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Carte 18 : Coimbra et la région de Vila Nova de Poiares (Fonte Longa) dans une carte administrative des régions du Portugal.

2.2. Cultures du corps et son rapport aux systèmes de santé

2.2.3. Corps, rôles et rapports

Le Breton reprend Vésale pour décrire le système biomédical. Dans les postulats de ce dernier il distingue trois caractéristiques. Le Breton le qualifie comme « un triple retranchement » (Le Breton 1990 : 186) :

L’homme est coupé de lui-même (distinction entre homme et corps, âme-corps, esprit-corps), coupé des autres (passage d’une structure sociale type communautaire à une structure type individualiste), coupé de l’univers (les savoirs de la chair ne puisent plus à une homologie cosmos-homme, ils deviennent singuliers, propres seulement à la définition intrinsèque du corps). (Le Breton 1990 : 186).

Ces trois conditions sont présentes lors de la prise en charge biomédicale en Équateur62

et au Portugal. Tout d’abord, il existe un morcellement du corps, propre de la logique des spécialisations présente dans le système biomédical. Il y a un spécialiste pour la prise en charge de chacune des fonctions du corps. Il n’y a pas une vision d’ensemble du corps, ni des différentes composantes de l’univers de la personne, telle qu’une compréhension qui intègre les aspects physiologiques, émotionnels, psychologiques, sociaux, culturels (croyances religieuses ou représentations transcendantales incluses). Même si la médecine intégrale le propose, cette vision d’ensemble s’oppose à la spécialisation des champs de connaissance.

La prise en charge de l’accouchement biomédical se déroule dans un environnement médicalisé étrange pour la parturiente qui est coupée de son entourage familial et quotidien. La famille n’est pas intégrée dans le dispositif des soins hospitaliers lors de l’accouchement, à l’exception souvent d’un proche dans certains établissements (généralement privés ou, en

62 La description dans le cas de l’Équateur s’applique jusqu’en 2008, date des réformes dans le plan de la santé,

notamment l’introduction de l’approche de santé interculturelle qui prend en compte le système de santé traditionnel.

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Équateur, dans les centres publics qui ont mis en œuvre les réformes issues de la « santé interculturelle » (supra note 14)).

Le médecin compte sur la confiance des parturientes et de ses patients, mais il ne fait pas partie de leur monde quotidien. Il possède en soi un statut de par ses connaissances académiques qui va être reconnu par ses patients et par lui-même lors de ces rapports avec les usagers ou « les malades » :

La présomption d’ignorance appliquée au malade (ou aux médecins qu’elle ne contrôle pas), qui garantit l’institution médicale dans la certitude et la supériorité de son savoir, nourrit aussi les réticences et les désertions d’une clientèle qui cherche ailleurs une meilleure compréhension. (Le Breton 1990 : 196).

Le récit de la naissance de la première fille de María Isabel Yánez, doula en Équateur, montre cette relation de pouvoir qui passe par un discours infantilisant. Lorsque cette femme rappelle au médecin qu’elle ne voulait pas accoucher allongée et qu’elle ne voulait pas de perfusion, non seulement il a ignoré ses demandes, mais il répondait en éludant les questions. « Non, tranquille, tout va être bien, quand ta fille sera née, tu vas constater que tout passe » Lorsqu’elle exprimait sa douleur quand ses jambes étaient sur les étriers, il répondait : « non,

non, tranquille (« mija ») ma fille, tout va bien se passer ». Il l’a dépossédée de son droit à

décider de son corps. Le ton condescendant et les paroles infantilisantes étaient destinés à la rassurer, mais aussi à établir un rapport de pouvoir dans lequel seul lui savait et décidait. C’est la parole du système technocratique sur les choix de la femme et les droits sur son corps.

Selon les doulas et sages-femmes portugaises, lors de l’accouchement hospitalier l’attention est surtout attirée vers les pathologies et ses possibles préventions. Dans l’ouvrage de Bonnet del Valle, ces dynamiques hospitalières régies par la technocratie sont décrites par Salomé, une ancienne sage-femme de la maternité des Lilas, en France, en décrivant ses premières années de service :

Au CHU où je travaillais, arrivaient toutes les pathologies environnantes et l’accouchement consistait à ne pas quitter des yeux le monitoring et à surveiller le goutte à goutte. Les femmes étaient infantilisées et dépouillées de leur personnalité… (Bonnet del Valle 2008 : 170).

