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LA COTE NORD DU SAINT-LAURENT I. Caractères généraux

Dans le document NATURALISTE CANADIEN (Page 40-52)

Québec, février-mars 1942•

40 LA COTE NORD DU SAINT-LAURENT I. Caractères généraux

TOPOGRAPHIE

Au point de vue topographique, la Côte Nord, entre Bersimis et Matamec, se divise en plusieurs tronçons assez distincts.

C'est d'abord celui qui va de la rivière Bersimis à la rivière Mani-couagan. Il est caractérisé par une immense plaine de sable qui se trouve à l'embouchure de trois grandes rivières : la Bersimis, l'Outardes et la Manicouagan. Cette plaine s'étend sans

discon-9 L Ou-tardes et Manicouagan, elle forme la presqu'île du Manicouagan, d'une superficie de plus de 75 milles carrés. Au nord de cette plaine s'élève le plateau Laurentien. A l'endroit où la presqu'île du Manicouagan fait saillie vers le Saint-Laurent, le rebord laurentien est à 10 milles du littoral. Dans tout ce tronçon, les

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LA COTE Solin »V SAINT-LAURENT 41 plaine de sable, marécageuse en général, longeant le Saint-Laurent sur une largeur variant de 2 à 8 milles et se continuant (l'une manière presque ininterrompue jusqu'à la rivière Matamec, soit sur une distance de 100 milles. Presque tout le long de ce tron-çon, la côte elle-même est sablonneuse, et des grèves d'une beauté incomparable s'avancent souvent bien loin dans le Saint-Laurent;

en quelques endroits, la côte est. rocheuse, formée des affleure-ments les plus bas du promontoire laurentien qui domine la plaine.

On trouve cette côte rocheuse de la Pointe (k Monts aux Islets Caribou et de Pentecôte à la Pointe Ste-Marguerite. Ces en-droits sont caractérisés par une profusion de petits îlots rocheux et de cayes partiellement inondées, lieux dangereux pour la navi-gation, mais offrant aussi des abris excellents aux petites embar-cations des pêcheurs qui connaissent bien la côte. Il existe dans ce tronçon quelques archipels de dimensions plus considérables;

ce sont: l'archipel de la Pointe de Monts, l'île aux Oeufs, les Caouis, les îles de Mai et les Sept-lies.

Trois provinces physiograpltiques se partagent la Côte Nord, à savoir: le plateau Laurentien, la plaine Champlain et

42 LA COTE NORD DU SAINT-LAURENT niveau du Saint-Laurent pour disparaître presque aussitôt sous le sable de la plaine; tantôt encore ils pointent à faible hauteur

FIGURE 2.—Coupe transversale schématique de la Côte Nord.

La faible altitude des contreforts permettait à la mer Cham-plain d'inonder ceux-ci presque complètement. C'est la raison pour laquelle ils sont aujourd'hui partiellement cachés sous une accumulation de sédiments meubles. Les contreforts affleurent seulement là où des buttes émergeaient de la mer Champlàin et là où une érosion récente les a découverts (fig. 2). Les sédi-ments Champlain constituent ces immenses plaines déjà men-tionnées dans lesquelles les rivières actuelles ont façonné leurs terrasses.

Au voyageur qui longe la côte à quelques milles au large, la bordure des Laurentides apparaît tantôt comme un seuil noir,

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inglistinet, lointain: tantôt, quand elle se rapproche du fleuve.

comme un gradin géant, conduisant du deuxième étage, celui de la plaine côtière, au troisième, celui du plateau: tantôt enfin comme la muraille d'une forteresse imprenable baignée par les flots. La plaine Champlain se présente sous forme d'une énorme plate-forme monotone ou sous forme d'une ou de deux terrasses superposées dont il voit, de ci, de là, surgir une petite butte arron-die. Parmi ces buttes des contre-forts se trouvent des points de repère bien connus (les navigateurs de la côte, tels les Jambons de la Pointe Ste-Marguerite et les îles des archipels: la presqu'île du Marconi, dans l'archipel des Sept-lies, monte à la cote excep-tionnelle (le 736 pieds. Les chapelets d'îlots, l'autre forme (les contreforts, échappent à l'oeil du voyageur, tellement ils se con-fondent avec la côte: seuls les archipels, plus grands, attirent son attention.

