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La coopération comme critère d’auto-organisation : la théorie des AMAS

multi-agents, comme AGR, proposent l’organisation comme moyen de spécification d’un système plutôt qu’un résultat de l’activité des agents observable a posteriori [Ferber et Gutk- necht, 1998]. Dans le cas contraire, celui qui nous intéresse, le système doit s’adapter à son environnement par auto-organisation des agents. L’organisation finale observée est alors la plus adaptée à l’état courant de l’environnement. Ceci nécessite néanmoins de définir un critère de réorganisation. Ces critères correspondent à une heuristique d’exploration de l’espace des possibilités de fonctions du système : gestion de coûts, modèles stochastiques, modèles inspirés de la nature, ou bien des modèles inspirés de la sociologie, comme la co- opération. Cardon et Guessoum proposent l’évaluation de l’écart entre le sens de variation du comportement de l’agent et la variation de l’organisation soumise à la pression environ- nementale, appelée tendance fondamentale [Cardon et Guessoum, 2000], ce qui implique une plasticité de la structure organisationnelle.

1.3

La coopération comme critère d’auto-organisation : la théorie

des AMAS

La théorie des systèmes multi-agents adaptatifs, Adaptive Multi-Agent Systems (ou AMAS), repose sur le principe que si tous les agents d’un système sont coopératifs, alors le système est fonctionnellement adéquat et donc adapté à son environnement. Ici, la notion de coopération, inspirée de la métaphore sociale, est à la fois définie pour les agents et pour les systèmes multi-agents de manière proscriptive comme critère de réorganisation.

1.3.1 La notion de coopération

De nombreux travaux sur la coopération ont montré l’intérêt d’une telle approche comme moyen d’optimisation des performances (collectives ou individuelles), basé des fonctions de satisfaction de coûts par exemple. La coopération est aussi un moyen pour des agents d’accomplir des tâches impossibles pour un individu isolé [Ferber, 1995] et donc obtenir des fonctionnalités de plus haut niveau, comme s’adapter ou apprendre [Glize et al., 1997].

Nous pouvons distinguer deux types de coopération : la coopération intentionnelle et la coopération réactive. La coopération intentionnelle est issue de l’intelligence artificielle distribuée, et implique des capacités cognitives de représentation du monde et de planifi- cation, comme dans les travaux initiateurs des systèmes multi-agents [Durfee et al., 1987]. L’intentionnalité implique l’étude des états mentaux des agents et de leurs attitudes, à la- quelle certains travaux de Castelfranchi ont apporté des formalisations logiques précises [Conte, 1992; Castelfranchi, 1998]. Un autre type de coopération, fortement inspiré de la na- ture et des insectes sociaux, se focalise sur la coopération d’agents réactifs ne répondant qu’aux stimuli de leur environnement comme dans les travaux de Deneubourg et al. [De- neubourg et al., 1990], de Steels sur les collectifs de robots [Steels, 1996], de Drogoul sur la simulation de collectifs humains pour robotiques [Drogoul, 2000] ou bien de Topin et al. sur la simulation de fourmis coopératives dans ANTS [Topin et al., 1999a,b].

Afin de proposer une méthode de conception, nous allons donner notre définition de la

coopération, issue, notamment, de ces derniers travaux, après avoir présenté brièvement les bases de la théorie des AMAS.

1.3.2 L’adéquation fonctionnelle et la coopération

Glize distingue trois catégories d’interactions système-environnement [Glize, 2001] :

coopérative : l’activité du système sur son environnement et inversement implique une modification favorisant les activités de l’autre, comme dans les organismes symbio- tiques par exemple ;

antinomique : l’activité du système sur son environnement et inversement empêche l’autre de réaliser son activité ;

indifférente : l’activité du système sur son environnement et inversement n’a aucune conséquence sur l’autre.

Une activité non coopérative est donc une activité antinomique ou indifférente. Le rapport entre la nature de l’activité système-environnement et l’adéquation fonctionnelle du sys- tème, c.-à.-d. s’il réalise une fonction adaptée à son environnement, se pose dans l’axiome suivant :

Axiome. Un système fonctionnellement adéquat n’a aucune activité antinomique sur son environ- nement.

En effet, un système doit au moins posséder la propriété de ne pas perturber son envi- ronnement, dans le cadre du couplage système-environnement. La véracité de cet axiome ne peut pas être prouvée, car il faudrait un observateur extérieur à l’activité de tous les sys- tèmes évoluant dans un certain univers physique, tout en n’interagissant aucunement avec celui-ci afin de ne pas le perturber. A partir de cet axiome, Glize construit un raisonnement important sur les relations d’inclusion des différents types de systèmes :

Lemme 1. Tout système coopératif est fonctionnellement adéquat.

La démonstration de ce lemme est basée sur l’axiome précédent et sur le fait qu’un sys- tème coopératif n’a pas d’activité antinomique ou indifférente.

Lemme 2. Pour tout système S fonctionnellement adéquat, il existe au moins un système coopératif S?qui soit fonctionnellement adéquat dans le même environnement.

La démonstration consiste en une expérience de pensée de déconstruction du système S pour en construire un nouveau S?. Elle est réalisée en quatre étapes : définir un algorithme

de construction d’un système coopératif, montrer que cet algorithme se termine, montrer que le système coopératif obtenu est équivalent au système initial pour l’environnement, montrer que le nouveau système est fonctionnellement adéquat.