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La construction du corps dans le système biomédical a aussi des incidences dans d’autres sphères. Par rapport à l’aspect relationnel entre les patient(e)s et les agents de santé biomédicaux, Le Breton distingue les médecins, les infirmières et les aides-soignantes. Ce sont ces dernières qui ont un contact plus direct avec les patients tandis que pour les médecins le relationnel n’est pas essentiel. Ces professionnels « valorise(nt) plutôt l’aspect technique de (leur) métier » ; « la consultation ou la visite au chevet du malade est réduite au seul recueil des informations nécessaires au diagnostic » (Le Breton 1990 : 189).

Les témoignages recueillis lors des terrains en Équateur et au Portugal révèlent que les rapports entre les femmes enceintes et les accoucheuses traditionnelles sont de proximité. Souvent elles sont voisines, amies, apparentées ou des personnes connues du village. Avec le personnel de santé, les relations entretenues sont plus distantes pour plusieurs raisons : la distance médecin/patient, parfois les différentes origines ethniques, économiques ou socioculturelles (et même linguistiques dans le cas des populations qui ont pour seule langue le

kichwa ou qui ne sont pas complètement hispanophones).

La relation étroite existant à l’intérieur de la communauté fait que l’accoucheuse n’est pas une inconnue, ni la parturiente pour l’accoucheuse. Le rapport s’est déjà créé avant l’accouchement et même avant la grossesse. Selon Gladys Grefa, les parturientes disent souvent d’elle qu’elle est très câline, incapable de crier (bien qu’elle reconnaisse que d’autres accoucheuses le font). « Moi j’ai plutôt envie de pleurer en les voyant pleurer avec leurs

douleurs », ajoute-t-elle. Pendant son étreinte, lui disent les femmes, la douleur passe.

Étymologiquement, beaucoup des anciens termes qui désignent les accoucheuses traditionnelles se composent de mots qui désignent des membres de la famille. Matrone vient de « mater » qui signifie « mère », « commare » (commère en italien) est utilisé aussi dans le sens d’accoucheuse, le terme se construit des mots latins « cum » avec et « mater ». En allemand, le terme est « Heballe » qui naît des mots « heben » tenir et « ana » grand-mère. En alsacien le nom employé pour désigner la sage-femme est « Hewamm », dérivé de l’allemand (Lenoble-Pinson et Leroy 2003 : 6).

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Ces termes dénotent une accoucheuse traditionnelle perçue comme la mère, la grand- mère, comme une personne proche de la parturiente et qui l’assiste. Ce rapport contraste avec la distance professionnelle instaurée entre les agents de santé et les patientes, selon Le Breton.

Dans les pratiques observées dans nos deux pays, y a-t-il cette idée de l’accoucheuse- commère ? Dans l’Amazonie de l’Équateur, les femmes demandent aux accoucheuses de devenir les marraines des enfants qu’elles ont aidé à naître. Maria Chimbo a accepté de l’être. Gladys Grefa ou Beatriz Paredes n’ont pas accepté car cela impliquait « trop de

responsabilités ». Cependant, un lien privilégié s’établit entre les accoucheuses, les femmes,

les nouveau-nés et les familles. Au Puyo, Beatriz Paredes est connue comme « Mama Bachita ». De même, à San Jorge, Isabel Verdesoto est connue comme « mama Chavica » (Bachita est un surnom affectueux donné aux Beatriz ainsi que Chavita l’est pour Isabel). Au Portugal, en parlant de l’accoucheuse qui l’a assistée, « Maria » dit qu’elle « a été comme une mère pour

moi. Elle me manque, je ne l’oublierai jamais ».

Cette pratique de demander aux accoucheuses de devenir les marraines des enfants est de moins en moins courante. Selon Violeta Andy, « avant, elles (les accoucheuses) étaient même

les marraines, mais maintenant non, elles viennent juste les chercher ». À Arajuno et à Santa

Clara, il y a un rite une semaine après que l’enfant soit né ; la marraine prend le nouveau-né dans ses bras, fait le tour du pâté de maison avec la famille qui fait sonner des casseroles. Ce rite a pour objet de présenter le bébé au voisinage.