Les affluents du Saint-Laurent. venant du plateau Latt-rentien, recoupent à angle droit le seuil qui sépare ce dernier de la plaine côtière. Si la rivière coule dans une vallée

pré-pléis-tocène, elle franchit le seuil sans accident; car dans ce cas, sa vallée est creusée dans le seuil jusqu'au niveau de base; si, d'autre.

part, la vallée est récente, post-Champlain, la rivière culbute du plateau dans la plaine côtière en une série de chutes imposantes.

A la première catégorie appartiennent toutes les grandes rivières de la région, telles que la Bersimis, la rivière aux Outardes, la Manicouagan, la Godbout, la Trinité, la Pentecôte, la Ste-N11 arguerite et la Moisie. Elles coulent toutes, au moins sur le plateau, dans d'anciens lits très profonds et plats, qu'elles avaient déjà occupés avant l'invasion glaciaire du quartenaire et dont. elles • reprirent possession après la retraite de la mer Champlain. Une seule de ces rivières, la Bersimis, occupe actuellement son ancien lit en aval du seuil et coule tranquillement. à travers la plaine côtière jusqu'à son embouchure. Les autres, quoiqu'occupant d'anciennes vallées sur le plateau, présentent de nombreuses chutes sur leur parcours à travers la plaine côtière jusqu'au fleuve.

La raison en est qu'elles n'ont plus retrouvé leurs anciens lits dans

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la région des contre-forts, qui avaient été envahis par la mer Champlain. Les sédiments déposés dans cette mer et qui cons-tituent nos plaines actuelles, avaient rempli toutes les anciennes vallées. Il est facile de comprendre que les rivières, se reformant après la retraite de la mer, aient eu beaucoup plus de chances de manquer leur ancien lit que de le retrouver; c'est pourquoi les rivières qui suivent un lit imposé sont beaucoup plus nombreuses dans la région que celles qui, de leur source jusqu'au fleuve, suivent leur lit prépléistocène.

Les rivières à lit imposé sont très pittoresques en aval du seuil laurentien, où' elles ne sont évidemment pas navigables.

Leurs chutes, au bord même du fleuve (fig. 3), sont trop hautes

FIGURE 3.—Chute à l'embouchure de la Rivière Manicouagan.

pour laisser remonter le saumon, sauf dans le seul cas de la rivière Moisie. Des centrales hydroélectriques captent, en maints endroits, l'énergie des chutes, comme aux rivières Outardes, Franquelin, Godbout, Trinité, Rochers et Ste-Marguerite.

Presque toutes les rivières plus petites appartiennent à la deuxième catégorie: elles suivent un lit très récent, aussi bien sur

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LA COTE NORD DU SAINT-LAURENT 45 le plateau qu'à travers la plaine côtière; et elles dévalent du seuil laurentien en une série de cascades. La rivière des Rosiers, la St-Nicolas, la Petite-Trinité, la Calumet, la rivière des Rapides, la Matamec, en offrent les plus beaux exemples. La grande jeunesse de leur lit est mise en évidence par une constatation très générale et frappante: dans ces chutes, souvent hautes de plus de 200 pieds, l'eau, avant de se précipiter dans le gouffre s'étend en une mince couche sur la surface de la roche, polie par les glaciers, autrement dit, le résultat de l'érosion y est pratique-ment nul; elle n'a même pas eu le temps d'enlever le poli

super-FIGURE 4.—Vallées prépléistocènes.

ficiel que le glacier avait donné à la roche. D'autres rivières, cependant, qui possèdent une force érosive plus considérable, ont déjà effectué un travail d'érosion remarquable depuis qu'elles occupent ce lit, c'est-à-dire depuis la retraite de la mer Champlain et elles s'écoulent dans de petites gorges telles que les rivièreà Matamec, la rivière des Rapides, la Papinachois et autres.

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Il est souvent facile de localiser l'ancien lit d'une rivière, caché sous les sédiments Champlain. Par exemple, la rivière Moisie, à 13 milles en ligne droite de son embouchure, là où elle commence sa descente tumultueuse dans un lit imposé, reçoit un affluent, la rivière Daigle (fig. 4). Ce dernier, qui n'est à propre-ment parler qu'un petit ruisseau, occupe une vallée démesurépropre-ment large, flanquée des deux côtés de parois verticales de roches très dures de 200 à 300 pieds de haut. Ce n'est certainement pas ce petit ruisseau à allure paresseuse qui a creusé une vallée aussi impressionnante. On y reconnaît le lit pré-pléistocène de la Moisie, où la Daigle coule aujourd'hui en sens inverse de l'an-cienne Moisie.

