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Des étudiants toujours plus mobiles 49 

CHAPITRE 2 – LES TRANSFORMATIONS DU MARCHÉ 47

1.   Une mobilité internationale en croissance continue 47

1.2.  Des étudiants toujours plus mobiles 49 

Toujours plus nombreux, les étudiants sont aussi plus mobiles : le nombre

d’étudiants internationaux a doublé entre 2000 et 2012, pour dépasser les 4 millions. Graphique n° 4 – Évolution des étudiants en mobilité internationale

dans le monde (1975-2012)

Source : données OCDE (1975, 1980, 1985, 1990, 1995) et données Unesco Institute for Statistics (2000, 2005, 2012)

(1) BIS (2013), International Education – Global Growth and Prosperity: An Accompanying Analytical Narrative, rapport, juillet.

L’augmentation de cette mobilité internationale n’est pas qu’un effet secondaire de l’offre de formation insuffisante dans les pays du Sud : tandis que les effectifs mondiaux de l’enseignement supérieur ont à peine doublé entre 2000 et 2012, ceux des étudiants en mobilité internationale ont augmenté de plus de 124 % sur la même période. D’autres facteurs explicatifs entrent en jeu, tels que l’historicité des migrations insérées dans les liens politiques et culturels tissés entre les pays, l’internationalisation des marchés du travail des personnels hautement qualifiés, la force d’attraction des systèmes d’enseignement supérieur liée à leur réputation et à leur qualité, des logiques proprement académiques d’échange, etc.1 Les analyses soulignent une accélération de la mobilité internationale des étudiants au cours des années 2000, probablement soutenue par des politiques nationales actives, par des initiatives transnationales d’harmonisation des cursus et de reconnaissance des diplômes, et par l’émergence de classements internationaux des universités2.

Une variété de déterminants

Les déterminants de la mobilité internationale des étudiants sont divers. Il est cependant possible d’identifier ce qui détermine le choix de localisation pour les étudiants en mobilité3.

L’inertie des flux : des choix inscrits dans des logiques d’extraversion plus anciennes. Comme toute forme de migrations, les flux d’étudiants en mobilité sont

déterminés par des dépendances historiques fortes, notamment entre anciens pays coloniaux et colonisés. Les liens historiques, par exemple entre les pays du Commonwealth et le Royaume-Uni ou entre l’Afrique francophone et la France, sont des facteurs explicatifs déterminants des choix de mobilité contemporains. Parmi les dix premiers pays d’origine des étudiants internationaux accueillis en France en 2012, cinq ont appartenu à l’empire colonial français : Maroc, Algérie, Tunisie, Sénégal et Vietnam. L’existence de réseaux établis de migrations est un des déterminants forts de la mobilité internationale des étudiants, ce qui implique une certaine inertie des flux. Selon une étude du CEPII, les coûts de la migration (monétaires et en termes de bien-être) jouent un rôle important, mais ils peuvent être réduits grâce à la présence de concitoyens déjà installés dans le pays de destination : l’« effet de réseau » est un facteur d’attraction essentiel pour les étudiants. Il joue d’autant plus que la communauté déjà installée est elle-même hautement qualifiée, notamment issue d’anciens étudiants : sans ces communautés, « il faudrait réduire le coût de la vie des étudiants à hauteur de 40 % à 55 % selon les pays pour maintenir constant le nombre

(1) Voir Chapitre 1. Se reporter également à OCDE (2013), Education at a Glance 2013, Paris, OECD. (2) Vincent-Lancrin S. (2008), « L’enseignement supérieur transnational : un nouvel enjeu stratégique ?, Critique internationale, 39 (2).

(3) Beine M., Noël R. et Ragot L. (2013), « The determinants of international mobility of students », Document de travail, n° 2013-30, CEPII, septembre.

Chapitre 2 Les transformations du marché

d’étudiants en mobilité internationale qui y sont présents »1. La présence de diasporas organisées, leur taille, leur composition et leurs ressources (réseaux d’entraide, etc.), pèsent sur les choix d’extraversion dans le cadre des études.

