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I.4 Les contraintes biotiques et abiotiques affectant la culture du riz

I.4.2 Contraintes abiotiques

La croissance et la productivité du riz sont très affectées par des stress abiotiques tels que le froid, les fortes températures, les inondations, la salinité et la sécheresse (Zhang et al. 2016). Nous nous intéresserons aux effets de la température et de la sécheresse car ceux-ci représentent des contraintes majeures pour la riziculture en Afrique.

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I.4.2.1 Les effets de la température

La somme des températures nécessaires au riz pour accomplir son cycle de développement varie de 3000°C pour les variétés précoces à 4400°C à 6400°C pour les variétés tardives. Les températures optimales pour la germination et la croissance du riz sont comprises entre 25 ̊ C et 30 ̊ C (Shakiba et al. 2017). Les températures au-dessous de 20°C ont un impact négatif sur la riziculture (Yoshida, 1981; Van Nguyen et Ferrero 2006), de la germination au stade reproductif, en provoquant une diminution des rendements (Andaya et Mackill 2003 ; Fujino et al. 2004 ; Ma et al. 2009 ; Koseki et al. 2010 ; Cruz et al. 2013). La montaison s’avère le stade le plus sensible aux basses températures (Satake and Hayase 1970 ; Kuroki et al. 2007 ; Saito et al. 2010). Lorsque le riz est soumis à des basses températures à ce stade, il en résulte une formation incomplète du pollen qui aboutit à la stérilité des épillets (Singh et al. 2005) et une diminution de rendements pouvant varier de 0,5 à 2,5 t / ha (Singh et al. 2005). En outre, les symptômes identifiées chez le riz soumis au froid vont de l’enroulement, le jaunissement, le rabougrissement, le flétrissement et le brunissement des feuilles, en fonction de la gravité et de la durée du froid (Virgilio C. Andaya et Tai 2007; Lou et al. 2007). Cependant, le riz recèle différents degrés de tolérance au froid. En effet, les variétés japonica sont généralement plus tolérantes au froid que les variétés indica (Glaszmann et al. 1990; Pan et al. 2015 ; Lv et al. 2016), même s’il existe aussi des variations dans les niveaux de tolérance au froid parmi les variétés japonica (Mackill 1995 ; Saito et al. 2004, 2010). Les mécanismes de protection du riz face au froid consistent en particulier à activer l'expression des gènes et des protéines modifiants la composition des membranes en lipides par l’accumulation de polypeptides hydrophobes (Cui et al. 2005 ; Morsy et al. 2010). De nombreux QTLs associés à la tolérance au froid à différents stades de développement du riz ont été identifiés (Takeuchi et al. 2001; Andaya et Mackill 2003; Andaya et Tai 2007; Koseki et al. 2010), dont plusieurs ont pu être caractérisés (Zhao et al. 2016). Parmi ces gènes,

qLTG3-1 qui code une protéine de fonction encore inconnue est associé au contrôle de la

germination (Fujino et al. 2008). En combinant la cartographie QTL et l'analyse des puces à ADN, Liu et al. (2013) ont identifié un gène, LOC_Os07g22494, étant fortement associé à la tolérance au froid chez le riz. Cependant, les mécanismes génétiques régulant la tolérance au froid demeurent peu connus (Lv et al. 2016). Le développement de cultivars de riz tolérants au froid est donc un enjeu majeur pour les chercheurs impliqués dans des programmes de la sélection rizicole (Andaya et Mackill 2003).

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Les températures élevées (> 35°C ; Yoshida 1981) ont des effets néfastes sur la production de riz (Shi et al. 2017). Au stade de floraison, elles peuvent entraîner l'échec de la pollinisation, augmenter la stérilité mâle et provoquer une réduction significative du rendement (Jagadish et al. 2010). Au stade du remplissage des graines, les fortes températures réduisent l'approvisionnement en nutriments des feuilles vers les graines, raccourcissent la durée de remplissage des graines et par conséquent diminuent la qualité nutritionnelle des graines (J. Kim et al. 2011). Les prédictions montrent que le rythme actuel d'augmentation de la température réduirait la production de riz de 41% à la fin du 21e siècle (Khan et al. 2019). Les génotypes cultivés sous températures élevées qui maintiennent un niveau de fertilité des épillets permettant d’aboutir à des rendements satisfaisants pourraient s’avérer utiles pour l’amélioration de la tolérance aux fortes températures (Weerakoon et al. 2008).

