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Couplage d’un modèle d’endommagement et d’une zone cohésive 52

2.4 Modélisations de l’endommagement d’un matériau ductile

2.4.5 Dégradation surfacique de la matière par utilisation d’un modèle de zone

2.4.5.2 Couplage d’un modèle d’endommagement et d’une zone cohésive 52

Différentes méthodes ont été utilisées pour coupler un modèle d’endommagement et un modèle cohésif. Ces méthodes peuvent être regroupées en deux catégories détaillées ci-après :

• La construction d’une loi cohésive à l’aide d’un modèle d’endommagement • La superposition des deux modèles

Figure 2.4.11: Décharge de la zone cohésive "plastique" (en haut) et "élastique" (en bas) pour une séparation normale et tangentielle [Brocks et al., 2003]

2.4.5.2.1 Lois cohésives basées sur un modèle d’endommagement

Des simulations Eléments Finis peuvent être utilisées pour calibrer les paramètres de la loi cohésive. Par exemple, [Anvari et al., 2006] (présentée sur la figure 2.4.9 c) proposent par exemple de calibrer les paramètres de la loi cohésive de Tvergaard & Hutchinson à l’aide de simulations "unit cell" à partir d’un modèle GTN. Le principe est le suivant. Une matrice est modélisée par une "unit cell" avec un comportement élasto-plastique endommageable et est soumise à différents taux de triaxialité des contraintes. La dégradation volumique de la matière est modélisée à l’aide d’un modèle de type GTN. La réponse contrainte - déformation de la "unit cell" est alors simulée et utilisée comme loi de traction - séparation du modèle cohésif. Les paramètres du modèle cohésif sont alors ajustés pour correspondre au mieux au comportement de la unit cell. Cette technique a été appliquée à la propagation de fissure en dynamique (vitesse de chargement d’environ 3 m/s) dans un matériau ductile tel qu’un alliage d’aluminium de la série 6xxx. Cela leur a permis d’obtenir les paramètres de la loi cohésive en fonction du taux de triaxialité des contraintes.

Par la suite, l’idée de [Scheider, 2009] est de décomposer la réponse de la unit cell en une partie correspondant uniquement à la déformation plastique sans endommagement et une autre contenant les effets de l’endommagement. Cela lui a permis d’améliorer la calibration des paramètres de la loi cohésive avec les résultats de la simulation numérique avec le modèle GTN. L’approche précédente nécessite de se donner une loi cohésive a priori puis de trouver les

valeurs adéquates pour ses paramètres. [Cazes et al., 2009] définissent un cadre thermodynamique pour le modèle cohésif à travers une énergie libre. Ce potentiel thermodynamique dépend du saut de déplacement, de la température et d’autres variables internes. En se donnant un modèle non local d’endommagement et un modèle cohésif dont la loi cohésive est inconnue a priori, ils montrent l’égalité des dissipations d’énergie d ˆφs à la rupture par la zone cohésive d’une part et par l’endommagement d’autre part. Cette égalité est utilisée pour calculer l’incrément de dissipation du modèle cohésif et construire la loi cohésive à partir du modèle non local d’endommagement. (Figure 2.4.12).

Figure 2.4.12: Construction incrémentale de la loi cohésive à partir de l’incrément de dissipation

d ˆφs [Cazes et al., 2009]

2.4.5.2.2 Superposition d’un modèle cohésif et d’un modèle d’endommagement

Un autre couplage consiste à utiliser un modèle d’adoucissement volumique pour décrire les premières phases de l’endommagement, puis d’introduire un modèle cohésif afin de dissiper le restant d’énergie jusqu’à la rupture.

Des auteurs comme [Tamayo-Mas et Rodríguez-Ferran, 2014] utilisent un modèle non local pour décrire l’évolution d’une variable d’endommagement D jusqu’à une valeur critique Dc. Le champ de déplacement est alors continu. Lorsque D atteint Dc, un saut de déplacement et une zone cohésive sont introduits dans le maillage. Les paramètres de la loi cohésive sont ajustés à partir d’une estimation de l’énergie restant à dissiper pour créer de nouvelles surfaces (qui correspond à la différence entre l’énergie de rupture et l’énergie déjà dissipée par le modèle d’endommagement). Le rôle du modèle cohésif est de dissiper cette énergie restante, jusqu’à la rupture complète.

