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5. Interconnexions

5.2. Sujets spéciaux

5.2.2. Couplage de marchés basé sur les flux dans la région CWE

Motivation

93. Depuis mai 2015, le Flow Based Market Coupling (FBMC) a remplacé la méthode ATC pour gérer l'utilisation de la capacité d'interconnexion pour le couplage de marchés day-ahead dans la région Centre Ouest Europe (CWE). Le FBMC est sélectionné parce qu'il est potentiellement plus efficace que l'ATC. La mise en œuvre du FBMC à d'autres frontières européennes est en cours de développement (ex. CORE) ou d'étude.

94. La mise en place d'un marché européen unique de l'énergie est basée sur le couplage de marchés. L'utilisation efficace de la capacité transfrontalière est un élément clé pour atteindre cet objectif. L'utilisation commerciale de la capacité d'interconnexion comprend deux éléments clés : le calcul de la capacité et l'attribution de la capacité. Le calcul de la capacité détermine quel volume de la capacité est disponible pour l'échange commercial ; on considère qu'il s'agit d'une tâche principale des gestionnaires des réseaux de transport. L'attribution de la capacité définit comment cette capacité est attribuée aux acteurs du marché et est considérée comme étant déterminée par le marché d'une manière compétitive et non discriminatoire.

95. Le calcul de la capacité et l'attribution de la capacité sont réalisés en deux étapes consécutives.

Avec la méthode ATC, les GRT calculent le volume de la capacité disponible pour les importations et les exportations à chaque frontière individuelle. Cela peut être réalisé de manière bilatérale, autrement dit par les deux GRT partageant la frontière ou au niveau régional, c'est-à-dire par tous les GRT de la région de calcul de la capacité (Capacity Calculation Region (CCR)), outre les capacités réellement nominées pour les importations et les exportations résultant des enchères de marché explicites. Cette méthode est toujours utilisée dans la région CWE dans le couplage de marchés intraday et à toutes les frontières européennes hors CWE.

96. La méthode ATC est constitutive d’un conservatisme significatif. La principale raison se situe à l'étape visant à déterminer la capacité commerciale disponible à une frontière spécifique, l'ensemble des échanges commerciaux sur les autres frontières n'étant pas encore connu. Cela intervient pour le calcul de la capacité. Les échanges commerciaux donnent lieu à des flux physiques qui utilisent tout le réseau, suivant le parcours de la plus faible résistance (lois de Kirchhoff). Ces flux physiques peuvent augmenter la capacité pour les échanges commerciaux dans une direction, et la faire baisser dans l'autre direction. On ne peut donc pas simplement affirmer que la capacité physique d'une ligne d'interconnexion entre deux marchés adjacents est la capacité disponible pour les échanges commerciaux. On doit tenir compte de l'impact physique sur le réseau de tous les échanges commerciaux qui ont lieu en même temps. Pour des raisons de sécurité du réseau, la capacité commerciale accordée au marché par les GRT avec l'ATC équivaut à la plus petite capacité résultant de toutes les séries d'échanges possibles.

97. Avec le FBMC, en revanche, l'ensemble des échanges commerciaux entre les différentes zones de dépôt des offres est défini (et optimisé) simultanément en tenant compte de l'impact des échanges commerciaux sur l'ensemble du bien-être social d'une part, et sur l'utilisation physique du réseau d'autre part. En comparaison avec l'ATC, le Flow Based Market Coupling (couplage de marchés basé sur le flux, FBMC) réduit l'incertitude liée aux échanges commerciaux entre les zones et permet de créer des synergies via des combinaisons d'échanges. De cette manière, on peut atteindre une utilisation moins conservatrice et plus efficace de la capacité du réseau de transmission existante.

98. L'utilisation du FBMC pour optimiser les échanges interzonaux annule l'incertitude quant aux flux physiques liés aux échanges commerciaux aux frontières interzonales CWE. L'incertitude sur les flux physiques liés aux échanges commerciaux dans les zones, c'est-à-dire les flux domestiques et les

flux de bouclage, est toutefois toujours présente. Cette incertitude est inhérente au choix d'un type de marché zonal dans le modèle cible européen. Par contre, avec un modèle de marché nodal, il n'y a pas

« d'échanges internes » : tous les échanges commerciaux entre une paire de nœuds sont rendus explicites, et c'est donc aussi le cas de l'impact physique sur le réseau. De cette manière, l'ensemble de tous les échanges commerciaux peut être optimisé simultanément et toutes les contraintes du réseau peuvent être prises en considération. Le modèle du marché zonal peut approcher l'efficacité du modèle nodal en présentant des zones de dépôt des offres plus petites et définies de manière appropriée. Une telle configuration zonale adéquate est un pré requis pour atteindre les objectifs multiples (et parfois considérés comme étant conflictuels) d'une gestion de réseau sûre, efficace, basée sur le marché, et non discriminatoire.