Au Portugal, la habilidosa n’est pas la marraine, mais dans toutes les régions, c’est elle qui porte l’enfant jusqu’à l’église au moment du baptême et le donne aux parrains. Elle devient une sorte de « marraine de fait ». Selon Paula Marques, « on dit que lorsque tu assistes à

l’accouchement, tu es la marraine ». Même dans des cérémonies très discrètes, il y a au moins

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Une relation très étroite se tissait entre l’accoucheuse et la famille, l’accouchée et les enfants. J’ai été témoin d’une rencontre entre Maria José Bairros Lema et l’une des enfants qu’elle avait aidé à naître. Âgée de 33 ans, elle avait eu à son tour un enfant. J’ai été également témoin d’une rencontre entre Isabel Verdesoto et l’une des filles qu’elle avait aidé à naître, Mery, qui avait deux enfants qui appelaient l’accoucheuse « mama Chavica ». Dans les deux cas, les rapports entre les accoucheuses et les femmes étaient très étroits et affectueux. Ce rapport se conservait dans le temps : « nous restions très liées (…) elle passait prendre des

nouvelles des enfants, savoir si tout allait bien avec moi, si j’avais besoin de quelque chose. Et puis elle partait et elle faisait sa vie » (Maria Augusta Capela, Portugal)

Au vu des entretiens, les accoucheuses font partie du quotidien des parturientes : souvent elles sont leurs voisines et même leurs amies, parfois elles font partie de leurs familles. Ana do Mare le résume ainsi : « les accoucheuses étaient d’ici ». Il y a un sens d’appartenance commune, dans cette affirmation qui connote un sentiment de rapprochement et d’identité partagée. Parfois, elles sont simplement des voisines. Dans d’autres cas, elles sont et voisines et amies, ou bien l’accoucheuse est amie de la mère de la parturiente.

Le rapport entre l’accoucheuse et la parturiente est différent de celui qui se met en place entre le médecin et la « patiente ». Dans ce dernier cas, ils ne font pas partie du même univers quotidien et une « distance professionnelle » est établie.

À propos du rapport accoucheuse/femme pendant l’accouchement, la portugaise Maria Augusta Capela dit : « Elle était très affectueuse, elle ne nous grondait pas ». Estela Grefa, accoucheuse équatorienne, raconte qu’elle essaie de soulager les femmes qui accouchent avec elle par des phrases rassurantes telles que : « mija (ma fille), tu ne dois pas faire comme ça, tu

peux tuer le bébé, tu dois faire ainsi. Tu dois être forte ». Elle donne des conseils aux femmes.

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de santé (le biomédical et celui de la tradition), dans les deux cas il y a un discours normatif sur les pratiques d’accouchement. Dans le cas des médecins, le protocole doit être suivi impérativement et dans le cas des accoucheuses, ce discours peut être un impératif ou une recommandation. Dans le cas où le discours est formulé sous la forme d’un ordre, la femme a moins de possibilité de décider de son corps.

En général, la relation entre l’accoucheuse et la femme est plus étroite que celle du médecin. Dans plusieurs cas, elle se met à la place de la femme. « On doit aider la pauvre

femme qui a des douleurs, la pauvre est dans le besoin, on doit prendre soin d’elle et lui donner notre collaboration » (Estela Grefa).

Virginia Vizcaíno est une exception dans mes entretiens. Elle avoue qu’elle parlait fort, en disant « poussez, poussez, caramba (interjection qui pourrait être traduite par ‘zut’) », un peu fâchée à l’égard des femmes « pour qu’elles réagissent ». Après l’accouchement, dit-elle, la famille de la femme est très reconnaissante. C’est la seule accoucheuse dans les deux contextes qui reconnaît avoir des rapports un peu autoritaires et morigéner les parturientes.