I.4.2.2 Le stress hydrique

L'augmentation de la demande en eau due à la croissance démographique et à l'activité économique, urbanisation et l'industrialisation principalement, ont des effets importants sur la réduction mondiale des réserves en eau douce, avec les impacts les plus forts observés en Afrique (Schlosser et al. 2014). D’ici à 2050, les effets combinés de la croissance démographique (augmentation de 1 à 1,3 milliards de la population mondiale) et des changements climatiques pourraient conduire près de 1,8 milliards de personnes (dont 80% dans les pays en développement) à vivre avec des quantités d’eau ne leur permettant pas de couvrir leurs besoins , (Schlosser et al. 2014). Ainsi, la raréfaction en eau demeure la menace la plus critique pour la sécurité alimentaire (Bouman et al. 2007; Farooq et al. 2009).

Le riz est la culture la plus consommatrice d'eau (Datta et al. 2017). Il faut environ 3000 litres d'eau pour produire un kilogramme de riz en riziculture irriguée (Bouman et al. 2007). Dans ces conditions, les besoins moyens en eau d’une plante de riz pendant la durée de son cycle sont d’environ 1240 litres (Yoshida 1981). En riziculture pluviale, les besoins en eau d’une plante de riz pendant la durée de son cycle sont d’environ 450 litres pour les variétés à cycle court et 650 litres pour les variétés à cycle long. La phase qui nécessite le plus d’eau se situe entre l'épiaison et le stade grain laiteux où la plante de riz a besoin de 5 à 6 litres d’eau par jour (Jacquot et Courtois 1983).

Au regard de ces besoins importants d’eau pour la riziculture, la disponibilité de l’eau est un facteur limitant pour la production rizicole (V. Singh et al. 2017). Les mécanismes

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d’adaptation au stress hydrique peuvent être de l’ordre de l’évitement ou de la tolérance (Levitt 1980). L’évitement consiste pour la plante à accomplir son cycle de végétation et de floraison avant la période de sécheresse. Les mécanismes de tolérance regroupent un ensemble de procédés de nature physiologique permettant à la plante de s’adapter à la réduction de la ressource en eau en maintenant, jusqu’à un certain point, une activité métabolique Les mécanismes d’adaptation à la sécheresse impliquent des réponses moléculaires ayant un impact sur la physiologie de la plante entière et intègrent des modifications de la croissance des parties aériennes, de l'architecture racinaire, de l'absorption d'eau et de la transpiration (Messina et al. 2015). Un grand nombre de mécanismes adaptatifs ont été mis en évidence chez le riz soumis à un déficit hydrique parmi lesquels: l’ajustement osmotique au niveau des racines (Hsiao et Xu 2000; O'toole 1982), l’augmentation de la pénétration des racines dans le sol (O’toole, 1982), et l’augmentation de la densité racinaire en profondeur (O'toole 1982; Gowda et al. 2011).

a) Gènes et voies de signalisation induite en réponse au stress hydrique

Le riz en condition de déficit hydrique active la voie de signalisation dépendante de l’acide abscissique (ABA ; Maruyama et al. 2012). La concentration en ABA augmente considérablement en réponse au déficit hydrique (Kumar 2019). L’augmentation de la quantité d'ABA induit la fermeture des stomates et l'accumulation de métabolites et des protéines de stress (Kwak 2003; P. Wang et Song 2008). La perception des signaux de déficit hydrique est transmise de la membrane plasmique vers le noyau (Sanders et al. 1999; Ramanjulu et Bartels 2002) grâce à des récepteurs kinase (RLK) et des Mitogen Activated Protein Kinases (MAPK) capables d’induire la phosphorylation d’autres protéines (Das et Pandey 2010 ; Seybold et al. 2014). De nombreux facteurs de transcription (FTs) régulant cette signalisation en condition de déficit hydrique ont été identifiés chez le riz (figure 7). Ces FTs se lient aux éléments cis-régulateurs des gènes codant pour des protéines appartenant aux familles bZIP, AP2/ERF, MYB, NAC, WRKY, NF-Y, CAMTA, et bHLH (Licausi et al. 2013 ; Castilhos et al. 2014). L'analyse moléculaire des promoteurs de gènes de réponse de la voie dépendante de l’ABA a conduit à l'identification du motif ABRE qui a pour séquence principale ACGTGG/T (Marcotte et al. 1989). Ce motif peut notamment être reconnue par les FTs bZIP (Hobo et al. 1999). La surexpression de certains de ces FTs permet d’induire une tolérance au déficit hydrique. Par exemple, la surexpression du gène ONAC022, du riz,

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améliore la tolérance au déficit hydrique grâce à la voie dépendante de l’ABA (Hong et al. 2016).

