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5.2.1 Evolution de la poussière

Une des principales caractéristiques des disques est la faible émission du continuum, inférieure à 10 mJy pourλ ≥ 0,87 mm pour HD 141569, HD 21997 et 49 Ceti. Cela signifie

128 5.2. CONTRAINTES PHYSIQUES SUR LES DISQUES HYBRIDES de ces étoiles. La poussière a donc soit grossi au point de ne plus être détectable, soit a été accrétée sur l’étoile à cause des différents phénomènes de migration.

L’analyse de l’émission à trois longueurs d’onde de l’émission du continuum autour de HD 141569 m’a permis de montrer que l’indice spectral de la poussière,β, est proche

de zéro. Cette valeur peut indiquer que l’émission de la poussière est optiquement épaisse dans les régions centrales, ou que les grains ont grossi et émettent comme des corps gris. Les deux hypothèses sont en tout cas compatibles avec la distribution spatiale de la pous-sière, piquée au centre et faiblement résolue (rayon<100 ua). L’opacité de la poussière ne

pourra être déterminée qu’en résolvant spatialement la structure du disque à plusieurs longueurs d’onde : la température de brillance est fonction de l’opacité (et donc deβ et

de ses variations radiales), de la densité de surface et de la température des grains.

5.2.2 Evolution du gaz et du rapport gaz/poussière

Les modélisations du gaz que j’ai effectuées pour HD 141569 montrent en particu-lier que le disque de gaz est en cours de dissipation, puisque la densité de surface de CO du disque est plus faible de 1 à 2 ordres de grandeur par rapport à des disques proto-planétaires plus jeunes autour d’étoiles de Herbig Ae. Les raies ont pour l’instant été mo-délisées individuellement, mais le code DiskFit permet de modéliser plusieurs transitions d’une même molécule à la fois. Cela permettra une détermination plus cohérente des pa-ramètres physiques.

La masse de gaz dans HD 141569 est comprise entre 68 et 151 M, ce qui implique qu’avec la faible masse de poussières du disque (0,03-0,52 M), le rapport gaz/poussières estimé à partir de la masse de CO est compris entre 130 et 5000 (voir section3.5.3). Des valeurs comparables ont été déterminées dans le disque de HD 21997. Le rapport dans les disques proto-planétaires a tendance au contraire à être plus faible que la valeur cano-nique de 100Williams and Best[2014]. Le rapport élevé des disques hybrides est cepen-dant une valeur moyenne, qui peut varier localement puisque la morphologie des disques de gaz et de poussières ne sont pas les mêmes. Les modèles prédisent qu’un rapport gaz /-poussières faible pourrait favoriser la formation de cœurs planétaires, car ces conditions permettraient de dépasser la barrière de migration radiale, et ainsi former des planétési-maux avant qu’ils ne tombent sur l’étoile[Brauer et al.,2008]. Une diminution du rapport gaz/poussières dans les régions internes est également prédite par les modèles de dis-sipation des disques incluant le grossissement des grains, principalement du fait de la photoévaporation (voir figure3.17,Gorti et al.[2015],Hughes and Armitage[2012]). Une étude détaillée des variations spatiales du rapport gaz/poussières des disques hybrides, notamment dans les zones internes, permettra donc de comparer les observations avec les résultats des modèles d’évolution des disques.

Concernant le gaz, une analyse détaillée des limites supérieures obtenues pour les molécules telles CS, CN, etc reste à faire pour HD 141569. Avec le modèle de disque obtenu pour le CO, il peut être envisagé par exemple de prédire l’émission de ces molécules en se basant sur les abondances typiques observées dans les disques proto-planétaires, au-tour d’étoiles similaires à HD 141569. Cela permettra de comprendre si les non-détections obtenues sont dues à un manque de sensibilité ou à un effet propre de la chimie du disque. Dans ce dernier cas, cela pourrait poser des contraintes sur l’évolution chimique des disques hybrides, où les conditions d’excitation et de chauffage du disque pourraient

CHAPITRE 5. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES 129 être différentes, du fait de la raréfaction des grains de poussières : le flux UV pénétrerait plus dans le disque, pouvant ainsi conduire à une chimie différente de celle des disques proto-planétaires.

5.2.3 Phase finale de l’évolution du disque primordial

En étudiant l’émission du CO et du continuum à 1,3 mm et 0,87 mm pour différentes classes de disques (CTTS, Herbig, WTTS, hybrides, débris), j’ai montré qu’il existe une corrélation entre l’émission des deux composantes d’un disque. Cependant, la catégorie des disques hybrides se détache de la corrélation par un déficit de poussières (ou un ex-cès de CO). Le rapport SCO/Fcont, qui est indépendant de la distance, est donc plus élevé pour les disques hybrides (autour de 1000) par rapport aux autres catégories, disques de débris compris (rapport autour de 100). Pour compléter l’étude, ce rapport pourra être calculé avec des isotopes du CO plus optiquement minces que le12CO, comme le13CO ou le C18O. Cela permettra notamment de s’affranchir des indéterminations liées à l’opacité (en particulier du gaz). L’émission des isotopes étant bien plus faible que le12CO, seule la sensibilité d’ALMA devrait permettre de détecter leur émission autour de nombreux disques dans les prochaines années et ainsi compléter l’échantillon.

Le rapport SCO/Fcont semble en lien direct avec le rapport de masses élevé observé dans les régions externes des disques hybrides (voir paragraphe précédent), ce qui sug-gère que la poussière évolue plus vite que le gaz autour de ces étoiles, qui se retrouvent en dehors de la corrélation. Cette phase où rapport de flux est élevé peut être interpré-tée comme une phase rapide dans l’évolution des disques, ou comme un phénomène très particulier restreint à une certaine classe d’objets, puisque peu de disques de cette catégorie sont observés.

Les disques hybrides sont actuellement uniquement détectés autour d’étoiles de type A. La question se pose donc tout naturellement de savoir si les propriétés des disques hybrides sont communes aux disques autour d’étoiles de plus faible masse. ALMA sera à n’en pas douter d’une aide précieuse pour compléter l’échantillon des disques obser-vés, comme commencé parBarenfeld et al.[2016]. La recherche de disques hybrides faite durant cette thèse montre que les observations avec les antennes du 30 m et APEX ne sont désormais plus suffisantes pour sonder les disques à faible émission. La détection de disques hybrides autour d’étoiles de faibles masses indiquerait que la phase hybride pourrait être commune à tous les disques, et il sera dans ce cas d’autant plus important de comprendre les implications de cette phase dans les processus de formation des planètes. Les statistiques de détections en fonction de la masse des étoiles pourront par exemple être comparées aux détections d’exo-planètes, qui seront de plus en plus nombreuses dans les années à venir.

5.2.4 Lien avec la formation planétaire

L’étude des disques hybrides, dont l’évolution de la poussière semble différente des autres disques, représente donc un enjeu important pour comprendre la mise en place des systèmes planétaires. La formation des planètes géantes est contrainte par la pré-sence de gaz dans les systèmes, et est donc restreinte aux premiers millions d’années de

130 5.3. LE MOT DE LA FIN