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La contrefaçon des dessins et modèles

Chapitre II : La manifestation de l’atteinte à des droits de propriété intellectuelle

Section 3 La contrefaçon des dessins et modèles

243. La contrefaçon de dessins ou modèles déposés est un délit pénal puni, selon l’article L510-10 du Code de la propriété intellectuelle, de trois ans d’emprisonnement et 300000 euros d’amende. Si le délit est commis en bande organisée, la peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et 500000 euros d’amende. En outre, il ne faut pas omettre que le dessin ou le modèle peut être protégé par le droit d’auteur et le droit des marques. Comme précédemment, nous analyserons la contrefaçon des dessins et modèles sous l’angle de son élément matériel (§1), puis sous l’angle de son élément moral (§2).

434 CA Paris, 18 octobre 2006, PIBD, III, p26 ; CA Paris, 12 décembre 2003, Gaz. Pal. 2005, p609 ; CA Amiens, 25 février 1988, Juris-Data n°049846

435

H. Bonnard, op. cit., p31, n°51 436

J. Passa, Droit de la propriété industrielle, LGDJ, 2006, n°11 et s. 437

H. Bonnard, Ibid, p32, n°53

438 CA Paris, 5 juin 1996, Gaz. Pal. 1996, p516 439 CA Paris, 16 mai 1991, Juris-Data n°022079 440

§1/L’élément matériel de la contrefaçon des dessins et modèles

244. A l’instar de la marque, la contrefaçon se réalise par reproduction à l’identique (A) ou imitation (B).

A/La reproduction à l’identique des dessins et modèles déposés

245. L’article L513-4 énumère toute une série d’agissements constitutifs du délit de contrefaçon : « la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation, l’utilisation ou la détention à ces fins d’un produit incorporant le dessin ou modèle ». En définitive, l’important est que le dessin ou le modèle soit reproduit.

246. Le procédé de reproduction est donc indifférent, il suffit qu’il y ait une fixation matérielle par dessin, enregistrement sur pellicule photographique ou vidéo, etc… Il a ainsi pu être jugé que la photographie de modèles de chapeaux protégés était contrefaisante441. De même la fixation sur bande vidéo d’un modèle de chaise est une contrefaçon442. La reproduction d’un modèle de voiture sous la forme d’une miniature, même vendue en pièces détachées est également un acte de contrefaçon443.

247. Il faut insister sur le fait que le droit des dessins et modèles ne connait pas le principe de spécialité, propre au droit des marques. Le public auquel est destinée la copie est donc indifférent. Par conséquent, il importe peu que la reproduction ait été réalisée sur un support différent de celui utilisé par le dessin ou le modèle original. Par exemple, Il a été estimé par la Cour d’appel de Paris que la reproduction sur des tee-shirts de flacons de parfums constitue tout de même une contrefaçon de ces modèles444.

248. Enfin, la reproduction est appréciée indépendamment du profit réalisé. La personne poursuivie peut très bien n’avoir réalisé aucun bénéfice pécuniaire de ses actes445.

La question est plus difficile lorsque le dessin ou le modèle n’a pas été reproduit à l’identique mais simplement imité (B).

B/L’imitation des dessins et modèles déposés

249. Tout comme en droit des marques, le contrefacteur ne reproduira que rarement le dessin ou le modèle à l’identique, et ce pour échapper au délit de contrefaçon. Mais, l’article L513-5 implique que la reproduction s’apprécie en fonction de « l’impression visuelle d’ensemble » de l’observateur averti, ce qui se rapproche du risque de confusion du droit des marques. Il y aura donc contrefaçon dès lors que les ressemblances entre les deux dessins ou modèles sont dominante et que les dissemblances ne parviennent pas à effacer une même « impression visuelle d’ensemble » se