Un autre exemple est celui de la rivière des Rapides. En amont du Deuxième lac des Rapides (fig. 4), un affluent, la rivière Desmeules, lui arrive par une vallée large et plate, ne pré-sentant pas de grandes chutes et dont le fond consiste en sédi-ments meubles. La rivière des Rapides, au contraire, rachète par une série de cascades successives une différence de niveau de plus de 500 pieds sur une distance de moins d'un mille: elle occupe un lit récent, tandis que la rivière Desmeules coule dans un lit pré-pléistocène. Le Deuxième lac des Rapides est la continua-tion de cet ancien lit pré-pléistocène, lequel se retrouve encore en aval, dans la vallée ensablée d'un affluent venant du sud-est, la rivière Deschènes.

GÉOLOGIE

Le tableau 1 montre la succession des formations géologi-ques rencontrées dans la région.

Abstraction faite de quelques lambeaux de roches paléo-zoïques, on peut dire que toutes les roches dures de la Côte Nord sont précambriennes. Certaines de ces roches sont d'origine sédimentaire et furent métamorphisées au cours des temps pré-cambriens; les géologues les groupent dans la série de Grenville.

Ces anciens sédiments furent envahis par des intrusions que l'on

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TABLEAU I

SUCCESSION DES FORMATIONS GÉOLOGIQUES GROUPES FORMATIONS DESCRIPTIONS LITHOLOGI QUES

Quaternaire

Moraines, blocs erratiques, etc.

Longue période d'érosion, du primaire au tertiaire.

Primaire

Pentecôte Granite rouge; pegmatite à mica

Contact intrusif

Gneiss granitique; gneiss teillé, ' pegmatite, aplite

Contact intrusif

Série de Grenville Paragneiss; quartzite; calcaire cristallin; pyoxénite, amphibolite.

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trouve aujourd'hui sous forme de gneiss granitiques, couramment.

désignés comme laurentiens. Plus tard, mais toujours au pré-cambrien, tous deux furent envahis par des intrusions (le compo-sition très variable, qui ont donné naissance à toute une gamme (le roches allant du granite au gabbro et à l'anorthosite de la série de Morin.

On trouve aussi, sur la Côte Nord, certaines intrusions plus récentes que la série de Morin, mais dont l'âge exact ne peut être précisé. Ce sont: d'ume part, des dykes de diabase et de petits massifs de gabbro et, d'autre part, un massif granitique, qui affleure près de l'église de Pentecôte et ailleurs.

Au point de vue géologique, la Côte Nord occupe la zone marginale méridionale du bouclier Canadien. Il est possible que le bouclier Canadien ait, lui aussi, subi une invasion marine au cours de certaines époques paléozoïques, pendant lesquelles il reçut une couverture, d'épaisseur et (l'extension inconnues, de sédiments semblables à ceux qui forment aujourd'hui les roches de la Côte Sud et les roches de Québec, de Sillery, etc. On en trouve quelques vestiges le long de la Côte Nord décrite ici, particulièrement à la Pointe Carrier, près de Pentecôte, et à la Caye-à-Chaux, rocher de l'archipel des Sept-lies (fig. 5).

Les formations secondaires et tertiaires font complètement défaut dans tout l'Est canadien, c'est-à-dire que le plateau Lau-rentien étudié ici est resté émergé pendant au moins une partie du primaire et pendant toute la durée du secondaire et (lu ter-tiaire. Pendant cet énorme laps de temps, les Laurentides furent érodées jusqu'à devenir un plateau, dans lequel les rivières creu-sèrent leurs vallées jusqu'au niveau de base.

A la fin (lu tertiaire, au pliocène, un fort soulèvement du continent américain amena une glaciation qui ne tarda pas à en affecter toute la partie nord. Les traces (lu glacier sont très nombreuses sur la Côte Nord. Sous le poids de son fardeau de glace, le plateau Laurentien s'enfonça graduellement, ce qui LE NATURALISTE CANADIEN, Vol LX1X, Nos 2 et 3, février-mars 1942.