Dans la voie indépendante de l'ABA, les facteurs de transcription DEHYDRATION RESPONSIVE ELEMENT BINDING PROTEIN (DREB) du riz tels que DREB, DREB1/CBF et DREB2 jouent un rôle clé dans la tolérance au déficit hydrique (Srivasta et al. 2010 ; Nakashima et al. 2014). Des protéines LATE EMBRYONIC ABUNDANT (LEA), qui sont impliquées dans la tolérance au déficit hydrique, peuvent s'accumuler dans les tissus végétatifs en condition de stress hydrique ainsi que dans les graines au cours de leur déshydratation (Goyal et al. 2005). Par exemple, la surexpression des gènes OsEM1 et

OsLEA3-1 qui codent pour des protéines LEA induit la tolérance au déficit hydrique chez le

riz en améliorant l’intégrité des organes (Xiao et al. 2007; Yu et al. 2016).

L'auxine, une phytohormone particulièrement importante pour le développement racinaire (Ren et al. 2016), joue également un rôle dans la tolérance au déficit hydrique du riz (Kim et al. 2020). En effet, la surexpression des gènes OsPIN3t (Q. Zhang et al. 2012),

OsGH3.2 (Du et al. 2012) et OsGH3.13 (S.-W. Zhang et al. 2009) et du gène auxin/IAA OsIAA6 (Ljung 2013) qui cible le récepteur auxinique TIR1, induit une meilleure tolérance au

déficit hydrique (Kim et al. 2020). De plus, la surexpression du facteur de réponse à l'éthylène (JERF1) augmente la teneur en proline, diminue les pertes en eau, augmente la synthèse d’ABA et régule l’expression des gènes de synthèse de l’ABA, et améliore ainsi la tolérance au déficit hydrique du riz (Z. Zhang et al. 2010).

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Figure 7 : Gènes et voies de signalisation impliqués dans la tolérance au déficit hydrique chez le

riz, adapté de Kumar (2019)

b) Mécanismes physiologiques d’adaptation au stress hydrique

En présence d’une faible humidité du sol, le riz développe des mécanismes d’adaptation (figure 8) que sont : les mécanismes d’esquive, les mécanismes d’évitement, et les mécanismes de tolérance, à travers des changements morpho physiologiques (Levitt 1980 ; Kumar et al. 2017; Panda et al. 2021; Fukai et Cooper 1995).

Mécanismes d’esquive

Le mécanisme d’esquive au déficit hydrique est défini comme la capacité d'une plante à terminer son cycle de développement avant la survenance du déficit hydrique. Il comprend essentiellement deux mécanismes, le développement phénologique rapide et la plasticité de développement (Kumar et al. 2017). Le développement phénologique rapide permet aux plantes, dans des conditions d’approvisionnement en eau limitée, de produire des fleurs puis des graines avec un minimum de croissance végétative (Kumar et al. 2017). La plasticité de

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développement quant à elle permet aux plantes, pendant une période de pluies abondantes, d’avoir une bonne croissance végétative et de produire abondamment des fleurs puis des graines (Kumar et al. 2017).

Mécanismes d’évitement

Le mécanisme d’évitement du déficit hydrique est défini comme la capacité d’une plante à maintenir le potentiel hydrique de ses tissus relativement élevé en dépit d'une faible humidité du sol. Les génotypes de riz qui évitent le déficit hydrique ont généralement des racines profondes et épaisses avec une grande capacité de ramification et de pénétration dans le sol, un rapport racines/partie aériennes élevé, une élasticité à l’enroulement des feuilles, une fermeture stomatique précoce et une résistance cuticulaire élevée (Blum et al. 1989; H. Wang, Inukai, et Yamauchi 2006).

La fermeture des stomates réduit la perte en eau des feuilles et diminue les échanges gazeux entre la plante et l'atmosphère, ce qui impacte le taux de photosynthèse et finalement réduit le rendement de la culture mais permet la survie des plantes en condition de déficit hydrique à court terme (Price et al. 2002). La régulation de la conductance stomatique au cours du stress hydrique résulte de signaux provenant du système racinaire qui restent encore peu compris (Medrano et al. 2002).

L'enroulement des feuilles réduit la perte d'eau là où la fermeture stomatique est incomplète et réduit la charge thermique sur la feuille en réduisant la surface exposée (Yeo et al. 1997). Il existe des interdépendances complexes entre la transpiration, l'assimilation et la température des feuilles, de sorte que l’enroulement des feuilles a une importance adaptative. D'un point de vue agronomique, l’enroulement des feuilles est généralement considéré comme une indication de la sensibilité au déficit hydrique du riz (Yeo et al. 1997).

La cuticule est organisée en une couche continue de lipides hydrophobes qui recouvre les organes aériens des plantes en formant une barrière protectrice contre l’environnement extérieur (Zhou et al. 2013). Elle est synthétisée par les cellules épidermiques et est composée de cutine et de cires (Zhou et al. 2013).Les cires cuticulaires constituent la structure primaire de la cuticule et permet aux plantes de limiter les pertes d’eau non stomatique (Riederer et Schreiber 2001). Chez le riz soumis à un déficit hydrique, il y a surexpression du gène OsGL1-6 qui est impliqué dans la biosynthèse de la cire cuticulaire (au niveau des feuilles) dont l’accumulation induit la tolérance au déficit hydrique (Zhou et al. 2013).

