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Chapitre 3: Chronotype modulates adaptation to night work: results from two studies

7. Résumé et interprétation des résultats

7.4. Implications, applications, et voies futures

7.4.1. Contribution du chronotype dans l’adaptation au travail rotatif

Parmi les résultats importants de cette thèse, on retrouve d’abord le fait que les types Soir ont une meilleure adaptation de leur rythme circadien endogène aux quarts de nuit, mais qu’ils dorment moins bien et sont plus somnolents que les types Intermédiaires. Aussi, malgré une meilleure adaptation circadienne, le niveau de vigilance des types Soir demeurait similaire à celui des types Intermédiaires (dans les deux études présentées dans le Chapitre 3). De plus, lorsque l’on analyse les données actigraphiques des quarts de jour et qu’on les compare à celles des quarts de nuit, on constate que les types Soir dorment moins et ont une moins bonne qualité de sommeil durant les quarts de jour, et ce même si l’on tient compte des siestes (tel que présenté dans l’étude du Chapitre 2). Ceci a pour conséquence que, dans nos deux études sur les travailleurs rotatifs patrouilleurs de nuit : une meilleure adaptation circadienne ne conduisait pas à un meilleur sommeil ni à un meilleur fonctionnement à l’éveil (Chapitre 3). Il s’agit d’une découverte majeure dans le domaine de la médecine occupationnelle puisque de nombreuses études démontrent que même un ajustement partiel de la phase circadienne améliore les symptômes liés au mésalignement circadien. Avec les études présentées dans les chapitres 2 et 3 de cette thèse, nous démontrons qu’une intervention visant simplement à ajuster la phase circadienne constitue une prise en charge incomplète des symptômes occasionnés par le travail sur des quarts de nuit.

Dans le cas spécifique des policiers patrouilleurs, le tiers de l’échantillon était constitué de types Soir, cette surreprésentation ayant possiblement pu faire ressortir les particularités des types Soir. Il est possible qu’en incluant des types Matin dans cet échantillon, pour qui la phase circadienne se produit plus tôt [151], on aurait pu observer des effets positifs chez ces ceux-ci dans le cas d’un ajustement partiel du rythme circadien endogène. Il est d’ailleurs particulièrement intriguant de constater que les types Intermédiaires, malgré leur plus grand mésalignement circadien (i.e., malgré un plus grand écart entre le rythme circadien endogène

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et l’horaire veille-sommeil), dormaient mieux et fonctionnaient mieux à l’éveil. Il est possible que les types Soir, de parce qu’ils dorment moins bien et moins longtemps que les types Intermédiaires durant les quarts de jour (tel que présenté dans le Chapitre 2), aient un niveau de pression homéostatique plus élevé que les types Intermédiaire, et ce de manière chronique. Ceci pourrait expliquer pourquoi un meilleur ajustement circadien n’ait pas amélioré les symptômes de mésalignement circadien chez les types Soir.

Une deuxième hypothèse plausible pourrait être que les types Intermédiaires subissent moins de désynchronisation interne que les types Soir. En effet, il est connu qu’un déplacement rapide de la position de la phase circadienne endogène du NSC s’accompagne de désynchronisation interne transitoire parce que les autres oscillateurs périphériques s’ajusteraient plus lentement [440-442]. De plus, dans le cas d’un déplacement rapide de la phase circadienne endogène, les angles de phase entre les autres rythmes biologiques deviendraient anormaux, ce qui peut sans aucun doute contribuer à ce qu’un travailleur de nuit ait un sommeil de moindre durée et qualité de même que des problèmes au niveau de l’attention et de la vigilance [237-239]. Vu la phase circadienne des types Soirs plus tardive par rapport au nycthémère (et plus longue), d’une part, et la différence observée entre les chronotypes relativement à l’angle de phase entre certain rythmes circadiens, d’autre part, il est possible que les fonctions physiologiques des types Soirs ne se synchronisent pas entre elles de manière optimale. Il est par ailleurs plausible qu’il existe une vitesse critique quotidienne en ce qui a trait au déplacement de la phase circadienne pour laquelle les avantages liés à la diminution du mésalignement circadien ne sont pas contrecarrées par les désavantages d’une plus grande désynchronisation interne. Ainsi, on peut donc supposer la vitesse de déplacement de phase plus modeste retrouvée chez les types Intermédiaire pourrait être un facteur protecteur permettant une meilleure adaptation globale de l’individu.

Par ailleurs, le fait que les types Soirs ait eu une meilleure adaptation circadienne pourrait être expliqué par certaines caractéristiques génétiques de leur horloge moléculaire ou du rythme endogène de leurs NSC, et ce, combinée avec l’exposition à la lumière naturelle. En effet, plusieurs études rapportent que les types Soir ont une phase circadienne plus tardive par rapport au nycthémère [156,443]. Nous aurions pu ainsi émettre l’hypothèse selon

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laquelle les types Soir étaient caractérisés par une phase circadienne plus tardive dès le début de chaque condition dans nos deux études présentées au Chapitre 3. Ceci aurait eu comme implication qu’ils auraient été exposés à la lumière matinale à un moment optimal pour favoriser un délai de phase (après le Tmin), ce qui aurait pu expliquer nos résultats. Cependant, le fait que les pre-DLMOs des types Soir soient similaires aux pre-DLMOs des types Intermédiaires suggère que les Tmin des types Soir et Intermédiaires se produisaient à des momentssimilaires. En effet, bien qu’il soit rapporté dans la littérature que les typologies circadiennes (types Matin, Intermédiaire et Soir) diffèrent relativement à l’angle de phase de certains rythmes (par exemple, température endogène centrale vs. activité locomotrice), l’angle de phase entre le Tmin et le DLMO est considéré comme particulièrement stable car ces deux rythmes sont étroitement couplés [151,156,444].

Une étude récente de van der Meijden et collègues (2016) sur la réponse pupillaire à la lumière bleue pourrait également conduire à une hypothèse alternative intéressante. Ces auteurs démontrent en effet que les individus dont le cycle veille-sommeil se produit plus tard au sein du nycthémère ont une réponse pupillaire plus prononcée lorsqu’exposés à de la lumière bleue [445]. Ainsi, la phototransduction chez ces individus dont le cycle veille- sommeil est plus tardif s’exprimerait différemment que chez des individus plus matinaux. Qui plus est, ceci se manifesterait par une sensibilité accrue (vraisemblablement via leurs ipRGCs) à la lumière bleue. Cette hypothèse doit cependant être considérée avec prudence puisque les effets sur la phase circadienne de cette sensibilité pupillaire à la lumière bleue n’ont pas été mesurés. De plus, les participants types Soir de notre étude n’ont pas présenté de plus grands déplacements de phases lorsqu’exposés à la lumière bleue, ni lorsque l’on bloquait la lumière bleue avec les lunettes à verres orangés.