LA COTE NORD DU SAINT-LAURENT 49 facilita la fusion de la glace. La disparition de celle-ci permit à la mer Champlain de s'avancer sur le continent et d'en envahir les vallées. Mais peu à peu, le continent, débarassé de sa charge de glace, s'exonda et la mer se retira jusqu'à ses confins actuels, laissant derrière elle ces immenses plaines de sable et de glaise que nous rencontrons aujourd'hui dans les vallées du Saint-Lau-rent et de ses tributaires. Le mouvement de soulèvement du plateau continue encore de nos jours.

FIGURE 5.—Caye-à-Chaux, Sept-11es.

ETHNOGRAPHIE

Je n'ai pas l'intention de traiter en détail l'ethnographie ni la géographie humaine de la Côte Nord. Il existe sur ce sujet plusieurs publications récentes. Signalons le travail très com-plet d'E. Rochette, l'oeuvre monumentale de R. Blanchard, le livre incomparable du héros de la Côte Nord, N.-A. Comeau, ainsi que les nombreux articles des journalistes contemporains, entre autres Damase Potvin, G.-E. Marquis et J.-C. Bherer.

Le tronçon de la Côte Nord décrit ici est le plus peuplé.

Ceci est dû surtout à l'exploitation forestière intense qui, depuis

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un grand nombre d'années, se fait Mans cette région, véritable zone industrielle de la ('ôte Nord.

Les centres d'exploitation forestière, mentionnés dans l'ordre géographique, sont les suivants:

Papinaehois, autrefois exploité par la Brown Corporation, aujourd'hui abandonné;

Baie Comeau, on la Quebee North Shore Paper Company produit du papier à journal;

Franquelin (Ontario Paper Company) qui expédie du bois écorcé à Thorold, Ont.;

Saint-Nicolas, abandonné depuis plusieurs années;

Godbout (St. Regis Paper Company) d'où l'on expédie du bois écorcé à Cornwall, Ont.;

Baie-Trinité (St. Lawrence Paper Company) qui expédie du bois écorcé à Trois-Rivières;

Pentecôte (International Paper Company), fermé depuis plusieurs années;

Iles-de-Mai, abandonné depuis longtemps;

Baie de l'Abri (Ontario Paper Company) qui expédie du bois écorcé à quelques colons à Mistassini et à Godbout, mais, à cette exception près, on peut dire qu'il n'existe aucun effort sérieux dans N' sens ses chantiers) sont. de petits centres agricoles. Des cultivateurs sont établis depuis longtemps à l'embouchure de la rivière

Ste-Marguerite. Au cours des dernières années, les terres fertiles de la baie des Sept-Iles ont également attiré un bon nombre de colons. Les grandes plaines qui s'étendent de la Bersimis à la LE NATURALISTE C..'A N A RIEN, Vol. l'AIX, Nos 2 et 3, février-mars 1942.

LA COTE NORD DU SAINT-LAURENT 51 Manicouagan et de la rivière Ste-Marguerite à Matamec pour-raient faire vivre, sur de bonnes terres arables, une population agricole très nombreuse.

La pêche n'est presque pas pratiquée pour des fins commer-ciales en amont de la Pointe de Monts; elle occupe cependant un grand nombre d'habitants de la côte entre Pentecôte et Matamec.

On pêche le saumon, le flétan, la morue, le maquereau. Les ri-vières Bersimis, Mistassini, Petite-Trinité, Moisie et Matamec sont fréquentées par le saumon. La Bersimis est réservée aux

FIGURE 6.—Famille indienne de Bersimis.

(Photo A. Potvin, cliché du Service dee Mines)

Indiens, mais les autres rivières ont leurs clubs de pêche privés (le plus grand est le club Adams, sur la rivière Moisie). La rivière Godbout était célèbre pour son saumon, avant l'exploitatiofi forestière de la région. A la rivière Matamec, il existait autrefois une station biologique privée pour l'étude de la migration du saumon, des oiseaux et des animaux sauvages en général. A la baie des Sept-Iles, un ancien établissement pour l'utilisation des déchets de poissons, situé près du quai de Clarke City, a été détruit par un incendie il y a bon nombre d'années. Au village

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