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Une conversion progressive à la logique de marché 103 

CHAPITRE 4 – TROIS PAYS, TROIS STRATÉGIES :

2.   Le policy mix britannique 102

2.1.  Une conversion progressive à la logique de marché 103 

Ce n’est qu’à partir de la fin des années 1970 que le système d’enseignement supérieur britannique s’est progressivement inséré dans une logique de marché

en introduisant notamment des frais de scolarité à coût complet pour les étudiants internationaux en 1979 (voir Chapitre 7), après une augmentation progressive de ces frais au cours des années 19701. Cette politique de tarification, justifiée par un contrôle des flux d’étudiants étrangers et par des arguments d’ordre budgétaire, s’est accompagnée de politiques de soutien aux étudiants de certains pays, avec l’attribution de bourses et la création d’un réseau de promotion de l’enseignement britannique à l’étranger. À la suite de cette réforme, les effectifs d’étudiants internationaux ont fortement chuté, mais les initiatives politiques associées à un recentrage du recrutement sur des pays à fort potentiel, notamment asiatiques, ont favorisé la très forte augmentation des effectifs au cours des années 1990 et 2000.

Comme en Australie, le financement des universités au Royaume-Uni (sauf Écosse) se caractérise par une diminution des financements publics directs aux universités depuis les années 1980, et par un large transfert des coûts sur les étudiants via des frais de scolarité relativement élevés (voir Graphique n° 14). Entre 2000 et 2010, on constate une forte baisse des dépenses publiques au titre des établissements du supérieur au Royaume-Uni (de 68 % à 25 %). En 2010, la part des ménages dans le financement de l’enseignement supérieur était de 56 %.

En ce qui concerne l’attraction des étudiants internationaux, la stratégie britan- nique s’appuie sur un signal qualité-prix et sur une offre de services aux étudiants

(voir ci-après). Les frais de scolarité exigés des étudiants internationaux extra-européens

(1) Chandler A. (1985), Foreign students and Government Policy: Britain, France, Germany, Washington DC, American Council on Education.

ne sont pas réglementés : ils font partie des plus élevés en Europe. Pour les programmes de niveau bachelor, les frais moyens d’une année d’étude vont de 7 000 à 16 000 euros, et de 6 000 à 23 000 euros pour un programme de master1. Le coût moyen d’une année « undergraduate » pour les étudiants extra-communautaires s’élevait à 10 700 livres pour un cours en classe, 11 800 livres pour un cours en laboratoire, en 2011-2012. Les frais de scolarité acquittés par les étudiants extra-communautaires ont représenté 11,6 % du revenu total des institutions d’enseignement supérieur en 2011- 20122. Des programmes de bourses concurrentiels existent pour les étudiants internationaux, proposés par des institutions comme le British Council ou la Commonwealth Scholarship and Fellowship Commission. Leur nombre est limité, et a été réduit. De nombreuses universités ont leurs propres solutions d’assistance pour financer les études.

Comme en Australie, les étudiants internationaux au centre du modèle de financement des établissements

Le financement public de l’enseignement et de la recherche a fortement diminué : les universités ont donc été contraintes de trouver d’autres sources de financement. Le principal levier a été l’augmentation des frais de scolarité, les étudiants britanniques étant habitués à des études supérieures payantes.

Le revenu total des universités britanniques est de 16,2 milliards de livres3. 38 % de cette somme proviennent de financements publics (Higher Education Funding Councils) et 5 % de financements publics de la recherche (Research Councils). Les frais d’inscription représentent 24 % des ressources universitaires. 17 % de ces financements proviennent de sources extérieures (organisations caritatives, Union européenne, dons, entreprises). Enfin, 19 % proviennent de recettes : hébergement et restauration, hôpitaux, subven- tions, etc. Les universités sont donc incitées à recruter prioritairement des étudiants étrangers extra-communautaires4. Les frais de scolarité très élevés qu’ils acquittent sont indispensables à la soutenabilité financière des universités et au financement de leurs activités d’enseignement et de recherche.

Les étudiants étrangers ne se distribuent pas de façon égale entre toutes les universités. La proportion moyenne d’étudiants internationaux dans une université britannique est de 17,4 %, mais certaines universités présentent des taux beaucoup plus élevés. Ainsi, la London Business School accueille 75 % d’étudiants étrangers. La London School of Economics en accueille 67 % (jusqu’à 82 % en post-licence). Les universités du Russell

(1) NUFFIC (20123), International Student Recruitment, op. cit. (2) Source : HESA.