D’autres déterminants tiennent à l’offre : la qualité et la réputation des formations. La qualité perçue du système d’enseignement supérieur dans son

ensemble et des établissements pris individuellement est un autre déterminant fort des choix d’expatriation pour les études. Toujours selon l’étude du CEPII, il existe une forte corrélation entre l’attraction des étudiants et la qualité des établissements, mesurée à l’aune des classements internationaux. Ces derniers jouent un rôle important dans la régulation du marché réputationnel de l’enseignement supérieur internationalisé2. La renommée de certains établissements (Cambridge et Oxford au Royaume-Uni, les universités américaines de l’Ivy League, la Sorbonne en France, etc.) influence positivement la perception globale du système d’enseignement supérieur. Mais si certains établissements jouissent d’un capital-réputation important, la renommée de chaque établissement dépend aussi d’une stratégie active de promotion de l’enseignement à l’étranger et d’une lisibilité accrue de l’offre de formation.

L’impact ambivalent des coûts. Le coût de la vie quotidienne (logement,

alimentation, etc.) est un élément déterminant de la mobilité étudiante3. Il est inhérent à toute immigration, même s’il est légèrement abaissé par la présence d’une diaspora dans le pays. Un autre coût essentiel entre en ligne de compte dans le choix de la localisation, les frais liés au coût des études, mais ceux-ci jouent un rôle plus ambivalent car ils revêtent un caractère moins systématique que les dépenses de vie courante. Certains pays accueillent de très nombreux étudiants avec des frais de scolarité particulièrement élevés (États-Unis, Royaume-Uni, notamment), tandis que d’autres pays appliquant une tarification faible, voire nulle, ne sont jamais devenus une terre d’immigration étudiante. Les frais de scolarité ne jouent pas dans un sens unique : ce n’est pas leur niveau en tant que tel qui est décisif pour le choix d’expatriation mais plutôt un rapport complexe entre qualité et prix. Le prix élevé peut agir comme un signal de qualité auprès de certains publics. En outre, il faut prendre en compte un environnement d’aides plus large, par exemple le fait que les frais de scolarité sont souvent pris en charge par des bourses d’États, de fondations ou encore d’entreprises, sur des critères académiques et sociaux. Ainsi, un candidat excellent mais dans l’incapacité d’assumer des frais de scolarité, et encore moins des dépenses de vie courante, pourra entièrement être pris en charge dans certaines

(1) Ibid.

(2) Erkkilä T. et Kauppi N. (2013), « Définir l’université mondiale : les logiques de compétition et l’inter- nationalisation de l’enseignement supérieur », in J.-C Graz. et N. Niang (eds.), Services sans frontières : mondialisation, normalisation et régulation de l’économie des services, Paris, Presses de Sciences Po. (3) Ibid.

institutions aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Ce type de « mécanismes de redistribution » entre étudiants internationaux riches et pauvres – faire payer des frais de scolarité élevés, mais pas à tous les étudiants – n’est guère développé en France, au niveau national ou par les établissements autonomes.

Le poids des politiques migratoires. La politique de visa et d’immigration du pays

d’accueil pèse sur les décisions des étudiants. La facilité des formalités adminis- tratives a également une importance. La possibilité pour les étudiants de travailler pendant leurs études pour les financer, notamment pour ceux qui décident de suivre un cursus entier à l’étranger, fait partie des critères de décision. De même, l’état de l’économie et du marché du travail du pays hôte ainsi que la possibilité d’y avoir une première expérience professionnelle, voire de s’y installer, conditionnent le choix des candidats à l’émigration étudiante.

