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le COUR CIVILE

Dans le document La faute concomitante de la victime (Page 50-53)

5 novembre 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu, M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.

Greffier: M. Ramelet.

Dans la cause civile pendante entre

Dame S., demanderesse et recourante, et

X., défenderesse et intimée, (actes illicites; faute concomitame) Vu les pièces du dossier d'où ressortent les fa i t s suivants:

A. - a) Dame S., ressortissante des Etats-Unis d'Amérique née le 1er janvier 1946, souffre d'une quadriplégie fonctionnelle partielle résultam d'un accident de la route dont elle a été victime en 1975, ce qui la contraint à se déplacer la plupart du temps en chaise roulante. Elle repré-sente plusieurs associations d'handicapés (O.N.G.), milite en faveur des handicapés et participe aux sessions de la Sous-commission des Nations-Unies pour la prévention de la discrimination et pour la protection des minorités (ci-après: la Sous-commission).

Au printemps et en été 1991, des sessions de la Sous-commission se sont tenues dans le bâtiment E du Palais des Nations, à Genève; des par-kings et un trottoir sont aménagés devant les portes d'entrée nos 39,40 et 41 de l'immeuble. Dame S. est venue des Etats-Unis pour assister à certai-nes des séances de la Sous-commission. Une thrombophlébite aiguë du

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membre inférieur gauche la contraignait à cette époque à utiliser une chaise roulante.

En été 1991, la société X. S.A. (ci-après: X.) avait entrepris de refaire le bitume du trottoir donnant sur la porte no 41. Devant cette entrée se trouvait une rampe d'accès de 2 mètres de large marquée au sol d'un signe

"Handicapés" (art. 65 al. 5 OSR, ch. 5.14 annexe 2 OSR), destinée à faci-liter le passage des personnes atteintes d'un handicap entre le trottoir sus-mentionné et la voie publique.

Dans le cadre des travaux de construction en question, X. avait creusé, sur toute la longueur du trottoir, perpendiculairement à la rampe d'accès sur laquelle elle empiétait, une tranchée d'une profondeur de 10 cm et d'une largeur d'un mètre environ. Pour permettre le franchissement de la tranchée, X. a placé au-dessus de celle-ci deux planches en bois reposant d'une part sur la rampe, d'autre part sur le trottoir; ces dernières, d'une épaisseur de 27 mm et d'une largeur d'un mètre au total, n'étaient pas fixées entre elles. Un caniveau de drainage, d'une profondeur de 10 cm et d'une largeur qui n'atteignait pas 20 cm, partait de la tranchée et longeait la rampe d'accès sur son côté gauche en regardant la chaussée depuis le trottoir. Un renfoncement se trouvait au bout de la rampe, le long de la chaussée; sa longueur, à partir du bord droit du caniveau selon l'angle de vue décrit ci-dessus, n'excédait guère 45 cm, sa largeur était d'environ 10 cm et sa profondeur était également de l'ordre de 10 cm.

En regardant la chaussée, la distance séparant le bord gauche des plan-ches, reposant sur la rampe d'accès, du canal d'écoulement latéral était inférieure à 40 cm.

Comme l'espace entre l'extrémité des planches posée sur cette rampe et le renfoncement, à gauche en descendant, était d'environ un mètre et qu'une longueur de l'ordre de 135 cm, au débouché de la rampe sur la chaussée, était restée libre d'anfractuosités, une zone d'un mètre de diamètre sur la rampe d'accès ne présentait pas de cavités.

Toutes les anfractuosités entourant le passage litigieux, soit la tranchée longeant le trottoir perpendiculairement à la rampe d'accès, le canal d'écoulement bordant la rampe et le petit renfoncement à la jonction de la rampe et de la chaussée, résultaient des travaux effectués par X.

