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Mesures de la mort cellulaire

4.2 Les courbes de survie cellulaire

Après une dose de rayonnement de plusieurs centaines voir milliers de Grays, les fonctions cellulaires s’arrêtent et la cellule meurt très rapidement, on parle de mort cellulaire immédiate. Il s’agit d’un phé-nomène très rare. Seules deux types cellulaires font exception et meurent pour des doses moindres (de l’ordre du Gray) :

– Les lymphocytes, – Les ovocytes.

Il s’agit d’une mort très rapide par nécrose avec arrêt des fonctions cellulaires et cytolyse. Dans le chapitre précédent (voir paragraphe 3.4 p. 71) nous avons présenté les différents mécanismes qui peuvent être mis en jeu dans les processus conduisant à la mort cellulaire. Pour des doses de rayonnement beaucoup plus faibles, quelques grays, délivrées à des cellules proliferentes , les effets biologiques de l’irradiation peuvent n’être observés que bien après l’exposition. On parlera alors de mort cellulaire différée. Dans le cas de l’irradiation de cultures de cellules in-vitro, on observe notamment qu’une certaine partie d’entre elles perdent leur capacité à se diviser (sénescence), d’autres rentrent dans un mécanisme d’apoptose (mort programmée et régulée) et d’autres se nécrosent.

La réalisation des courbes de survie permet de prendre en compte la globalité de ces mécanismes conduisant à la mort cellulaire. Nous rappelons que l’on définit une cellule survivante à l’irradiation comme une cellule qui a gardé sa capacité de se diviser indéfiniment. Elle est donc capable de donner naissance à une colonie de cellules, qui par convention doit contenir au moins cinquante cellules au bout de 8 divisions cellulaires. Les courbes de survie, qui sont la représentation graphique de la relation entre le taux de survie des cellules clonogènes, et la dose délivrée, permettent également de caractériser les lignées cellulaires vis-à-vis des rayonnements ionisants. Ainsi, la détermination de la survie à 2 Gy, notée SF21, permet d’apprécier la radiosensibilité cellulaire. Les courbes de survie ont donné lieu, de plus, à différents modèles statistiques que nous présenterons par la suite. Les paramètres de ces modèles permettent d’estimer d’autres caractéristiques cellulaires comme les capacités de réparation par exemple.

4.2.1 Réalisation des courbes de survie cellulaires in-vitro.

La capacité des cellules à se multiplier et à donner des colonies, qui peuvent facilement être visualisées à l’œil nu, est la preuve que leur fonction de reproduction est intacte donc que ces cellules sont vivantes. La perte de cette capacité à se reproduire en fonction de la dose d’irradiation est décrite par la courbe de survie cellulaire.

Les courbes de survie peuvent être réalisée in-vitro à partir de cultures de cellule mais également in-vivo à partir de biopsies. En pratique les cellules sont ensemencées dans des boites, recouvertes d’un milieu de culture adéquate et placées à 37˚C durant plusieurs jours. Dans ces conditions les cellules vont adhérer à la surface de la boite, grandir et se diviser.

Pour établir une courbe de survie cellulaire il faut maitriser parfaitement le nombre de cellules ense-mencées. Les cellules sont tout d’abord détachées de leur support initial (sur lequel elles sont conservées au laboratoire) grâce à la trypsine et mises en suspension. Le nombre de cellules par unité de volume (souvent le ml) est ensuite défini. Un nombre de cellules, préalablement déterminé, est ensuite ensemencé dans les boites de culture qui seront soit des boites témoins (sans irradiation), soit des boites irradiées.

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4.2 Les courbes de survie cellulaire 89 Aprés l’expérience, les cellules seront placées à l’incubation durant 1 à 2 semaines, ce qui correspond à

8 divisions cellulaires. Pendant cette période chaque cellule va se diviser et donner une colonie qui sera aisément visible à l’œil nu après fixation et coloration. Toutes les cellules d’une colonie seront en fait les descendantes d’une seule cellule mère ayant survecue à l’irradiation. Pour simplifier, considérons un exemple avec 100 cellules témoins. Sur ces 100 cellules ensemencées, le nombre de colonies formées se situe souvent entre 50 et 90 sur les boites témoins. Idéalement ce nombre devrait être égal à 100 mais c’est très rarement le cas. Les causes en sont diverses, erreurs et incertitudes du comptages, traumatisme de la trypsination et de la manipulation ou encore changement du milieu de culture. Le terme de plating efficiency indique ainsi le pourcentage de cellules qui ont adhéré au support et qui sont capables de donner des colonies. Si le nombre de colonies et de 70 après un ensemencement de 100 cellules alors le coefficient de collage, encore appelé “plating efficiency”, sera de 70%. Il est important de noter que le coefficient d’adhérence2 va parfois largement varier en fonction du nombre de cellules ensemmencées. C’est ce que l’on appelle l’effet feeder.

En parallèle des boites témoins il y a bien évidemment des boites irradiées. Pour une irradiation de 8 Gy par exemple, 2000 cellules sont ensemencées dans des boites de cultures puis irradiées avec des photons. Les cellules seront ensuite incubées 1 à 2 semaines avant d’être fixées et colorées. Trois cas pourront être observés comme le montre la figure 4.1 :

– Des cellules seules, collées au support, mais qui ne se seront pas divisées. Dans certains cas même ces cellules pourront présenter une détérioration du noyau et des signes caractéristiques de l’apoptose. – Des cellules qui ont subi une ou deux divisions mais qui ont ensuite arrêté leur croissance formant

ainsi une minuscule colonie abortive.

– Des cellules qui ont été capables de former une colonie de plus de 50 clones. Ces cellules sont dites survivantes car elles ont gardé leur capacité à se reproduire.

Fig.4.1 – Effet d’une irradiation sur la clonogénicité des cellules.

Après ensemencement à 2000 cellules et irradiation à 8 Gy, les colonies sont comptées. En raison

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du plating efficiency de 70%, et si les cellules n’avaient pas été irradiées, 1400 colonies auraient du être comptées. En fait seules 32 colonies ont été dénombrées. La fraction survivante pour cette dose est donc de : 32 / (2000 x 0,7) = 0,023 = 2,3%

Et plus généralement la fraction survivante est donnée par la formule suivante : F raction survivante = N ombre de colonies comptees

(N ombre de cellules ensemencees) × (plating efficiency) × 100 (4.1) Pour obtenir une courbe de survie cellulaire de nombreuses doses d’irradiation doivent être réalisées. Le nombre de cellules ensemencées est bien entendu ajusté pour chaque dose afin de compter un nombre respectable de colonies. En effet, si trop peu de colonies sont comptées il n’y aura pas de signification statistique et s’il y a un nombre trop important de colonies le comptage sera impossible à cause des recouvrements entre colonies.

Notons en dernier point que les résultats obtenus par la réalisation de courbes de survie cellulaire ne permettent pas de distinguer de quelle façon la mort cellulaire est survenue, à savoir si les cellules meurent par nécrose, apoptose ou sénescence (mort mitotique). Cependant elles donnent un grand nombre d’informations sur la radiosensibilité des cellules.