Concernant la rémunération de la prise en charge, il y a différentes façons de faire. Lorsque la parturiente fait partie de la famille ou de l’entourage proche (amies), les accoucheuses (au Portugal ou en Équateur) ne font pas payer leurs services. Luz do Céu dit « non, je ne me suis jamais fait payer ». Pour la fille de Candida dos Anjos, « ce n’était pas

pour l’argent, ni rien, elle ne recevait rien ». L’habilidosa d’Afurada affirme « payer ? À cette époque personne ne payait. Tout se faisait gratuitement ». À Arajuno, le discours des

accoucheurs et accoucheuses est le même : « on ne se fait pas payer, Dieu un autre jour va nous

compenser » (Estela Grefa). « Certaines disaient « pakrachu » (merci en Kichwa), merci, on ne se fait pas payer, Dieu vous aide, c’est le plus important pour nous ».

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Leurs services contribuent à construire une cohésion sociale dans leur communauté (ou dans leurs freguesias dans le cas du Portugal). La foi chrétienne rend possible une rémunération symbolique : Dieu postérieurement paiera cette action. Bien que l’argent ne soit pas accepté entre les proches (à moins que la voisine ait beaucoup de moyens (Natalia dos Santos, Portugal), la rétribution en biens n’est pas refusée. Au Portugal, la femme donnait une « lembrança » (un souvenir) dans la plupart des cas qui consistait souvent en un vêtement (une blouse ou une jupe). Dans le cas des accoucheuses Kichwas, c’est plutôt de la nourriture : « l’époux de la femme me

donne un coq. Moi j’ai répondu « donne à ta femme » et lui il m’a dit « non, toi aussi tu as souffert ». C’est notre coutume chez les Kichwas, quand tu aides, on te donne quelque chose ».

Chez les Kichwas, lorsque la parturiente ne fait pas partie de l’entourage proche, la famille demande souvent à l’accoucheuse combien elle doit payer. La réponse est généralement : « lo

que sea su voluntad » (ce qui est votre volonté). Cette expression très répandue est un moyen

d’éviter de fixer un tarif et de laisser la responsabilité à la famille qui doit tenter de compenser l’effort de l’accoucheuse en donnant une somme convenable.

Bien que les populations d’Arajauno et de la région Puyo-Tena (Santa Clara, Rey de Oriente, San Jorge et Capricho) soient en majorité kichwas, on note une approche différente de la rémunération de la prise en charge de l’accouchement.

À Arajuno, il s’agit d’un service que les accoucheuses et accoucheurs rendent à la communauté. Ils insistent sur la gratuité. Arajuno est aussi un cantón où il y a quatre associations qui travaillent sur les droits culturels. La sauvegarde des connaissances ancestrales en médecine est l’une de leurs priorités. Les accoucheuses sont une figure référentielle pour la communauté. La reconnaissance en tant qu’accoucheuses leur confère déjà un statut social.

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Au cantón de Santa Clara, faire payer les gens qui ne sont pas proches des accoucheuses semble aller de soi. Cela peut s’expliquer. En 1962, Guillermina Gavilanes devient religieuse de l’ordre catholique des Murialdinas. Auparavant, elle avait été médecin à l’hôpital de Santa Clara (Bellotto 2012). Elle commence à prendre en charge les accouchements de la population et à faire des formations obstétriques pour les accoucheuses. D’après mes informateurs, elle est décédée en 2011. Selon Esperanza Padilla, cette religieuse lui a dit de se faire payer : « je prends

cinq dollars, la sœur Guillermina a dit qu’il faut demander dix dollars. Dans d’autres cas on m’a donné la moitié d’un quintal de pommes de terre, des fruits et dix euros ». Ce discours se

répète chez plusieurs accoucheurs de la zone : Rosa Guatatoca et Xavier Grefa (à Santa Clara). Il est probable que le discours de la sœur Guillermina a influencé les représentations de la prise en charge de l’accouchement au sein de cette population. Pour ces accoucheurs, la prise en charge peut être marchandisée si la parturiente n’est pas proche ou membre de leur famille.

Dans les cas des accoucheuses Métis en Équateur, la prise en charge de l’accouchement, au contraire des accoucheuses Kichwas, n’a pas une fonction de cohésion sociale. C’est une activité qui doit être rémunérée. Pour Elvia Barreno et Isabel Verdesoto, le prix de la prestation est établi par la famille. Elles demandent aux familles « su voluntad » (sa volonté), qui peut être entre dix et vingt dollars.