Description mathématique du problème d'optimisation

99. Le FBMC optimise l'utilisation de la capacité transfrontalière de telle manière que le bien-être social de la région CWE dans son ensemble qui découle du couplage de marchés day-ahead est maximisé. Mathématiquement, cela est formulé comme un problème d'optimisation afin de maximiser le bien-être social, traduit dans une fonction objective ; et la condition pour une opération sûre du réseau étant traduite dans un ensemble de contraintes du réseau. Le marché fournit les courbes d'offre de la demande et de l'offre horaires pour évaluer la fonction objective, alors que les GRT fournissent l'ensemble horaire des contraintes du réseau. Les résultats de l'optimisation sont les suivants :

- la Net Exchange Position de chaque zone de dépôt des offres,

- le prix d'équilibre du marché day-ahead dans chaque zone de dépôt des offres, - le coût virtuel de la (des) contrainte(s) du réseau actif (cf. §104).

100. L'algorithme d'optimisation cherche l'ensemble optimal de Net Exchange Positions NEP*, c'est-à-dire l'ensemble des NEP qui maximise le bien-être social pour les contraintes de réseau et l'adéquation donnée. La description mathématique est la suivante (avec les variables décrites ci-dessous) :

Objectif :

max (Bien-être social(NEP)) [Eq. 1]

Sujet à la contrainte d'adéquation :

Sum(NEP)=0 [Eq.2]

Et sujet à l'ensemble des contraintes du réseau

Sum(PTDF*NEP)<=RAM pour tous les CBCO dans l'ensemble CBCO [Eq.3]

Le bien-être social [Eq.1] est défini comme étant la somme du surplus du consommateur CWE (CS), du surplus producteur CWE (PS) et des rentes de congestion totales (CR), qui sont tous fonction de l'ensemble du NEP :

max (Bien-être social(NEP)) = max(CS(NEP)+PS(NEP)+CR(NEP)) [Eq.4]

La contrainte d'adéquation [Eq.2] assure qu'à tout moment, la somme des volumes importés et exportés est égale.

Les contraintes du réseau [Eq.3] assurent que les échanges commerciaux interzonaux n'entraînent pas de surcharge thermique sur l'une des lignes de transfert incluses dans l'ensemble CBCO. La charge de ligne découlant d'un ensemble de NEP est calculée à l'aide de Power Transfer Distribution Factors (PTDF). La Remaining Available Margin (RAM) est la capacité de ligne qu'il reste après avoir déduit les flux de référence et les marges de sécurité (cf. plus loin). Un CBCO est un élément de réseau ou une

« branche critique » (CB) sous une certaine condition N ou N-1 ou « arrêt critique » (CO).

Les GRT peuvent aussi définir une limite explicite à leur position d'échange net zonal. Ces « contraintes externes » sont écrites dans le format de l’[Eq.3] en définissant la valeur RAM égale à la limitation d'importation ou d'exportation et le facteur PTDF concerné pour la zone égale à 1 (ou -1) ; et tous les autres facteurs PTDF à zéro.

101. Les contraintes [Eq.2 – Eq.3] définissent le « domaine basé sur le flux ». Ce domaine définit toutes les solutions réalisables, c'est-à-dire les ensembles de NEP qui respectent les contraintes.

L'algorithme d'optimisation cherche l'ensemble de NEP qui maximise la fonction objective dans ce domaine basé sur le flux.

102. Actuellement, la région CWE se compose de quatre zones de dépôt des offres. En raison de la contrainte d'adéquation [Eq.2], il y a donc trois NEP indépendants à optimiser et donc, le domaine basé sur le flux est un espace tridimensionnel.

103. La Figure 53 et la Figure 54 illustrent l'idée du FBMC. Elles illustrent une tranche bidimensionnelle d'un domaine basé sur le flux (hypothétique) et les lignes d'altitude de la fonction objective. Dans le « cas non congestionné », le marché s'équilibre dans le domaine basé sur le flux (Figure 53). Dans le « cas congestionné », la solution touche au moins une des contraintes du réseau (Figure 54). Étant donné que le bien-être social aurait pu être supérieur sans contrainte, un coût d'opportunité ou « coût virtuel » est associé à une contrainte active.