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Dans les racines, une réduction marquée du diamètre des racines coronaires, conduisant à des racines relativement plus fines pour économiser les ressources hydriques a été observé lors d’un déficit hydrique (A. Henry et al. 2012). De plus, la formation de racines latérales augmente, ce qui augmente leur surface d'absorption d'eau ( Kim et al. 2020). La diminution du risque de cavitation des vaisseaux du xylème sous déficit hydrique est attribuée à la diminution du diamètre ou du nombre de ces vaisseaux (A. Henry et al. 2012). Le diamètre des cellules du sclérenchyme augmente alors que leur subérisation et la formation de cellules de l’aérenchyme diminuent (A. Henry et al. 2012).

Mécanismes de tolérance

Le mécanisme de tolérance au déficit hydrique est la capacité des plantes à survivre malgré une faible teneur en eau dans leurs tissus (Fleury et al. 2010). Génétiquement, la tolérance au déficit hydrique du riz est un trait complexe et polygéniques, impliquant des mécanismes morpho-physiologiques (Jenks, Hasegawa, et Jain 2007) tels que le maintien de la turgescence par ajustement osmotique, l'élasticité accrue des cellules, la diminution de la taille des cellules et la conservation de l’intégrité des structures protoplasmiques (Sullivan et Ross 1979).

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Les relations plante – eau conduisent à l'établissement d'un continuum sol-plante-atmosphère (Steudle 2001). La circulation de l’eau s’effectuant du potentiel hydrique le plus élevé au potentiel hydrique le plus faible. Le potentiel hydrique de la plante (Y) peut être décomposé en potentiel osmotique (Ys), potentiel de turgescence (Yp) et potentiel matriciel : la force que la plante doit exercer pour puiser l'eau dans le sol (Ym). Ces éléments sont reliés par :

- Y= - Ys - Ym ± Yp

Le potentiel matriciel est souvent confondu avec le potentiel osmotique dans le cas de la plante. La plante doit maintenir un certain niveau de turgescence pour assurer son activité métabolique. Les cellules restent turgescentes en induisant l'accumulation de solutés (Bais et al. 2003). Les substances osmorégulatrices peuvent être soit des ions inorganiques, tels que K+ et Na+, soit un composé organique qui ajuste le potentiel osmotique cytoplasmique, comme la bétaïne et la proline (Sade et al. 2009).

Le déficit hydrique entraîne des altérations des fonctions métaboliques, dont l'une des plus importantes est la réduction ou l’arrêt de la synthèse des pigments photosynthétiques (parmi lesquels la chlorophylle), ce qui réduit la production de la biomasse et le rendement (Sahebi et al. 2018). Les chlorophylles a et b, que l'on trouve généralement dans les plantes supérieures, sont sensibles au déficit hydrique, la réduction de leur teneur entraîne une augmentation de la peroxydation lipidique et des radicaux libres, et la dégradation de la membrane chloroplastique (Sahebi et al. 2018).Les caroténoïdes et les anthocyanes sont des pigments qui aident le riz à tolérer le déficit hydrique. Le système antioxydant joue un rôle clé pour la réponse fonctionnelle du riz au déficit hydrique (Wang et al. 2019). Parmi les antioxydants il y a des molécules tels que l’acide ascorbique, le glutathion, les tocophérols ; des enzymes régénérant des formes réduites d'antioxydants et les enzymes interagissant avec les dérivés réactifs de l’oxygène telles que la superoxyde dismutase, les peroxydases et les catalases (Blokhina, Virolainen, et Fagerstedt 2003) ; des caroténoïdes ont diverses fonctions dans l’interception de la lumière, la structure du photosystème chloroplastique et la photo protection (Sahebi et al. 2018) en piégeant l'oxygène singulet et les radicaux peroxy-lipidiques, ainsi qu'en inhibant la peroxydation lipidique et en générant des super oxydes (Deltoro et al. 1998) ; des anthocyanes grâce à leur noyau aromatique agissent comme

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stabilisateur de membrane pendant les épisodes de déficit hydrique (Farooq et al. 2010); des composés phénoliques (en plus des tocophérols) tels que les flavonoïdes, les tanins et les précurseurs de la lignine qui agissent souvent comme des composés piégeurs de dérivés réactifs de l’oxygène (Blokhina, Virolainen, et Fagerstedt 2003) ; le couple ascorbate-glutathion situé dans les chloroplastes et fournissant à la plante une photo-protection en piégeant le peroxyde d'hydrogène (Noctor et Foyer 1998).

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