Pour Beatriz, il s’agit d’un métier où l’expérience lui attribue le droit de fixer un tarif progressif.

J’ai commencé en demandant très peu, à l’époque cinq sucres (monnaie de l’Équateur jusqu’en 2000) (…) il faut ‘hacerse valer’ (que les autres reconnaissent que c’est un travail et le rémunèrent). Le dernier accouchement j’ai pris quarante dollars ». Cependant, elle a des tarifs différenciés : « c’est d’après la condition de la personne, quand ils sont très pauvres, je ne leur demande rien. (Beatriz Paredes)

Claudia Jaramillo est du même avis, elle se sent libre de fixer le tarif d’après l’effort et l’investissement que la prise en charge demande. « Cinquante, quarante, soixante (dollars), ça

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dépend. Il y a des accouchements où des complications se présentent et vous devez passer toute la nuit… ».

Même si les femmes qui ont recouru à ces accoucheuses sont très reconnaissantes, il n’y a pas le même lien qu’avec les accoucheuses Kichwas où la prise en charge constitue un acte non marchand qui contribue à la cohésion sociale.

Le service des enfermeiras parteiras (sages-femmes) était couvert par la « sécurité sociale ». Dans certains cas, les accouchements domiciliaires étaient rémunérés en dehors du salaire. Maria José Bairros prenait 120 contos dit-elle (mais ça doit être des escudos, car les

contos ont disparu en 1911), tandis qu’elle ne touchait pas des frais supplémentaires pour les

accouchements qu’elle assistait à l’hôpital. Pour les accouchements assistés par Lurdes Pereira, c’était le médecin qui récupérait ce supplément salarial.

Bien que le système de santé couvrait ces frais, des femmes ont aussi payé leurs services « Ce qu’elles voulaient le plus c’était l’argent et partir (…) Je devais les payer, rien n’était

gratuit » (Adeilada Zaraiba). Emma, à Mindelo, se souvient que la famille lui donnait « des fruits, des oignons, ou ce qu’ils avaient » comme un moyen symbolique de rétribution. Mais

comme elle avait déjà son salaire, cela la dérangeait un peu, « ils étaient tellement pauvres…

lorsqu’ils avaient un peu plus d’argent j’acceptais. Mais je n’aimais pas trop qu’ils m’en donnent ».

Actuellement, les doulas et les sages-femmes domiciliaires sont des professionnels de la santé, souvent à leur propre compte. Leur prise en charge est considérée comme une prestation médicale. Ils ne font pas forcément partie de la population où les parturientes habitent. Les femmes assistées sont dans une logique du marché du travail. La représentation du travail dans

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ce contexte est celle d’une activité rémunérée. Le fait que ce service soit payé ne choque ni les prestataires ni les usagères.

Les sages-femmes prennent entre 900 et 2000 euros (Lurdes Rodea), 1000 euros Antonio Ferreira et 1200 euros Mery Zwart. Ce tarif inclut aussi les contrôles post-partum. Les tarifs des

doulas sont moins élevés : Luisa Condeço prend entre 350 et 400 euros pour l’accouchement

avec une visite post-partum comprise et 35 euros des visites domiciliaires pendant la grossesse. Esther de León demande 350 euros pour l’accouchement, quatre consultations pendant la grossesse et une après. María Isabel Yánez demande 280 dollars pour 20 heures de préparation à l’accouchement et 300 euros pour l’accompagnement pendant l’accouchement. Ces deux dernières doulas font payer les femmes selon leur situation économique, elles mettent en place des tarifs différenciés. María Isabel accepte aussi le troc.

Bien que ce service soit une transaction commerciale, des rapports assez forts se construisent entre ces agents de santé (surtout les doulas), la femme et les enfants qui naissent grâce à leur assistance. Luisa me racontait que parfois, les femmes qu’elle a accompagnées sont devenues ses amies. Il arrive qu’elles la sollicitent pour garder leurs enfants. Pour María Isabel et pour Laura Pérez qui ont eu aussi une doula, la relation est d’ordre sororal. Elle ne relève pas du quotidien, mais de l’intensité du sentiment. « Avec ma doula, on ne se voit pas régulièrement,