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CHAPITRE V: DISCUSSION

5.2 Contributions des glycosaminoglycanes dans la perturbation

Le dépôt tissulaire de fibres amyloïdes se déroule dans un environnement biologique complexe. Ainsi, les modulations conformationnelles des hormones peptidiques sont grandement influencées par leur environnement, tels que la présence de GAGs (Nguyen et al., 2015; Tomasello et al., 2015). Notamment, les dépôts amyloïdes extraits de patients sont toujours associés aux GAGs (Iannuzzi et al., 2015; Quittot et

al., 2017). Par ailleurs, de nombreuses études in vitro ont montré que les GAGs

accélèrent le processus de formation de fibres amyloïdes de nombreux peptides amyloïdogéniques (Quittot et al., 2017). De plus, il a été montré sur des cellules en culture, ou des tissus, que les GAGs modulent la quantité de dépôts amyloïdes et la cytotoxicité sous-adjacente (Oskarsson et al., 2015; Potter et al., 2015; Templin et al., 2019). Cependant, le rôle joué par les GAGs au sein d’un environnement hétérogène et complexe sur la modulation conformationnelle de peptides amyloïdogéniques et la cytotoxicité qui en résulte reste à déterminer. Ainsi, dans un premier temps, nous avons évalué la cytotoxicité associée à l’auto-assemblage de l’IAPP sur deux types cellulaires, l’un présentant des GAGs (CHO K1), l’autre en étant dépourvu (CHO pgs- A-745). Nous avons montré que l’IAPP induit une diminution accrue de l’activité métabolique des cellules présentant des GAGs à leur surface, comparativement à celles qui en sont dépourvues. Ce résultat corrèle avec une étude précédente qui montre que HS est requis pour déclencher la mort cellulaire par apoptose induite par l’IAPP (Oskarsson et al., 2015). De façon intéressante, parmi les nombreux mécanismes de cytotoxicité, le plus couramment décrit est la perturbation membranaire (Caillon et al., 2016). Étonnamment, le rôle des GAGs dans la perturbation des membranes biologiques par les peptides amyloïdogéniques n’a jamais été étudié. Dans notre étude, la perturbation membranaire induite par l’IAPP a été évaluée par le dosage de l’activité enzymatique de la LDH, une enzyme cytoplasmique, libérée dans le milieu de culture lorsque l’intégrité membranaire est détériorée. En réalisant cet essai sur les deux types

cellulaires mentionnés précédemment, nous avons montré que la présence de GAGs à la surface cellulaire exacerbe la perturbation membranaire.

L’hypothèse des oligomères toxiques postule que les espèces intermédiaires de la cascade amyloïdogénique sont les espèces les plus cytotoxiques (Iadanza et al., 2018; Kayed et al., 2003). Le traitement des deux types cellulaires, K1 et pgs-A-745, par des espèces préfibrillaires de l’IAPP indiquent que les GAGs ne modulent pas la cytotoxicité de ces espèces. De façon similaire, la perturbation membranaire induite par les espèces préfibrillaires est indépendante de la présence de GAGs. De plus, à concentration équivalente, le traitement par les espèces préfibrillaires induit une plus forte cytotoxicité que le traitement avec l’IAPP monomérique. Ainsi, nos résultats suggèrent que suite à l’initiation du processus d’auto-assemblage, la modulation de la cytotoxicité de l’IAPP par les GAGs est abrogée.

Étant donné que la présence de GAGs à la surface cellulaire diminue la concentration requise pour induire la cytotoxicité et la perturbation membranaire, nous avons évalué si les GAGs pouvaient augmenter la séquestration de l’IAPP à la surface cellulaire. À l’aide d’un IAPP marqué avec un fluorophore et via des analyses par cytométrie en flux et microscopie confocale, nous avons observé que l’IAPP était plus présent à la surface des cellules présentatrices de GAGs. De façon intéressante, l’IAPP de rat qui est non amyloïdogénique et présente une charge nette à pH physiologique supérieure à celle de l’IAPP, due à la présence d’une Arg en position 18 contre une His pour la séquence humaine, était séquestré de manière indépendante aux GAGs à la surface cellulaire. Ce résultat suggère que la haute séquestration de l’IAPP à la surface des cellules présentatrices de GAGs résultent d’une forte interaction due à l’auto-assemblage modulé par les GAGs.