La transition d’un modèle d’endommagement à une zone cohésive a été également proposée par [Wolf et al., 2018]. L’idée est d’utiliser un modèle GTN pour simuler la croissance de pores et un modèle de zone cohésive pour la phase de coalescence lors de la modélisation de la propagation d’une fissure dans un milieu ductile. L’apparition de la fissure se fait alors naturellement quand les efforts cohésifs tombent à zéro lorsque l’ouverture de la zone cohésive a atteint sa valeur critique. Cette combinaison entre modèle d’endommagement et modèle cohésif paraît alors adaptée à la phénoménologie de l’endommagement ductile dans le matériau.

Un approche similaire est proposée dans [Brancherie et Ibrahimbegovic, 2009]. Un modèle d’endommagement volumique continu est utilisé pour décrire les micro-cracks. Un modèle

d’endommagement surfacique discret permet d’introduire un saut de déplacement (discontinuité forte) dans une maille. Des efforts cohésifs sont appliqués dessus. Le passage du modèle continu au modèle discret est déclenché par l’activation de d’un critère en contrainte principale. Un caractère anisotrope est introduit afin de ne faire croître l’endommagement qu’en traction. Ici encore, un modèle d’adoucissement volumique est utilisé pour représenter l’endommagement diffus, et une discontinuité forte sur laquelle s’applique des efforts cohésifs est introduite pour représenter cette localisation de la déformation. Cette dernière est prise en compte par une anisotropie au niveau de la maille "rompue" (suite à l’introduction d’un saut de déplacement dans cette maille), plutôt que dans le modèle de comportement volumique.

[Lé et al., 2018] ont aussi combiné endommagement et modèle cohésif à travers la TLS, donnant ainsi lieu à la TLS V2 (pour Thick Level Set, 2ème version). L’évolution de l’endomma-gement et le modèle cohésif sont représentes sur la même fonction distance signée. La variable d’endommagement évolue de 0 à une certaine valeur dc entre les iso-valeurs φ = 0 et φ = l1. Le modèle cohésif est introduit entre les iso-valeurs l1 et lc. La figure 2.4.13 illustre la construction de la TLS V2 (c) à partir de la TLS (b) et du modèle cohésif (a). Sur cette figure, les flèches représentent les efforts cohésifs s’appliquant sur les bords de la discontinuité. La zone en gris clair correspond à un comportement adoucissant dans le volume, contrôlé par la fonction distance signée φ.

Figure 2.4.13: Représentation schématique du modèle cohésif, TLS V1 et TLS V2 qui combine la TLS (ancienne version) et le modèle cohésif, tirée de [Lé et al., 2018]

Les modèles d’endommagement permettent d’initier facilement les discontinuités et de traiter des topologies de fissures complexes mais la cinématique de la fissure est mal représentée. A côté de cela, les modèles cohésifs sont capables de représenter la cinématique discontinue de la fissure, mais les branchements ou coalescence de fissures sont complexes à mettre en oeuvre. Cette association permet de combiner les avantages des deux méthodes TLS et modèle cohésif, chacune palliant (au moins partiellement) les inconvénients de l’autre. Il est donc intéressant de combiner ces deux méthodes.

Les modèles de dégradation de la matière (volumique ou surfacique) doivent être couplés à une modélisation numérique de la rupture. Cela passe par la définition d’une cinématique pour

la rupture (introduction d’un saut de déplacement ou non). Des méthodes numériques doivent également être mises en place pour simuler numériquement la localisation de la déformation. C’est l’objet de la partie suivante.

2.5 Modélisations et traitements numériques de la

rup-ture

Cette partie présente les différents choix de cinématique de la rupture (continue ou discontinue) et expose les principaux modèles numériques pour la représenter.