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B) Couplage spécifique en bout de chaîne

2) Couplages à partir de l’extrémité réductrice en milieu organique

Dans une stratégie de couplage via l’extrémité réductrice des chaînes amylacées d’amidon, on se trouve complètement à l’opposé de la stratégie via les extrémités non réductrices. Dans ce cas il y a unicité du site cible pour chaque macromolécule ce qui interdit tout couplage intermoléculaire à quelque étape de la synthèse que ce soit mais aussi, et surtout, une différenciation importante au niveau chimique de l’extrémité réductrice par rapport au reste de

la molécule cible. La fonction hémiacétalique, comme décrite précédemment est équivalente à un aldéhyde masqué ce qui permet d’envisager des réactions spécifiques et par conséquent ciblées. En l’occurrence, ici la voie de synthèse choisie est l’acylglycosylation. Avant de réaliser les modifications sur de l’amidon, des tests ont été effectués sur le modèle du maltose.

a) Couplage par acylglycosylation

Le premier exemple qui a été testé était basé sur une réactivité particulière de la fonction hémiacétalique déjà utilisée au laboratoire, dans le cadre du travail de la thèse de S.

Nazabadioko sur la synthèse de saponosides. Au cours de ce travail, le couplage par acylglycosylation d’acides gras sur des oligosaccharides a été réalisé par transfert de phase. La déprotection sélective des acétates avait été effectuée sans rupture de la liaison acylglycoside

[120]

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La première étape dans toute cette partie concernant la chimie en milieu organique est la peracétylation du maltose dans la pyridine afin de permettre sa solubilisation puis la bromation classique du carbone anomère par de l’acide bromhydrique à 33% dans l’acide acétique. Ces deux réactions permettent d’obtenir facilement et sur de grosses quantités le 1-bromo-2,3,6,2’,3’,4’,6’-O-heptaacétylmaltose [121].

i) anhydride acétique, pyridine. ii) HBr 33% dans AcOH, CH2Cl2

Figure 31 : Synthèse du 1-bromo-2,3,6,2’,3’,4’,6’-O-heptaacétylmaltose.

C’est donc le 1-bromo-2,3,6,2’,3’,4’,6’-O-heptaacétylmaltose qui est le substrat réel de l’acylglycosylation, étape clé de la stratégie. Cette réaction spécifique d’un acide sur la position anomérique bromée d’un sucre peracétylé, est choisie du fait de l’expérience acquise au sein du laboratoire quant à sa mise en œuvre.

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Figure 32 : Synthèse de l’undécylénate d’α-heptaacétylmaltosyle

Le rendement de cette réaction d’acylglycosylation par l’acide undécylènique est de 42%. Il est peu élevé mais s’explique par la légère instabilité du dérivé bromé qui lorsqu’il n’est plus conservé à froid, s’hydrolyse pour donner le 1-hydroxy-2,3,6,2’,3’,4’,6’-O-heptacétylmaltose.

Le choix de l’acide undécylènique s’explique par la longueur de la chaîne carbonée qui après couplage créera un bras espaceur de 20 atomes de carbone. D’autre part la bifonctionnalité avec la présence de la double liaison terminale est un élément important de la stratégie puisqu’elle permet de réaliser dans un second temps le couplage par réaction de métathèse.

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Figure 33 : Couplage par réaction de métathèse

La réaction de métathèse a permis l’obtention de l’icosyl-10-ènate de di-α-heptaacétylmaltosyle avec un bon rendement de 63%. La première étape de couplage sur le modèle maltose est donc facilement réalisée en 4 étapes.

Après avoir réalisé la réaction d’acylglycosylation sur un monoacide, elle a été réalisé sur un diacide gras à 9 carbones, l’acide azélaïque, ce qui permet de réaliser le couplage en une seule et même étape. On obtient dans les mêmes conditions l’azélate de di-α-heptaAcétylmaltosyle avec un bon rendement de 61%.

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Figure 34 : Couplage par diacylglycosylation

b) Désacétylation sélective

α) Déprotection chimique

La dernière étape de la synthèse est la déprotection sélective des 14 groupements protecteurs acétates. La difficulté de cette déprotection consiste ici à cliver sélectivement les groupements acétates sans toucher à la fonction acylglycoside. Plusieurs méthodes ont été décrites dans la littérature [120] et utilisées avec succès au laboratoire sur des substrats acyl-glycosides.

Dans un premier temps, pour mettre au point la réaction, cette déprotection a été étudiée sur chromatographie sur couche mince l’apparition d’une tache correspondant au produit de désacylation qu’est le 1-hydroxy-2,3,6,2’,3’,4’,6’-O-heptaacétylmaltose puis lorsque la réaction avance, la désacétylation complète se produit et par analyse RMN, le maltose est identifié comme étant le produit final de la réaction.