441

CA Paris, 3 novembre 1988, CDA 1989, n°17, p10 442

TGI Paris, 18 octobre 1995, PIBD 1996, p77 443 TGI Paris, 29 octobre 2002, PIBD 2003, p276 444 CA Paris, 19 mars 1992, PIBD 1992, p444 445

dégageant de la comparaison des deux dessins ou modèles en cause. Aussi a-t-il pu être jugé que, « peu importe que les dimensions des sacs ou les motifs des dentelles puissent ne pas être les mêmes, ces différences, au demeurant secondaires, n’affectant pas la reprise des éléments constitutifs de la combinaison revendiquée »446. De même, « le fait de réduire la taille des assiettes, dès lors que les caractéristiques protégeables sont reproduites, n’affecte pas l’impression visuelle d’ensemble qu’elles suscitent »447. En revanche, le critère de l’impression visuelle d’ensemble peut également servir à écarter une action en contrefaçon : « l’association d’éléments figuratifs d’un visage et d’un élément dénominatif dans ce visage dégage une impression d’ensemble différente du premier, d’où il résulte un dessin tout à fait distinct »448.

250. Mais l’impression visuelle d’ensemble ne doit pas résulter exclusivement de la reprise d’éléments non protégeables. En effet, certaines caractéristiques ne sont pas protégeables, il s’agit de celles provenant du domaine public et de celles qui sont inhérentes à la nature du modèle. Les premières résultent du fait que certaines caractéristiques peuvent être totalement banales ou que leur protection a expiré. Quant aux caractéristiques inhérentes à la nature du modèle, il s’agit de ressemblances « nécessaires ». Il ne pourrait être reproché par exemple à un fabriquant de bicyclette par un de ses concurrents d’avoir contrefait un modèle de vélo sous le prétexte que les seules ressemblances sont que ce dernier comporte une selle, un guidon et des roues449. Dans ces hypothèses, la contrefaçon pourra être écartée même en présence d’une impression visuelle d’ensemble similaire.

Cela nous amène à étudier l’élément moral de la contrefaçon de dessins et modèles (§2).

§2/L’élément moral de la contrefaçon de dessins et modèles

251. L’élément moral de la contrefaçon de dessins est modèles semblable à celui de la contrefaçon d’œuvres de l’esprit. En effet, en matière pénale, il pèse sur l’inculpé une présomption de mauvaise foi, alors qu’en matière civile, la bonne foi est inopérante.

Concernant la matière pénale, l’article 121-3 du Code pénal indique le principe selon lequel il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. De plus, le principe de la présomption d’innocence implique que le titulaire des droits sur le dessin ou le modèle doive rapporter la preuve de la mauvaise foi de la personne poursuivie. Cependant, une jurisprudence constante considère que la mauvaise foi est présumée. En effet, la trop grande similitude entre deux dessins et modèles implique que l’auteur ait nécessairement eu connaissance des droits antérieurs et qu’il a agit en toute connaissance de cause450. Cependant, il ne s’agit que d’une présomption simple.

Devant les juridictions civiles en revanche, la bonne foi est inopérante. En effet, toute personne a le devoir, avant de fabriquer, importer ou proposer à la vente une marchandise, de vérifier s’il ne porte pas atteinte à un droit antérieur. Il s’agit, selon les juges, d’une « faute d’imprudence » ou

446

CA Paris, 16 mai 2008, Juris-Data n°2008-365135 447

CA Paris, 18 octobre 2006, PIBD 2006, p828 448 CA Paris, 7 mars 2003, PIBD 2003, p486

449 Exemple tiré de D. Cohen, Le droit des dessins et modèles, Economica, 2009, p266, n°869 450

de « négligence »451. Toutefois, exceptionnellement, la bonne foi pourra exonérer le supposé contrefacteur. Il s’agit d’espèces où la bonne foi est avérée et où la personne a pris les précautions nécessaires452.

252. Nous avons pu étudier le dispositif complexe de protection des images par le biais de la propriété intellectuelle. La contrefaçon peut recouvrir plusieurs formes et son élément matériel est apprécié différemment en fonction de son objet. Si son élément matériel ne diffère pas entre la matière pénale et la matière civile, il n’en va pas de même pour l’élément moral.

Il faut désormais s’intéresser aux images non protégées par la propriété intellectuelle (titre II).

451 V. par exemple : CA Paris, 1er juillet 2005, cité par D. Cohen, Ibid, p211, n°740 452