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CHAPITRE 2 RECENSION DE LA LITTÉRATURE

2.4 Convergence matériel-logiciel dans les TIC

L’idée d’étudier la convergence est venue, en partie, d’entrevues réalisées auprès de firmes du secteur matériel des TIC, au cours de la dernière année. Effectivement, une seconde portion du

projet CDO consiste à interviewer les firmes afin de caractériser davantage leurs pratiques de collaboration et d’innovation. À la lueur des résultats préliminaires, la combinaison de composantes matérielles et logicielles dans des solutions intégrées semble être la norme dans l’industrie.

Dans la littérature, le terme convergence est galvaudé, si on peut se permettre l’expression. D’ailleurs, c’est pourquoi Roger Silverstone a écrit « Convergence is a dangerous word » (Silverstone, 1995, p. 11). On le retrouve dans une multitude de contextes:

 Mathématiques

 Standards de télécommunications  Numérique versus analogique  Matériel versus logiciel

L’informatique est un domaine où l’on recense de nombreuses convergences. L’une d’entre elles est la convergence entre l’aspect matériel (ordinateurs, réseaux de communications, lecteurs de sons et d’images, etc.) et les contenus (l’information et son traitement, la commande, etc.) (Hubert et Vinck, 2012). Pour Liestøl (2007), il s’agit plutôt d’une distinction entre le matériel (hardware), le logiciel (software) et le contenu, qu’il nomme meaningware, comme on peut le voir sur son cadre d’analyse à la Figure 2-3. Les lignes pointillées représentent les frontières floues entre les composantes et l’entourage des utilisateurs et des producteurs signifie l‘impact de l’environnement. La convergence est justement cette incapacité grandissante à distinguer les différentes fonctions des composantes des appareils ou produits. Pour Miège et Vinck (2012), il s’agit d’une déconstruction des frontières disciplinaires et institutionnelles des mondes logiciel et matériel.

Figure 2-3:Cadre d’analyse du media numérique (digital media) Source: (Liestøl, 2007)

Dans le contexte qui nous intéresse, la potentielle convergence matériel-logiciel fut d’abord une divergence. Dans les années 1970, les entreprises, telle que IBM, découplaient leurs divisions matérielles et logicielles. Les divisions de R et D de logiciels des entreprises du secteur matériel sont devenues, après le démantèlement, le moteur de croissance du secteur de logiciel indépendant (stand-alone) (Rao, 1999). C’est à cette époque qu’on a vu apparaître la tendance d’acheter des logiciels séparément du matériel TIC.

En télécommunications, une tendance semblable, la fin de l’intégration verticale, est survenue. Par exemple, en 1995, AT&T s’est départie de son segment d’équipements de communications pour former Lucent Technologies, de son segment d’équipements d’ordinateurs (NCR) et de Bell Communications Research, Inc. (Rao, 1999).

De nos jours, l’évolution des technologies des secteurs matériel et logiciel semble aller de pair. La distinction entre les deux est de plus en plus difficile à faire. Selon Hubert et Vinck (2012), ce que le consommateur lambda perçoit parfois comme étant du matériel (hardware) est en fait une couche « basse » de logiciel. Par exemple, c’est la toolbox de Mac, une couche logicielle, qui a grandement amélioré l’expérience utilisateur, ce qui a engendré une popularité du matériel. Un autre exemple d’interdépendance vient du monde des jeux vidéo. Les jeux ont d’abord évolué en fonction des capacités matérielles. Ensuite, les exigences techniques de ces derniers ont poussé

les constructeurs d’ordinateurs à s’inspirer du monde cinématographique afin de développer des interfaces en couleurs (Hubert et Vinck, 2012). Cette boucle de progrès technologique mène à croire qu’il y a présence de convergence. C’est pourquoi il est désormais le rôle des fabricants de composantes matérielles, à l’exception de celles à usage général, de travailler sur l’interface matériel-logiciel.

En revanche, certains châteaux forts du secteur matériel ne sont pas touchés par la convergence mais les fournisseurs de produits et services de télécommunications vivent cette réalité. Par exemple, les technologies sans-fil, comme les nouvelles générations d’émetteurs radio, visent la conception d’appareils intégrant les logiciels (Bjorkqvist et Virtanen, 2006). La littérature portant sur la convergence en télécommunications est grande mais, une importante partie touche des aspects de standardisation.

Enfin, d’un point de vue de la convergence en recherche, il existe peu de littérature à ce niveau mais on voit qu’une tendance vers les centres de recherche interdisciplinaire est grandissante (Katz et Martin, 1997a). Par exemple, en France, certains pôles d’innovation, tel que Le Pôle d’Innovation pour les Logiciels et Systèmes Intelligents (PILSI), tentent d’intégrer les aspects de logiciel et de matériel au sein d’un même endroit (Hubert et Vinck, 2012). Cela rejoint donc la littérature sur la recherche collaborative.

2.5 Résumé

Pour conclure, les concepts couverts dans cette revue de littérature apportent un cadre de référence pour évaluer les liens de collaboration dans un contexte d’analyse de réseaux sociaux. Tout d’abord, on a établi une définition pour la diffusion de la connaissance. Ensuite, la différence entre la collaboration université – industrie et celle ayant lieu entre chercheurs universitaires a été abordée. Les firmes ont des besoins spécifiques, pouvant se situer autant au niveau de la recherche fondamentale que de la recherche appliquée, auxquels les universités peuvent répondre. Les chercheurs universitaires ressentent également différents facteurs les poussant à collaborer, dépendamment du contexte. Lorsqu’ils collaborent avec des entreprises, ils cherchent à sécuriser des fonds de recherche et à faire progresser leur agenda de recherche. Dans un contexte de collaboration avec leurs pairs, les facteurs sont plutôt reliés aux aspects financiers de la recherche (coûts et accès au financement) et à la spécialisation grandissante de la science.

Ensuite, les facteurs de proximité, couvrant des concepts permettant la caractérisation de liens de collaboration, ont été introduits. L’approche des facteurs de proximité est complémentaire à une méthode plus quantitative comme celle de l’analyse des réseaux sociaux. Dans ce mémoire, la méthode des réseaux sociaux est privilégiée, d’une part parce que les données en main s’y portent plus mais aussi parce qu’il est plus cohérent de débuter par celle-ci. En effet, après avoir cartographié les réseaux de collaboration, la nature des liens peut être sondée par une analyse des facteurs de proximité. Donc, le cadre d’analyse des facteurs de proximité n’est pas utilisé dans l’explication des résultats.

Enfin, la deuxième partie de ce chapitre a présenté l’analyse de réseaux sociaux dans un contexte de collaboration. On a pu constater que la structure du réseau de collaboration, incluant la position des acteurs clés, a un impact important sur ses propriétés de diffusion de connaissances. D’ailleurs, la structure « petit-monde » est celle qui permet d’atteindre des conditions de diffusion optimales. Elle permet la combinaison de liens très forts dans des groupements locaux et l’apport d’information nouvelle par l’entremise de liens plus distants. Ainsi, dans un contexte de collaboration, il est intéressant d’identifier sa présence parce qu’elle est certainement souhaitée, dû à ses propriétés.