Il est important de noter que la corrélation entre la présence de GAGs et la perturbation membranaire induite par l’IAPP puisse résulter d’événements en amont. Par exemple,

il a été montré qu’un dysfonctionnement de la mitochondrie induit par l’auto- assemblage intracellulaire de l’IAPP entraine un relargage de la LDH (Magzoub et Miranker, 2012). Dans ce contexte, la formation des vésicules dérivées de la membrane plasmique (GPMV) a permis d’évaluer plus directement la relation entre la perturbation membranaire induite par l’IAPP et la présence de GAGs. Afin d’évaluer l’interaction de l’IAPP avec les GAGs à la surface des GPMV, les vésicules ont été marqué en rouge avec un fluorophore lipophile et l’IAPP a été marqué en vert. Des analyses par cytométrie en flux ont permis de discriminer les différentes populations, vésicules seules, peptide seul, et peptide séquestré à la surface des vésicules. En comparant la séquestration de l’IAPP sur les deux types de vésicules, nous avons montré que l’IAPP est davantage séquestré sur les vésicules présentant des GAGs, de façon similaire aux résultats obtenus à l’aide des cellules entières. De plus, la perturbation membranaire des GPMV a été évalué à l’aide d’un double marquage des vésicules, permettant d’identifier les vésicules présentant une fluorescence mixte comme étant intègre. À l’opposé, la diminution ou la perte de cette fluorescence mixte indique une diminution de l’intégrité vésiculaire et donc une perturbation membranaire. Ainsi, il a été observé que la présence d’IAPP exacerbe la perturbation membranaire des vésicules avec GAGs. Finalement, les GPMV permettent d’évaluer l’implication des GAGs dans un environnement membranaire sur la cinétique d’auto-assemblage de l’IAPP. La cinétique d’auto-assemblage de l’IAPP en présence des deux types de GPMV a été évalué par des essais basés sur les sondes ThT et FlAsH. Ces essais n’ont pas permis d’observer de modulation de la cinétique d’auto-assemblage par les GAGs dans un environnement complexe. En conclusion, cette étude montre que la présence de GAGs à la surface cellulaire favorise une séquestration accrue de l’IAPP, soit une augmentation de la concentration peptidique locale, déclenchant ainsi la cascade amyloïdogénique et qui peut conduire in fine à une cytotoxicité.

De façon intéressante, il a été suggéré que l’IAPP traverse la membrane plasmique, tel un CPP cationique (Magzoub et Miranker, 2012). Les CPP cationiques présentent

généralement au moins une charge nette positive de +8 (Futaki et al., 2001) et nécessitent habituellement d’interagir avec les GAGs pour être internalisés (Ziegler et Seelig, 2008). Pour l’IAPP, ce dernier ne présente qu’une charge nette positive de +3 à pH physiologique. Toutefois, l’oligomérisation pourrait induire une augmentation locale du nombre de charges positives. Ainsi, on pourrait supposer qu’un tel agencement de charges positives permettent l’interaction avec les GAGs chargés négativement, et ainsi moduler l’internalisation de l’IAPP, tel que montré pour d’autres peptides amyloïdogéniques, incluant le peptide Aβ (Wesen et al., 2018), l'α-synucléine (Ihse et al., 2017) et la protéine tau (Holmes et al., 2013). En plus de l’internalisation, il a été montré que les GAGs modulent la propagation d’espèces cytotoxiques de la protéine tau (Holmes et al., 2013). De façon intéressante, il a récemment été suggéré que l’IAPP puisse se propager par un mécanisme similaire à celui du prion (Mukherjee

et al., 2017), bien que le rôle des GAGs dans ce mécanisme reste à être déterminé pour

l’IAPP.

5.3 Identification d’un site de liaison conformationnel de l’héparine chez l’hormone

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