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B. Apport de notre étude pour comprendre l’épidemiologie du paludisme dans la zone

2. Contribution du réservoir sous-microscopique à la transmission

La contribution des porteurs asymptomatiques à la transmission et ses implications en matière d’élimination du paludisme sont discutées depuis des décennies (Yekutiel, 1960, Bousema et al., 2014, Lin et al., 2014, von Seidlein, 2014). En zone de forte transmission, le degré de prémunition est important. Environ 95% des infections sont asymptomatiques avec des niveaux de parasitémie élevés et contribuent de manière importante à la transmission (Yekutiel, 1960). Schneider et al. ont montré dans une étude longitudinale réalisée au Kenya, que les porteurs asymptomatiques et symptomatiques contribuent de manière équivalente à la transmission (Schneider et al., 2007). Dans une étude longitudinale réalisée sur une cohorte de 130 personnes représentatives de la population générale et asymptomatiques au Burkina Fasso, les auteurs ont montré que les porteurs sous-microscopiques représentent 28% du réservoir et 17% de la transmission (Ouedraogo et al., 2016, Ouédraogo et al., 2016).

En zone de faible endémicité, 85% des personnes qui ont une parasitémie au-dessus du seuil de détection de la microscopie sont symptomatiques (Yekutiel, 1960). La mise en évidence de porteurs asymptomatiques infectés avec des niveaux de parasitémie très faibles (souvent sous-microscopiques) est un cadre nosologique beaucoup plus récent (Hamad et al., 2000). La contribution relative du réservoir sous-microscopique par rapport aux cas symptomatiques n’est toujours pas tranchée (Lin et al., 2014). La relation entre les taux d’infection, la densité de l’infection et la gamétocytémie suit une relation sigmoïde : lorsque la gamétocytémie diminue, le taux d’infection des vecteurs et le nombre d’oocystes diminuent également (Jeffery and Eyles, 1955). Les porteurs symptomatiques ont donc un risque accru de transmettre le parasite au moustique par rapport aux porteurs sous-microscopiques. En revanche, les porteurs asymptomatiques sont plus nombreux que les personnes symptomatiques et la durée de l’infection est beaucoup plus longue (Imwong et al., 2015a, Imwong et al., 2015b, Ashley and White, 2014).

Les données obtenues en zone de faible transmission contrastent avec celles de l’Afrique mais la plupart des études sont limitées par leur caractère transversal ou par le manque de contrôle adapté. Au Cambodge, Lin et al. ont réalisé une mesure transversale de l’infectivité de 119 patients faisant un accès palustre simple à P. falciparum. Ils ont documenté une forte hétérogénéité des taux d’infection et des charges parasitaires dans les moustiques en fonction de la gamétocytémie. Cependant ils n’ont pas étudié l’infectivité des porteurs

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asymptomatiques (Lin et al., 2015). Kiattibutr et al. ont étudié l’infectivité des porteurs asymptomatiques et symptomatiques de P. vivax en Thaïlande. Lors d’une mesure transversale, ils ont montré que 85% des patients symptomatiques sont infectants et que le taux d’infection est de 50% chez les moustiques. Au contraire, la proportion de patients asymptomatiques infectants était très faible (Kiattibutr et al., 2016). Dans une autre étude réalisée en Thaïlande, Coleman et al. ont montré que la proportion de personnes infectantes parmi les sujets asymptomatiques microscopiques est de 10% et que le taux d’infection des moustiques et de 45% (sans différence entre P. falciparum et P. vivax et sans différence entre les gamétocytémies patentes versus absence de gamétocytes sur le frottis sanguin). En parallèle ils ont montré que 1.2% de la population négative en microscopie est infectante et que le taux d’infection des vecteurs par cette population est de 3%. La limite majeure de cette étude est l’absence de techniques moléculaires pour confirmer l’infection sous-microscopique chez les patients négatifs en microscopie. Cette limite ne permet pas de mesurer spécifiquement l’infectivité du réservoir asymptomatique sous-microscopique (Coleman et al., 2004). Dans une étude réalisée en Colombie, Aves et al. ont montré que la proportion de moustiques qui s’infectent sur les porteurs asymptomatiques sous-microscopiques et sur les porteurs symptomatiques est de 1.2 et 22% respectivement (Alves et al., 2005). Les auteurs ont également montré que le nombre d’oocystes est en moyenne de 1 et 20 oocystes/tube digestif chez les moustiques infectés à partir des porteurs sous-microscopiques et symptomatiques respectivement.

Plus d’études sont nécessaires pour mesurer de manière longitudinale la transmissibilité du parasite chez les porteurs symptomatiques et asymptomatiques (Barnes and White, 2005). De plus, la relation entre l’infection asymptomatique et symptomatique complique la relation avec la transmission. En effet, l’histoire naturelle de l’infection asymptomatique sous-microscopique est mal connue et plus d’études longitudinales sont nécessaires pour décrire l’évolution des formes asymptomatiques dans le temps. Imwong et al. ont observé que la répartition des espèces plasmodiales, des marqueurs de résistance et de la distribution des cas dans la population (âge, sexe) est très similaire dans les populations asymptomatiques et symptomatiques, ce qui suggère un lien direct entre ces deux cadres nosologiques (Imwong et al., 2015a).

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Dans notre étude, une forte corrélation a été observée entre le taux d’infectivité des vecteurs et la prévalence de l’infection sous-microscopique. Elle apporte une preuve supplémentaire pour montrer que le réservoir sous-microscopique doit être éliminé afin d’interrompre rapidement le cycle de transmission. Cependant, cette association n’est pas suffisante pour quantifier la contribution relative de la prévalence de l’infection asymptomatique (généralement sous-microscopique) et des cas incidents à la transmission homme-vecteur du parasite. Pour cela, il sera nécessaire de mesurer la transmissibilité du parasite lors de l’infection sous-microscopique de manière longitudinale, de décrire l’histoire naturelle de l’infection sous-microscopique (en particulier l’évolution vers les formes symptomatiques) et de réaliser un travail de modélisation mathématique plus poussé.

3.

Déterminants

entomologiques

des

résistances