Figure 53 : Illustration du Flow Based Market Coupling dans le cas non congestionné. La combinaison des Net Exchange Positions (NEP) qui maximise la fonction objective du bien-être social se situe dans le domaine basé sur le flux. La convergence totale des prix entre les différentes zones de prix est atteinte

Source : CREG

Figure 54 : Illustration du Flow Based Market Coupling dans le cas congestionné. La combinaison des Net Exchange Positions qui maximise la fonction objective du bien-être social se situe en dehors du domaine basé sur le flux. L'optimisation cherche la solution dans le domaine basé sur le flux qui est la plus proche de ce maximum, touchant une (ou plusieurs) contrainte(s) du réseau. Ce sont les branches critiques actives - arrêts critiques (CBCO) pour cette heure. Il n'y a pas de convergence de prix complète. Le prix virtuel (€/MW) associé au CBCO actif reflète la perte marginale du bien-être social résultant de la limitation de l'échange transfrontalier.

Source : CREG

104. Le coût virtuel (exprimé en €/MW) associé à une contrainte active est défini par l'inclinaison de la fonction objective au point d'équilibre du marché, c'est-à-dire l'augmentation marginale du bien-être social (exprimée en €) pour une augmentation marginale de la capacité sur cette contrainte (exprimée en MW). Dans le cas non congestionné, l'inclinaison de la fonction objective au point d'équilibrage du marché est zéro. Il n'y a pas de contrainte active et donc pas de coûts virtuels.

105. La taille et la forme du domaine basé sur le flux dépendent des contraintes de réseau introduites.

En général, plus il y a de capacité disponible sur les CBCO introduits, plus la taille du domaine basé sur le flux est grande. À la limite d'un réseau (plaque de cuivre), le domaine basé sur le flux est infini et le marché peut toujours s'équilibrer à l'ensemble de NEP qui maximise le bien-être social. À la limite sans capacité disponible, le domaine basé sur le flux est vide et aucun échange transfrontalier n'est possible.

La réalité se trouve entre les deux. Tout d'abord, la capacité d'interconnexion physiquement disponible n'est pas infinie et est limitée par sa capacité de ligne thermique. Ensuite, toute la capacité physique n'est pas disponible pour les échanges transfrontaliers pour trois raisons principales. La première raison est le critère N-1 qui requiert que la capacité donnée au marché envisage toujours l'arrêt possible de l'un des éléments du réseau (cf. aussi le paragraphe 88). La seconde raison est une conséquence du choix d'un modèle de marché zonal. Un modèle de marché zonal implique que le couplage de marchés commence d'un cas de base avec les échanges domestiques dans la zone répondant à la demande zonale. Ces échanges domestiques comprennent des flux physiques dans la zone (« flux domestiques ») et en dehors de la zone (« flux de bouclage »). Les flux qui résultent de tous les échanges domestiques dans l'ensemble des zones sont les « flux de référence ». Étant donné qu'ils sont présents dans le cas de base avant le couplage de marchés, les flux de référence bénéficient d'un accès prioritaire au réseau de « préchargent » les lignes. La troisième raison est aussi liée au modèle de marché zonal : les échanges domestiques dans une zone sont (actuellement) associés à des informations limitées sur l'endroit et le volume de la production et/ou la consommation. Une partie de la capacité de la ligne est réservée pour compenser cette incertitude de localisation.

NEP B

The NEPs are smaller than in the uncongested case.

106. La méthodologie pour la sélection et la caractérisation des contraintes du réseau est décrite par les GRT dans le pack d'approbation FBMC (« FBMC Approval Package »). Le résultat est un ensemble d'équations linéaires pour chaque heure de la journée, définissant le domaine basé sur les flux pour cette heure, chaque CBCO étant caractérisé par sa marge disponible restante (Remaining Available Margin, RAM, en MW) et l'ensemble des facteurs de distribution du transfert d'énergie (Power Transfer Distribution Factors, PTDF, en MW/MW) (cf. Éq. 3). Nous allons aborder ci-dessous la RAM, les PTDF et la sélection de l'ensemble CBCO.

107. La RAM dans [Éq. 3] est la capacité disponible pour les échanges transfrontaliers day-ahead, calculée comme suit :

RAM = Fmax – Fref’ - FRM - FAV [Éq.5]

Avec

Fref’ = Fref0 + Fref_LTN [Éq.6]

c'est-à-dire la capacité disponible sur un CBCO après déduction des flux de référence à solde nul (Fref0, en MW) et de la marge de fiabilité des flux (FRM, en MW) de la capacité de ligne thermique (Fmax, en MW). Les flux résultant des nominations des droits de transmission à long terme du type PTR (Fref_LTN, en MW) sont aussi pris en considération. La valeur d'ajustement des flux (Flow Adjustment Value, FAV, en MW) est une valeur que les GRT peuvent introduire pour augmenter ou diminuer la RAM sur la base d'une action spécifique du GRT.

