutôt introvertis, les amateurs auraient au contraire tendance à l'extraversion, développant la bonne humeur en société, cherchant une certaine reconnaissance sociale. Mais où situer les créatifs publicitaires? Sans doute du côté des amateurs. Il n'existe pas de créatifs spécialisés uniquement dans l'humour.

L'aspect affectif nous conduit ici encore à distinguer entre humoristes amateurs et professionnels : ces derniers apparaissent comme fortement émotifs, alors que la plupart des humoristes amateurs sont stables, de bonne humeur, dénués d'anxiété.

Ces quelques remarques sur les caractéristiques et la personnalité des « producteurs d'humour » ne vont certes pas permettre de repérer les plus humoristes des publicitaires. Pourtant, il est certain que l'humour, aussi bien sens de l'humour qu'aptitude à l'utiliser, peut être considéré comme caractéristique de certains créatifs. En changeant de budget, qui plus est en changeant d'agence, ils ne se départissent pas de ce ton qui est le leur et qui souvent leur permet de se forger un nom et une place dans le monde de la création publicitaire.

Il existe donc des créatifs pour qui l'humour fait partie du mode de vie, de pensée et d'expression. Travaillent-ils au sein d'agences que l'on peut qualifier à leur tour d'humoristiques ? Ce serait certes caricatural de l'affirmer. Certaines agences cependant sont plus que d'autres portées à utiliser l'humour. Ces agences sont d'ailleurs à peu près confondues avec ce qu'on appelle les agences- créatives. Naturellement, l'agence n'est pas seul juge et décideur en la matière, et très souvent elles regrettent que les annonceurs n'osent pas plus s'aventurer dans l'humour. S'aventurer n'est pas un terme trop fort, quand on sait que l'humour est souvent considéré comme une technique de communication relativement dangereuse. Mais en principe, les annonceurs vraiment réfractaires à l'humour ne seront pas clients de telles agences.

Il existe des agences porte-drapeau de l'humour. Non pas un humour gratuit et sys-tématique, mais découlant naturellement de la philosophie et de la conception stratégique de l'agence. Alors que dans d'autres, l'utilisation de l'humour provient soit du hasard, soit de l'intuition, elle correspond véritablement à une logique : mettre en relation la marque et le récepteur. Mais il s'agit ici d'un humour un peu particulier, qui cherche, au travers d'une campagne forte, à créer du désir plus que du plaisir. La marque, par sa communication, fait en quelque sorte une proposition d'adhésion à des récepteurs qui doivent se montrer actifs. Car en maniant l'humour, la marque prend en quelque sorte de la distance, que les récepteurs doivent contribuer à réduire et même supprimer dans le meilleur des cas. On est véritablement dans la

publicité oblique, pour reprendre le terme de J.M. Floch (1990)(47), publicité dans laquelle le sens est à construire. L'humour au sens littéral du terme y est roi, puisque c'est la publicité du paradoxe, qui joue de l'incongru et du non immédiat... La publicité oblique fait de la médiateté de sa compréhension une valeur... .On voit bien ici que l'humour est conçu comme autre chose qu'un ton léger ou badin, puisque c'est lui qui crée la différence et produit le sens.

Mais si de telles agences font montre d'un penchant très prononcé pour l'humour, on ne peut pour autant pas dire que ce sont des agences humoristiques. Le qualificatif « créatives » leur conviendrait mieux. On voit cependant poindre à l'horizon quelques agences qui ont fait de l'humour une véritable philosophie: certaines sont convaincues qu'il n'y a pas de problématique d'annonceur qui ne puisse se résoudre par le rire : elles proposent donc de partir d'une réflexion 100 % stratégique pour arriver à des solutions 100 % humoristiques. C'est ce qui elles appellent la « smile strategy », qui consiste à donner le sourire aux marques pour les doter d'une certaine convivialité.

Quelques mots, avant de clore ce chapitre, sur la réalisation. On remarque en effet que les Agences font appel à quelques réalisateurs spécialisés dans les spots humoristiques dont le plus célèbre celui de Chronopost, une histoire de chronopostier que tout le monde sur son trajet jusqu'à la pampa espagnole bassine avec le même bout de phrase : « II faut que ça arrive avant 7 heures, sinon... ». La répétition de la phrase tout au long du spot assure l'effet comique, elle est également au service de la démonstration : c'est la répétition de la performance qui fait la différence. La spécialisation de ces réalisateurs dans l'humour est un atout non négligeable pour la réussite de telles campagnes. Ils savent même, parfois, aller au-delà de ce que l'Agence et le client leur demandent pour donner à leur réalisation la touche humoristique juste.

Chapitre III

Les particularités de l’humour