Des initiatives politiques facilitant la mobilité. Enfin, d’autres éléments facilitent la

mobilité : les politiques effectives de reconnaissance des diplômes du pays hôte dans le pays d’origine, le degré de reconnaissance des diplômes obtenus sur le marché du travail, dans le pays d’accueil comme dans le pays d’origine, la structuration d’espaces transnationaux d’enseignement supérieur (systèmes de crédit), à l’instar de l’Espace européen de l’enseignement supérieur. L’éventail des formations disponibles, dans le pays d’accueil comme dans le pays d’origine, peut aussi conditionner la décision de mobilité : le numerus clausus, qui limite l’accès à certaines formations, peut inciter ou dissuader les étudiants de choisir tel ou tel pays.

Cette croissance de la mobilité internationale est appelée à se poursuivre. En ce qui concerne la demande, de grands pays comme la Chine, l’Inde et l’Indonésie devraient continuer d’alimenter ce phénomène, même si le développement de leurs capacités domestiques d’enseignement supérieur pourrait limiter les incitations à la mobilité1.

Le nombre d’étudiants en mobilité internationale devrait continuer de croître et pourrait dépasser 7,5 millions en 2025 dans un scénario tendanciel2 (voir Tableau n° 6). Les projections réalisées, quelle que soit la source des hypothèses, envisagent en général une croissance à long terme – plus ou moins forte – des effectifs étudiants internationaux. Elles ne font qu’extrapoler des trajectoires passées, sans fournir de modèle explicatif à ces croissances3. Il ressort toutefois de la plupart des

(1) Vincent-Lancrin S. (2008), op. cit.

(2) Bohm A., Davis D., Meares D. et Pearce D. (2002), The Global Student Mobility 2025 Report: Forecast of the Global Demand for International Education, IDP, Canberra.

(3) OCDE (2011), L’enseignement supérieur à l’horizon 2030, op. cit. ; Bohm A., Davis D., Meares D. et Pearce D. (2002), op. cit. ; British Council (2014), Vision 2020: Forecasting International Student Mobility – A UK Perspective ; Banks M., Olsen A. et Pearce D. (2007), Global Student Mobility: An Australian Perspective Five Years On, IDP Education, Sydney.

Chapitre 2 Les transformations du marché

analyses prospectives qu’il sera difficile de maintenir les taux de croissance observés durant les années 2000.

Tableau n° 6 – Projections du nombre d’étudiants internationaux d’ici à 2025

Hypothèse « croissance haute » Hypothèse « poursuite croissance » Hypothèse « croissance ralentie » Hypothèses Croissance supérieure au

taux de croissance de la période 2005-2012 Croissance identique au taux de croissance de la période 2005-2012 Croissance inférieure au taux de croissance de la période 2005-2012 Croissance 6 % 5,1 % 3 % Effectifs en 2025 (en millions) 8,55 7,65 5,88

Source : Unesco Institute for Statistics, calculs France Stratégie

Une hypothèse de « croissance haute », avec une croissance composée de 6 % par an, aboutirait à des effectifs de 8,5 millions d’étudiants en mobilité internationale en 2025. Elle s’appuie sur un taux de croissance supérieur à celui observé sur la période 2005-2012, qui était d’environ 5,1 %. Cette hypothèse est donc très optimiste, dans la mesure où la plupart des travaux parient sur le caractère plutôt exceptionnel de la croissance des années 20001.

Une hypothèse « poursuite de la croissance » observée sur les cinq dernières années, soit 5 % par an, qui aboutirait à une augmentation plus faible des effectifs, autour de 7,65 millions en 2025. Ce scénario est proche d’autres scénarios relativement optimistes2.

Une hypothèse de « croissance ralentie », prenant en compte le fait que la croissance des années 2000 est exceptionnelle, ce qui amènerait les effectifs en 2025 à environ 5,88 millions, avec une croissance composée de 3 % par an.

(1) Voir les projections réalisées par l’OCDE : OCDE (2011), L’enseignement supérieur à l’horizon 2030. Volume 2 : Mondialisation.

Graphique n° 5 – Projections du nombre d’étudiants internationaux d’ici 2025

Source : Unesco Institute for Statistics, calculs France Stratégie