A la suite d'un accident survenu sur ce chantier, dame S., qui avait emprunté ce passage les 6 mai et 15 août 1991, sans rencontrer de pro-blème, avait attiré l'attention du Service de la sécurité du Palais des

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Nations sur son caractère dangereux et sur la difficulté qu'il y avait pour les handicapés de l'utiliser.

La disposition des lieux était telle que l'ensemble des excavations opérées par X. étaient clairement visibles avant d'emprunter le passage pour handicapés en cause.

b) Le 27 août 1991, dame S. a quitté le Palais des Nations par la porte no 41, qui était la plus proche de la salle où s'était tenue la réunion à laquelle elle avait pris part; elle était accompagnée de sa mère, née en 1921 (art. 64 al. 2 01), qui portait à la main un sac et deux béquilles, du délégué du Mexique et de ressortissants japonais. Ayant indiqué à sa mère que le passage aménagé pour atteindre la chaussée était dangereux, l'inté-ressée, sans requérir une aide extérieure, a retourné son fauteuil, dont la largeur était de 57 cm, et s'est engagée lentement, en marche arrière, sur les planches en bois posées sur la tranchée. Après avoir franchi lesdites planches, dame S. est parvenue sur la rampe d'accès. Elle a ensuite entre-pris une manœuvre de retournement de son fauteuil, au cours de laquelle une roue arrière de l'engin s'est prise dans le renfoncement situé entre la rampe et la chaussée. La chaise roulante a alors basculé en arrière, entraÎ-nant la chute de dame S., dont la tête a heurté le sol.

c) Par demande déposée le 7 février 1994, dame S. a ouvert action contre X. devant le Tribunal de première instance de Genève, concluant au paiement de 90 000 fr. en capital.

Par jugement du 14 mai 1998, le Tribunal de première instance a tout d'abord admis qu'il se justifiait de limiter, dans un premier temps, l'instruction à la seule question de la responsabilité encourue par la défen-deresse, le problème de l'étendue du préjudice pouvant être réservé. Cela fait, il a considéré qu'en omettant de prendre des mesures particulières de sécurité, qui s'imposaient en raison du caractère dangereux des excava-tions empiétant sur la rampe d'accès destinée aux handicapés, X. a com-mis un acte illicite. Néanmoins, elle a relevé que le comportement fautif de la demanderesse, laquelle, bien que consciente du danger de la traver-sée incriminée, a négligé de prendre des précautions élémentaires, avait entraîné la rupture du lien de causalité entre l'acte illicite imputable à X. et le dommage allégué. Le Tribunal a fait grief à la demanderesse de n'avoir pas requis de l'aide et de n'avoir pas passé par la porte no 50, qui était un chemin sans danger lui permettant de rejoindre le taxi dont elle avait be-soin. Il a en conséquence entièrement débouté la demanderesse et a mis à sa charge les dépens, par 15 000 fr.

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B. - La demanderesse a appelé de ce jugement.

Par arrêt du 8 octobre 1999, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement critiqué et condamné la demanderesse aux dépens d'appel comprenant une indemnité de procédure de 8000 fr.

Saisi du recours en réforme exercé par dame S., le Tribunal fédéral, par arrêt du Il avril 2000, a annulé d'office l'arrêt cantonal conformément à l'art. 52 OJ et retourné la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle déci-sion dans le sens des considérants.

Après avoir ordonné un nouvel échange d'écritures, la Cour de justice genevoise, par arrêt du 27 avril 2001, a confirmé le jugement rendu le 14 mai 1998 par le Tribunal de première instance.

C. - Dame S. saisit le Tribunal fédéral d'un recours en réforme. Elle requiert, après annulation de l'arrêt attaqué, que la juridiction fédérale dise et constate que la défenderesse est entièrement responsable du préjudice subi par la demanderesse lors de l'accident survenu le 27 août 1991 et qu'il n'y a pas lieu de réduire les dommages-intérêts en raison d'une faute de la recourante, l'affaire étant renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

L'intimée propose le rejet du recours.

Dans le document La faute concomitante de la victime (Page 50-53)

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