(3) Dossier « Royaume-Uni », mai 2012, Paris, Campus France.

(4) En 2011, 80 % des étudiants internationaux venaient d’un pays non membre de l’Union européenne ; Sachrajda A. et Pennington J. (2013), op. cit.

Chapitre 4

Trois pays, trois stratégies : Allemagne, Australie et Royaume-Uni

Group (qui comprend notamment la LSE, les universités d’Oxford et de Cambridge, celles d’Edimbourg, de Cardiff, les King’s et l’Imperial College London, et d’autres universités de premier plan) se démarquent aussi par leur grande capacité d’accueil des étudiants internationaux1.

Comme les établissements australiens, les universités britanniques, jouissant d’une forte autonomie, sont incitées à recruter des étudiants en nombre important, notamment des étudiants internationaux, afin de maintenir à niveau leurs ressources financières. En cas de diminution sensible des effectifs d’étudiants internationaux, les finances des établissements peuvent se trouver en situation délicate. Au-delà, le Royaume-Uni a besoin des étudiants internationaux pour combler les effectifs des formations qui attirent trop peu d’étudiants nationaux. Les étudiants internationaux permettent en effet aux universités de maintenir leurs dépenses d’investissement, de diminuer le coût moyen de la formation dans ces disciplines. Ils constituent également un vivier de chercheurs potentiels pour maintenir le niveau de la recherche britannique, ainsi qu’une réserve de talents pour le marché du travail britannique. Ainsi, en 2011-2012, les étudiants internationaux représentaient 13 % des étudiants pré-licence, 46 % des formations post- licence « taught » (accordant plus de place à l’enseignement) et 41 % des formations post-licence de recherche.

Les disciplines où se concentrent les étudiants internationaux sont les études de commerce ou de science, de technologie, d’ingénierie et de mathématiques (STEM : Science, Technology, Engineering and Maths). Par exemple, 84 % des nouveaux entrants dans les formations post-licence d’ingénierie électronique et électrique n’étaient pas originaires du Royaume-Uni2. Les étudiants non britanniques représentaient également 76 % des nouveaux inscrits en 2011-2012 dans les formations d’ingénierie logistique et 67 % des nouveaux inscrits en informatique3.

Le développement de services aux étudiants, corollaire nécessaire d’une telle stratégie

Dépendants des frais de scolarité acquittés par leurs étudiants, les établissements britanniques et australiens sont contraints d’ajuster leur offre de formation et de services à la demande : investissements dans le logement, services de transport, de

bibliothèques, de tutorat, d’insertion professionnelle, etc.

(1) Leur proportion d’étudiants internationaux atteint 27 %. Elles accueillent plus du tiers des étudiants internationaux au Royaume-Uni. Source : International Education – Growth and Prosperity, rapport BIS, juillet 2013.

(2) Sachrajda A. et Pennington J. (2013), op. cit.

L’introduction de frais de scolarité importants en 2006 – et leur récente augmentation – a renforcé la logique de service à l’égard de l’étudiant, de plus en plus perçu comme un client-consommateur. Les universités britanniques, à l’instar des américaines, ne proposent pas seulement une formation de qualité mais une expérience passant par la vie sur le campus (nombreuses associations et lieux de sociabilité), l’appartenance à une commu- nauté, etc. Les étudiants, notamment les étrangers, profitent d’un accompagnement administratif personnalisé, de services de tutorat assurés par les enseignants, de services d’orientation et d’information, etc. La pédagogie laisse beaucoup de place à la méthode dite de la « classe inversée » et à des approches fondées sur l’expérience de l’apprenant. Parmi les services proposés, les Career services, bureaux chargés de l’orientation professionnelle, jouent un rôle d’accompagnement en assurant le relais entre les étudiants et le milieu du travail. Ces services tiennent les étudiants informés des offres d’emploi, des possibilités de carrière ou de poursuite d’études. Ils organisent aussi des salons professionnels. Ces services sont en général facturés aux recruteurs et peuvent constituer une source de revenus pour l’université. La nécessité pour les universités d’attirer des étudiants internationaux leur impose de chercher continûment à améliorer la qualité de leur offre de formation et de services afin de conserver leur réputation.