Lemme 3. Tout système à milieu intérieur coopératif est un système coopératif.

Le milieu intérieur correspond aux parties du système ainsi qu’aux supports physiques nécessaires à leurs échanges. Un système à milieu intérieur coopératif possède des échanges coopératifs avec son environnement, car ceux-ci sont un sous-ensemble des échanges que réalisent ses parties.

1.3. La coopération comme critère d'auto-organisation : la théorie des AMAS ¢œ¸–Žœȱ˜—Œ’˜——Ž••Ž–Ž—ȱŠ·šžŠœ ¢œ¸–ŽœȱŒ˜˜™·›Š’œ ¢œ¸–Žœȱ¥ –’•’Žžȱ’—·›’Žž›ȱŒ˜˜™·›Š’ Ž –– Ž œ ȱŗȱǭ ȱŘ  Ž – – Ž œ ȱřȱǭ ȱŚ  ‘·˜ › ¸– Ž

Figure 1.5 — Le théorème de l’adéquation fonctionnelle : les relations d’inclusion entre systèmes adéquats et coopératifs.

Lemme 4. Pour tout système coopératif S, il existe au moins un système à milieu intérieur coopératif S?qui réalise une fonction équivalente dans le même environnement.

La méthode est identique à celle du lemme 2, mais ici l’objet de la construction est main- tenant chaque partie du système. Ce raisonnement conduit naturellement au théorème sui- vant qui est résumé dans la figure 1.5 [Camps et al., 1998; Glize, 2001] :

Théorème de l’adéquation fonctionnelle. Pour tout système fonctionnellement adéquat, il existe au moins un système à milieu intérieur coopératif qui réalise une fonction équivalente dans le même environnement.

1.3.3 Conséquences méthodologiques

Le théorème de l’adéquation fonctionnelle a d’importantes répercussions sur la concep- tion de systèmes multi-agents adaptatifs par auto-organisation. Pour tendre vers une adé- quation fonctionnelle du système avec son environnement, on va chercher à établir et main- tenir un état interne coopératif en se focalisant sur les interactions entre les agents. Mais, tant que nous ne pouvons pas spécifier de manière sûre le comportement coopératif des parties, nous décomposons les parties en sous-parties plus élémentaires capables de s’auto- organiser pour obtenir la fonction non formellement spécifiée.

L’auto-organisation a lieu lorsque le système n’est plus fonctionnellement adéquat, donc lorsqu’un ou plusieurs agents sont dans des états, jugés localement, de non coopération avec leur environnement. Rendre les agents coopératifs se limitera donc à fournir des règles de détection de la non coopération et des moyens d’en sortir pour revenir (pas toujours immédiatement) dans un état d’interaction coopérative. Enfin, pour concevoir un système fonctionnellement adéquat, il suffit de s’assurer que tous les agents sont coopératifs (ou en ont les moyens) ; ce qui restera notre ligne de conduite tout au long de ce travail.

1.3.4 Définition de la coopération

Les résultats précédents ne font aucun présupposé sur la notion de coopération. Pour- tant, ceci ne signifie pas pour autant que toutes les définitions sont acceptables. Considérant

des agents suivant un cycle perception-décision-action, voici une définition de la coopération en trois points correspondant à ces trois phases [Glize, 2001] :

Définition. Un agent est dit coopératif si et seulement si cper∧ cdec∧ cactest vraie avec :

cper : l’agent est apte à tout instant à interpréter de manière non ambiguë un signal de son environnement (physique ou social) ;

cdec : l’agent peut employer ses propres compétences sur l’information produite par le traite- ment du signal ;

cact: la transformation du milieu que l’entité réalise est profitable à son environnement.

Une définition proscriptive de la coopération, permettant de définir les conditions de réorganisation des agents (voir paragraphe précédent), est donc la suivante :

Définition. Un agent est dit en situation non coopérative (ou SNC) si et seulement si ¬cper∨

¬cdec∨ ¬cactest vraie.

Un agent peut donc être dans trois SNC différentes (¬cper, ¬cdecou ¬cact) ayant chacune

des interprétations différentes :

¬cper L’incompréhension est détectée lorsque l’agent est incapable d’extraire le

contenu informatif d’un signal.

L’ambiguïté est détectée lorsque l’agent attribue plusieurs interprétations à un même signal.

¬cdec L’incompétence survient lorsque l’agent est incapable d’exploiter dans son raisonnement un signal reçu.

L’improductivité survient lorsque l’utilisation d’un signal ne débouche sur aucune conclusion.

¬cact La concurrence est une situation dans laquelle un agent croit que l’action d’un autre agent va aboutir au même état du monde (les deux agents ont le même but).

Le conflit correspond à une situation lors de laquelle un agent croit que l’action d’un autre agent va être incompatible avec la sienne (les deux agents ont deux buts antinomiques).

L’inutilité survient lorsqu’un agent croit que son action ne va pas modi- fier le monde (l’agent ne fait rien par exemple).

1.3.5 Discussion

Contrairement aux algorithmes classiques d’apprentissage comme les réseaux neuro- naux ou les algorithmes génétiques, l’adaptation par coopération n’introduit pas de biais conduisant à des attracteurs locaux, empêchant le système de devenir fonctionnellement adéquat. En effet, le coeur de l’adaptation réside dans le couplage système-environnement