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Coupure des acides nucléiques exogènes 17

A. Systèmes de restriction-modification

Une fois l'ADN viral à l'intérieur de la cellule, celui-ci peut faire face aux systèmes de restriction- modification (R/M). Ces systèmes font intervenir 2 à 3 protéines qui occupent les fonctions de méthylase ou de reconnaissance/restriction. La méthylase permet de modifier l'ADN de l'hôte en ajoutant un groupement méthyle à un site spécifique. Cela a pour effet de protéger l’hôte puisque l’ADN méthylé n’est pas reconnu ou coupé par l'enzyme de restriction (Pingoud et al., 2005). Ces systèmes de défense sont répandus chez les bactéries et les archée dans pas moins de 95 et 99,5% des cas, respectivement (Roberts et al., 2010). À titre d'exemple, les souches de laboratoire L. lactis ssp. cremoris MG1363 et L. lactis ssp. lactis IL1403 contiennent chacun trois systèmes R/M sur leur chromosome. D'autres souches telles

L. lactis ssp. Lactis CV56, qui contient 5 plasmides, possède plusieurs R/M plasmidiques et

chromosomiques (Roberts et al., 2010; Gao et al., 2011).

Il existe quatre types de système R/M (I-IV) qui sont définis selon leur nécessité d'un cofacteur spécifique, la nature des sites de reconnaissance, leur site de coupure et la structure des enzymes (Roberts et al., 2003).

La majorité des enzymes de restriction décrites à ce jour appartiennent au R/M de type II, malgré que les analyses génomiques suggèrent une incidence de seulement 45% (Roberts et al., 2003). Cette différence s'explique par les projets d'identification/caractérisation de R/M qui ciblent plus spécifiquement les types II en raison de leur utilité dans les technologies de l'ADN recombinant (Pingoud et al., 2005). Les R/M type II sont habituellement homodimères et coupent l'ADN à l'intérieur, ou près, des sites de reconnaissance (courtes séquences palindromique) en présence de Mg++ comme cofacteur (Pingoud et

al., 2005).

Le système LlaDCH-4 (isolé de L. lactis ssp. cremoris DCH-4) fut le premier système de L. lactis pour lequel la séquence de reconnaissance et la structure génétique ont été identifiées (Moineau et al., 1995). Fait intéressant, ce système est fort efficace contre les groupes de phages prédominants en industrie laitière, soit c2, P335 et 936 (Moineau et al., 1995). Plusieurs autres R/M de lactocoques ont également été isolés et caractérisés au cours des années (Roberts et al., 2010).

De leur côté, les phages ont développé différentes stratégies afin de contourner les systèmes de restriction-modification. Considérant que l'efficacité du système est directement proportionnelle au nombre de sites de reconnaissance, certains phages accumulent des mutations ponctuelles afin de réduire leurs séquences de reconnaissance (Krüger et al., 1988; Wilson et Murray, 1991). Également, il a été démontré que certains lactophages peuvent acquérir le gène codant pour une méthylase dans leur génome, et ainsi s'auto protéger contre l'action de l'endoribonucléase du même système R/M (Hill et al., 1991; McGrath et al., 1999). Pour sa part, le coliphage T7 utilise une autre stratégie qui est tout aussi ingénieuse. Le gène 0.3 code pour la protéine Ocr qui permet la séquestration des enzymes de restriction en imitant la structure en B de l'ADNdb viral (Walkinshaw, 2002). Finalement, certains phages comme T4 utilisent des bases inhabituelles ou la glycosylation pour constituer leur ADN génomique (Krüger et Bickle, 1983; Labrie et al., 2010). L'essentiel des stratégies d'adaptation des phages sont développées plus en détail dans la revue de Samson et al. (Samson et al., 2013b).

b. CRISPR-Cas

Les systèmes CRISPR-Cas (« Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats – CRISPR associated genes ») sont très répandus chez les bactéries, et ubiquitaires chez les archées. Une étude ciblant 102 bactéries lactiques a permis d'identifier 66 systèmes CRISPR-Cas distribués dans 26 souches différentes (Horvath et al., 2008). Malgré l'abondance, un seul système actif chez L. lactis a pu être identifié jusqu'à présent, et celui-ci est retrouvé sur un plasmide (Millen et al., 2012).

Ces systèmes sont composés d'un locus CRISPR et de gènes associés appelés cas (Jansen et al., 2002). Ces locus contiennent des séquences répétées d'environ 40 nt qui sont séparées par des espaceurs variables

non répétés de 21 à 72 nt de longueur (Barrangou et Horvath, 2012). Les espaceurs sont issus d'ADN exogène, généralement de plasmides ou d'ADN de phage (proto-espaceurs) (Garneau et al., 2010). Contrairement aux mécanismes décrits précédemment, le système CRISPR-Cas constitue une immunité dite adaptative. L'incorporation de ces espaceurs, dans la majorité des cas en 5' du locus (près de la région leader), constitue la première étape du système appelé l'adaptation (Fineran et Charpentier, 2012). La deuxième étape est la synthèse du transcrit ARN pré-crispr qui sera plus tard coupé et maturé par certaines protéines Cas (Terns et Terns, 2011). Les transcrits d'ARNcr sont utilisés dans la reconnaissance de séquence complémentaire (proto-espaceur) ainsi que la coupure de ces ARN exogènes (étape d’interférence). Les systèmes CRISPR-Cas sont présentement séparés en trois types et en 10 subdivisions en fonction notamment de leur séquence répétée et des protéines Cas (Makarova et al., 2011). Les systèmes CRISPR-Cas de types I et II ont besoin d'une séquence PAM (motif adjacent au proto-espaceur) (Mojica et al., 2009). Cette séquence est importante pour l'efficacité du système contre les phages (Deveau

et al., 2008). La figure 1.7. démontre les différentes étapes des systèmes CRISPR-Cas : l'adaptation,

synthèse de l’ARN pré-cr et l'interférence.

Les phages peuvent contourner ce type de système de résistance par différentes stratégies fort intéressantes. De façon similaire à d'autres stratégies décrites plus tôt, le phage peut acquérir une résistance par mutation ponctuelle. Celle-ci peut être retrouvée dans la séquence PAM ou directement dans le proto-espaceur, inhibant ainsi l'interférence (Deveau et al., 2008). Cette stratégie est toutefois peu efficace considérant le nombre très élevé de proto-espaceurs, et la distribution quasi complète de ceux-ci sur le génome phagique (Deveau et al., 2008). Il a été décrit récemment que certains phages tempérés infectant le pathogène Pseudomonas aeruginosa possèdent des gènes anti-crispr dont les protéines agiraient au niveau du complexe d'interférence (Bondy-Denomy et al., 2013). De plus, des analyses bio- informatiques suggèrent que ces gènes pourraient être facilement transférés horizontalement puisqu'on les retrouvent sur des éléments d’ADN mobiles putatifs (Bondy-Denomy et al., 2013).

Tout récemment, Seed et al. ont démontré la présence d'un système CRISPR-Cas fonctionnel chez un phage de Vibro cholerae (Seed et al., 2013). Ce dernier cible le «phage-inducible chromosomal island-like element » (PLE) qui procure normalement une résistance phagique (Seed et al., 2013).

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