108. L'ensemble des PTDF dans l’[Éq.3] sont les zones à hub PTDF qui estiment le changement dans la charge d'une ligne sur un CBCO en réponse à un changement dans la position d'échange nette (Net Exchange Position) d'une zone. Étant donné qu'il y a 4 zones dans la région CWE pour l'instant, chaque CBCO compte 4 zone à hub PTDF, illustrant la charge de la ligne suite à un changement dans la NEP de chacune des zones.

PTDF = [PTDF_z1-h, PTDF_z2-h, PTDF_z3-h, PTDF_z4-h] [Éq.7]

La topologie du réseau et les résultats prévus du marché déterminent les zones à hub PTDF :

PTDF = GSK_z-n * PTDF_n-h [Éq.8]

La matrice PTDF nodale (PTDF_n-h) représente la topologie du réseau de la CWE et reprend toutes les informations sur les nœuds et les éléments du réseau pour réaliser un calcul du flux de puissance DC.

La matrice des clés de calcul de la variation de la production (Generation Shift Keys matrix (GSK_z-n)) comprend les GSK (en MW/MW) de toutes les zones, et définit le changement estimé dans la production (en MW) de chaque nœud du réseau en réponse à un changement dans la NEP zonale (en MW).

109. Actuellement, tous les CBCO avec au maximum un PTDF zone à zone d'au moins 5 % peuvent être introduits en tant que contrainte du réseau dans l'ensemble CBCO (Éq. 3). Le PTDF zone à zone est calculé comme suit :

Max PTDF_z-z = Max (PTDF_zi-h) – Min (PTDF_zi-h) avec i = 1:Z (Z = nombre de zones) Ce seuil de 5 % indique qu'il y a au moins une paire de zones où un échange de 1.000 MW débouche sur un changement de 50 MW dans la charge d'une ligne.

110. Avant le couplage de marchés, les GRT vérifiaient si le volume basé sur le flux était assez grand pour couvrir tous les échanges possibles liés aux droits de transfert alloués à long terme (LTA). À cette

fin, les GRT ont développé le domaine des LTA, sur la base des capacités allouées à long terme aux enchères annuelles et mensuelles. Si un coin du domaine des LTA tombe en dehors du domaine basé sur les flux initiaux, ce dernier augmente. Ce phénomène est illustré à la Figure 55.

La RAM sur le(s) CBCO(s) restreint(s) est accrue en appliquant un FAV négatif (cf. Éq. [5]) ou elles sont remplacées par des CBCO virtuels tels que tous les coins de la baisse du domaine des LTA sont inclus dans le domaine basé sur les flux. Cette « inclusion des LTA » assure que les échanges day-ahead peuvent couvrir toutes les capacités allouées à long terme. Elle assure l'adéquation financière, puisque dans ce cas, les rentes de congestion découlant du couplage de marchés day-ahead suffisent pour rémunérer tous les détenteurs de droits de capacité à long terme. Si le marché se dégage dans une partie du domaine basé sur le flux, qui avait virtuellement été augmenté suite à l'inclusion des LTA, cet événement est qualifié de violation des LTA.

Figure 55 : L'inclusion des LTA assure une adéquation financière pour la rémunération des détenteurs de capacité à long terme en augmentant le domaine basé sur le flux si le domaine basé sur le flux n'est pas assez grand pour couvrir toutes les capacités allouées à long terme (domaine des LTA)

Source : CREG

111. L'actuelle règle de sélection des CBCO (§109) ne fait pas la distinction entre les lignes d'interconnexion (lignes transfrontalières) ou les lignes internes (dans la zone) et ne définit pas les conditions en matière de RAM. Ce point fait l'objet de discussions entre les NRA de la CWE et les GRT de la CWE, car il permet au GRT d'inclure les lignes internes hautement préchargées (avec peu de RAM) dans le FBMC. Les résultats de suivi du FBMC indiquent que cette menace s'est matérialisée : les lignes internes hautement préchargées ont sérieusement réduit le domaine basé sur le flux, appelant à de nombreuses heures d'inclusion des LTA et à la limitation de l'échange transfrontalier dans la majeure partie des heures de congestion (cf. Point 5.3).