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88 Cf. v. BGH, 2 mars 2006, NJW, 2006, p. 1806 : S. Leible, note sous Color Drack, EuZW, 2007, p. 370 s., p. 373, encore que « doch keineswegs sicher, ob der EuGH der Argumentation des BGH tatsächlich gefolgt wäre » .

89 1e Civ., 27 mars 2007, Le Méridien, in Clunet 2008, comm. 8.

Un mot, avant de conclure, sur le régime du for contractuel applicable aux contrats innommés, c’est-à-dire à ceux qui ne constituent ni des ventes ni des services, avec la précision toutefois que ce régime s’appli-que également aux contrats nommés dont le lieu de livraison de la marchandise ou de fourniture du service se situe dans un Etat tiers et probablement aussi lorsque ce lieu ne peut être déterminé. Un mot seule-ment, car, comme la Cour a eu l’occasion de le rappeler, la révision préserve ici le régime antérieur, tel qu’il se dégage de sa jurisprudence désormais classique, et ce à la fois pour ce qui est de la prestation pertinente (A) et du procédé qu’il convient de suivre pour en déterminer le lieu d’exécution (B)90.

A. – Prestation déterminante

L’obligation déterminante aux fins de la compétence est, comme l’é-nonce l’article 5 ch. 1 lit. a), celle « qui sert de base à la demande ». Si la demande est fondée sur plusieurs obligations, le for au lieu d’exé-cution de l’obligation principale est compétent pour connaître également du contentieux naissant des obligations accessoires91 : c’est là une com-pétence fondée sur le rapport de connexité liant entre elles les obligations incombant au même contractant. N’oublions d’ailleurs pas, au chapitre de la connexité, que l’obligation qui sert de base à une demande recon-ventionnelle peut devenir litigieuse devant le for du lieu de l’obligation qui sert de base à la demande principale et régulièrement saisi de celle-ci : c’est là une autre situation de connexité, fréquente dans le contentieux contractuel, reflétant et valorisant le lien synallagmatique qui unit l’obligation qui pèse sur un contractant et celle qui pèse sur l’autre con-tractant. Ces deux moyens de consolider le contentieux mis à part, il y aura autant de fors des obligations contractuelles qu’il y a de lieux d’exé-cution de ces obligations et chacun de ces fors ne sera compétent que pour connaître des obligations à exécuter dans son ressort. L’affaire Lea-thertex nous livre un exemple particulèrement démonstratif de la réalité comme des inconvénients de la dispersion du contentieux, et de la déper-dition des énergies procédurales, qui en résulte92. La concentration du

90 CJUE, 23 avr. 2009, C-533/07, Falco Privatstiftung, pt. 49 s.

91 CJCE, 15 janv. 1987, C-266/85, Shenavai.

92 CJCE, 5 oct. 1999, C-420/97, Leathertex.

litige peut, il est vrai, encore se réaliser auprès du for du domicile du dé-fendeur, mais cela revient à mettre à l’écart le for contractuel.

Rappelons encore que l’obligation litigieuse est celle dont le créancier réclame qu’elle n’a pas été régulièrement exécutée alors même que la demande qu’il forme vise à obtenir du débiteur les dommages-intérêts résultant de l’inexécution. S’agissant des obligations négatives (non facere), s’il n’y a pas de limitation géographique à l’abstention exigée du débiteur, il faut conclure à l’impossibilité de la localiser et donc à l’inap-plicabilité du for contractuel : c’est là l’enseignement tiré de l’affaire Besix93. Quid lorsque le litige porte sur la validité du contrat, et qu’il se noue notamment par le biais d’une action en constatation négative, dont la jurisprudence suisse de ces dernières années nous montre à quel point elle devient courante dans la pratique contemporaine ?94 Il a été proposé de s’en remettre à l’obligation principale qui serait à la charge du défen-deur si le contrat était valable. Un arrêt du Tribunal fédéral se prononce d’ailleurs bien en ce sens95.

B. – Lieu d’exécution

Quant au lieu d’exécution, il faut, nous l’avons déjà rappelé, pour le déterminer, consulter le droit applicable au contrat, plus exactement à l’obligation litigieuse, sauf à préciser qu’il ne s’agira ici le plus souvent pas du droit uniforme tiré de la CVIM, car c’est par hypothèse un contrat autre que la vente qui est en cause. Aussi le mode de détermination du lieu d’exécution demeure-t-il ici le même quelle que soit la fonction, procédurale ou substantielle, qu’il est appelé à remplir : « deux fonctions, un régime ». Mais s’agissant d’obligations de dare et de facere identi-ques ou analogues à la livraison de la marchandise ou à la fourniture du service, le régime autonome que la Cour est en train de développer à pro-pos des contrats nommés pourrait déployer un effet d’entraînement à l’égard des contrats innommés, dont on peut cependant se demander à quel point il serait compatible avec la fidélité à la jurisprudence Tessili qu’elle a encore récemment tout autant professé que prêché. S’agissant