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Une explication proposée pour la non-sélectivité de la méthode est le non-encombrement en α de la fonction acyle de la chaîne carbonée. En effet, dans le cadre des saponosides (acyl-glycosides fréquemment rencontrés lors d’études sur les métabolites secondaires des plantes), le carbone en α est quaternaire et ne permet sans doute pas l’attaque nucléophile sur le carbonyle. Dans le cas présent, la différence structurale et spatiale est trop faible pour permettre à la méthode d’être sélective. Une autre méthode a donc été envisagée.

β) Déprotection enzymatique

La seconde méthode envisagée pour réaliser la déprotection sélective des acétates est une méthode enzymatique. L’intérêt d’une réaction enzymatique réside dans la spécificité de la reconnaissance structurale du substrat à hydrolyser. L’enzyme qui a été retenue pour notre étude est l’acétylestérase de peau d’orange [122] car elle a été décrite comme étant active sur des substrats sucres acétylés [123]. Cette enzyme n’étant pas disponible au moment de l’étude, nous l’avons extraite et purifiée au laboratoire.

Après l’extraction d’une acétylesterase (EC 3.1.1.6) de peaux d’oranges selon la méthode déprotection ne s’amorce pas tant que le substrat n’est pas solubilisé. De nouvelles conditions ont été mises en place avec un co-solvant. Le co-solvant choisi est le DMSO car il solubilise le D-glucose et le maltose peracétylé sans inhiber complètement l’enzyme. Après une semaine de réaction, les chromatographies sur couches minces montrent que l’hydrolyse des acétates a lieu. Pour autant l’undécylènate ne se solubilise pas dans le DMSO ce qui impose un changement de co-solvant. Le nouveau co-solvant choisi est le DMF.

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Figure 37 : Désacétylation partielle via l’acétylestérase

Après 15 jours de réaction, le suivi par chromatographie sur couche mince indique qu’une déprotection partielle a bien eu lieu mais conduit à un mélange complexe de produits de polarité supérieure. Une analyse par RMN montre la résistance de la chaîne grasse à l’hydrolyse mais aussi l’absence de 1-hydroxy-2,3,6,2’,3’,4’,6’-O-heptaacétylmaltose. Les

hypothèses qui peuvent être proposées pour expliquer ce résultat sont d’une part que la quantité d’enzyme mise en jeu dans la réaction n’est pas assez importante pour engendrer une cinétique plus rapide. D’autre part, en postulant que l’enzyme hydrolyse plus facilement les acétates portés par des carbones primaires, une migration des acétates du sucre terminal vers la position primaire est envisageable.

En effet, Queneau et collaborateurs ont montré qu’en milieu aqueux et/ou organique, en présence d’une base, les esters en positions C6’ étaient plus stables que ceux en C2 ou en C3 et qu’une migration des esters vers la position C6’ était observée [124]. Par ailleurs Waldmann et collaborateurs ont montré que l’enzyme est active sur le 6-O-acétyl-1,2 :3,4-di-O-isopropylidène-α-D-galactopyranose [123] puisqu’elle désacétyle en position 6 avec un très bon rendement de 73%. Dans le même temps, ils montrent qu’un D-glucose peracétylé donne exclusivement des produits déprotégés en position anomèrique après 20% de conversion et en position 1 et 2 après 40% de conversion. En aucun cas, ils ne retrouvent de 6-hydroxy dans le milieu malgré la capacité vérifiée de l’acétylestérase à hydrolyser l’acétate en position primaire. Il serait intéressant de voir si pour 60% de conversion ils trouveraient exclusivement du 1,2,3-trihydroxy-4,6-O-diacétylglucopyranose dans le milieu réactionnel en plus des deux premiers produits déjà observés.

Ceci vient tout à fait corroborer l’hypothèse proposée dans le cas de la déprotection de l’undécylènate consistant à dire que les acétates hydrolysés sur D-glucose terminal peuvent migrer jusqu’à la position primaire tandis que ceux du glucose réducteur ne le peuvent pas. De ce fait, et par la cinétique très lente de la réaction d’hydrolyse et celle de migration des acétates, un mélange de nombreux produits partiellement déprotégés est obtenu.

En raison des difficultés rencontrées dans la solubilisation du substrat, cette désacétylation n’a pas été réalisée sur des polysaccharides protégés, mais dans le cas d’une solubilité suffisante, il serait intéressant de regarder si, en conduisant cette déprotection sélective, on observerait une désacétylation sélective des carbones primaires ainsi que ceux du dernier D-glucose non-réducteur de la chaîne. De ce fait, la méthode consistant à réaliser le couplage en phase organique a été laissée de côté. Afin de s’affranchir ainsi des problèmes rencontrés au cours de la déprotection, la voie suivante développée est une méthode permettant de réaliser directement le couplage à partir de l’extrémité réductrice en milieu aqueux.