93 CJCE, 19 févr. 2002, C-256/00, Besix.

94 V. p. ex ATF 133 III 282, c. 3.2 ; ATF 21.10.2009, 4A_86/2009, c. 2.2.

95 ATF 21.10.2009, 4A_386/2009, c. 2.2-2.3 ; 20 août 2009, 4A_273/2009, c. 2.2.

v. A. Bonomi (note 1), p. 1818, n° 33, et H. Gaudemet-Tallon (note 1), n° 185.

d’obligations de solvere, notons, ce qu’on ne fait pas souvent, que le paiement s’est désormais dématérialisé, il s’effectue de plus en plus par virement bancaire, et souvent e-banking et sans frais, ce qui est de nature à priver la question du lieu de paiement d’une bonne partie de sa sub-stance quant à la fonction substantielle qu’il remplit, celle de savoir si c’est le débiteur qui doit « porter » l’argent au domicile du créancier et en supporter les coûts (obligation portable) ou bien si c’est celui-ci qui doit se rendre au domicile de celui-là et le réclamer (obligation qué-rable). Ce n’est alors souvent que pour ce qui est de la seule fonction procédurale et notamment pour déterminer le for de l’exécution, que le lieu de paiement demeure pertinent, et que les divergences qui se ren-contrent au sein des législations gardent leur intérêt. Quant aux obliga-tions de ne pas faire, si l’abstention est circonscrite à un ou plusieurs lieux déterminés, c’est à ce lieu ou ces lieux qu’elle se localise96.

IV. – Conclusions

Je me bornerai, pour conclure, à trois remarques. La première est que la voie des définitions communautaires et uniformes est tout aussi labo-rieuse que nécessaire. Le chemin n’est qu’amorcé. La Proposition de Rè-glement relatif à un droit commun européen de la vente, publiée en octo-bre dernier97, peut fournir un appui précieux.

La seconde remarque est que l’ensemble peut sembler manquer de cohé-rence98. Et ce à un double point de vue. D’abord, entre le régime de la vente et le régime du contrat de service. Au lieu de destination finale de la marchandise, souvent donc lieu du domicile de l’acheteur, semble s’opposer le lieu du domicile du fournisseur dans le contrat de service, à tout le moins du contrat d’agent. Cette incohérence ne serait qu’appa-rente si l’on admettait franchement que les deux contrats nommés sont suffisamment différents pour que des différences de régime ne soient pas toujours injustifiées. On l’a vu, si dans une vente, c’est le lieu de livraison qui compte et pas le lieu de production, dans un service, la prestation de conception, d’élaboration et de confection du service peut être plus caractéristique que celle de la mise à disposition du fruit de

96 Cf. CJCE, 19 févr. 2002, C-256/00, Besix.

97 Doc (COM) 2011, 635 final (12 oct. 2011).

98 En ce sens E. Lein, « Modern Art – The ECJ’s Latest Sketches of Art. 5 No. 1 lit. b Brussels I Regulation », YPIL, 2010, p. 571 s., spéc. p. 583 s.

cette activité. L’incohérence semble ensuite frapper le régime des con-trats de service. Lieu du siège du fournisseur refusé dans Rehder et entériné dans Wood Floor. L’incohérence est ici de nouveau peut-être apparente. On notera que le choix de la Cour a abouti dans les deux cas à permettre au demandeur (agent et passager) d’oùvrir une action au for de son domicile. Forum actoris dissimulé ? Si c’est le cas, on doit bien reconnaître que ces deux contrats sont particuliers, et attestent souvent d’un déséquilibre entre les contractants : le passager est souvent un consommateur (c’était le cas de M. Rehder) ; l’agent est souvent entre-preneur individuel ou petite entreprise et on sait que la législation natio-nale et européenne à de plus en plus tendance à le protéger.

Reste enfin tout le domaine des contrats exécutés par internet. J’ai é-voqué les difficultés de qualification. Je n’ai fait qu’une allusion au lieu d’exécution. Les difficultés sont nombreuses et redoutables. Mais je ne suis pas certain qu’il faille toujours conclure à l’impossibilité de déterminer ce lieu d’exécution. Et ce d’autant que les progrès techno-logiques permettent de surmonter certains obstacles naguère tenus pour insurmontables : comme la prévisibilité pour le fournisseur du lieu de téléchargement de l’œuvre numérique. Et il n’est peut-être pas exclu que l’idée de « focalisation » ou de la « direction des activités » que consacre le régime des contrats de consommation, ne puisse rendre quelques services en la matière99.

99 Voir la contribution de A.-C. Fornage, dans ce même volume.

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