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Les plasmides initient leur r´eplication ind´ependamment du cycle cellulaire. Le nombre de copies par cellule est un param`etre caract´eristique de chaque plasmide, qui peut n´eanmoins varier suivant la souche hˆote, les conditions de croissance et la phase de croissance. Un faible taux de r´eplication induirait une perte du plas- mide, et au contraire un fort taux pourrait rapidement devenir un fardeau pour le m´etabolisme de l’hˆote. Des syst`emes intrins`eques du contrˆole de la r´eplication du plasmide permettent un maintien `a un nombre de mol´ecules par chromosome re- lativement constant et caract´eristique d’un plasmide donn´e dans des conditions de croissance d´efinies. Les strat´egies d´evelopp´ees par les plasmides d´ependent de deux cat´egories d’inhibiteurs de l’initiation de la r´eplication : la r´egulation du niveau in- tracellulaire de la prot´eine Rep par des s´equences r´ep´et´ees appel´ees it´erons (plasmide F, plasmide P1, pour revue Chattoraj 2000), et l’inhibition de la traduction d’un ARN essentiel `a l’initiation de la r´eplication via un ARN antisens (ColE1, R1, pour revuedel Solar and Espinosa 2000). Ces modes de r´egulation ont ´et´e principalement ´etudi´es chez les plasmides poss´edant un mode de r´eplication de type θ (Figure 3). Les deux autres mod`eles de la r´eplication sont la r´eplication par cercle roulant et la r´eplication par d´eplacement de brin (pour revue del Solar et al. 1998).

1.D.1.a Le contrˆole par les it´erons

Les it´erons sont essentiels pour la r´eplication du plasmide mais aussi pour le contrˆole du nombre de copie. Deux mod`eles ont ´et´e propos´es pour expliquer le contrˆole de la r´egulation par les it´erons. Le premier mod`ele est bas´e sur l’obser- vation de la r´eplication du plasmide F qui est inhib´ee lorsque les it´erons de la r´egion origine sont clon´es sur un plasmide compatible (Tolun and Helinski, 1981). Des observations similaires ont ´et´e faites pour le plasmide P1, o`u il a ´et´e montr´e que l’inhibition de la r´eplication est proportionnelle au nombre d’it´erons clon´es

ori ter R´eplichore 1 R´eplichore 2 R´eplication ori ter ori Brins n´eosynth´etis´es Brins n´eosynth´etis´es Structure thˆeta (Θ)

Figure 3 – La r´eplication bidirectionnelle par le m´ecanisme thˆeta La r´eplication est initi´ee `a partir du site unique ori. Les fourches de r´eplications (carr´e jaune) progressent en sens oppos´e sur les deux r´eplichores. Pour chaque fourche de r´eplication, un brin pr´ecoce (fl`eches pleines grises) est produit en continu `a partir d’une seule amorce et un brin retard´e (fl`eches pointill´ees grises) est synth´etis´e sous forme de fragments discontinus (fragment d’Okasaki) qui sont ensuite reli´es de

(Pal and Chattoraj,1988). Ces observations ont conduit `a la formulation du mod`ele de titration (Tsutsui et al., 1983). Ce mod`ele propose que la prot´eine Rep est en concentration limitante pour l’initiation de la r´eplication, et que les it´erons titrent les prot´eines Rep r´eduisant ainsi la fr´equence d’initiation. Paradoxalement, les prot´eines Rep des plasmides poss´edant des it´erons sont autor´egul´ees. Ceci implique que la titration par les it´erons pourrait conduire `a la d´er´epression du g`ene rep et par cons´equent augmenter la fr´equence d’initiation de la r´eplication. Pour compl´eter le mod`ele de titration, il a ´et´e propos´e que l’autor´egulation et l’initiation de la r´eplication soient g´er´ees par diff´erentes formes de la prot´eine Rep et donc la titration ne cause pas la d´er´epression. Le cas du plasmide F (Figure 4) permet d’illustrer ce mod`ele. En effet, la forme native de la prot´eine Rep du plasmide F (RepE) est un homodim`ere inactif pour l’initiation de la r´eplication, mais active pour la r´epression de la transcription du g`ene repE (Ishiai et al., 1994). L’initiation de la r´eplication n´ecessite la conversion des dim`eres de RepE en monom`eres. RepE se fixe alors sur les it´erons d’ori2 afin d’initier la r´eplication. Le rˆole de titration de RepE est assur´e par la r´egion IncC situ´ee en aval du g`ene repE et compos´ee de plusieurs r´ep´etitions d’it´erons.

Un mod`ele alternatif `a celui de titration/autor´egulation a ´et´e propos´e suite `a une ´etude r´ealis´ee sur le plasmide P1 par Chattoraj et collaborateurs (Chattoraj et al.,

1988). Les auteurs ont remis en question l’effet de la titration en montrant que les prot´eines Rep du plasmide P1 (RepA) fix´ees aux it´erons de incA sont toujours capables de r´eprimer le promoteur de RepA. Ce mod`ele se base sur la capacit´e des prot´eines RepA de se fixer `a deux it´erons simultan´ement, entraˆınant la formation de boucle d’ADN au sein de la mˆeme mol´ecule (cis). Selon ce mod`ele, les prot´eines RepA fix´ees sur les it´erons d’une origine vont aussi interagir avec des complexes similaires g´en´er´es sur les autres origines. Par cons´equent, les plasmides sont appari´es par des interactions Rep-Rep causant un encombrement st´erique des deux origines (trans). C’est le mod`ele dehandcuffing (McEachern et al., 1989) qui peut donc s’effectuer en cis ou en trans. Dans ce cas, c’est la concentration en it´erons, plus que le niveau d’expression de Rep, qui d´etermine la fr´equence de r´eplication. Pour le plasmide F, il a ´et´e d´emontr´e que le contrˆole du nombre de copies ´etait compatible avec un couplage des m´ecanismes de titration et de handcuffing (Morrison and

Chattoraj, 2004).

1.D.1.b Le contrˆole par un ARN antisens

Le contrˆole du nombre de copies des plasmides au moyen d’un ARN antisens est un syst`eme alternatif `a celui impliquant des it´erons. Ces ARN antisens sont compl´ementaires d’une r´egion en 5’ d’un transcrit cible essentiel `a l’initiation de la

RepE DnaA

box A/T 13mer (P/O)

ARNm RepE

incC

DR IR

ori2

Dim`ere de RepE Monom`ere de RepE

Chaperone Initiation de

la r´eplication

R´epression de la transcription

Figure 4 – Organisation de la r´egion contenant l’origine de r´eplication du plasmide F

La partie ori2 contient deux sites de fixation de DnaA, une r´egion riche en AT, une s´equence de 13 mer homologue `a celle pr´esente `a la r´egion origine du chromosome et quatre s´equences r´ep´et´ees en orientation directe de 19pb (it´erons) sur lesquelles RepE se fixe de fa¸con sp´ecifique. Le g`ene repE est localis´e `a proximit´e d’ori2 et code pour la prot´eine de r´eplication RepE du plasmide F. Son expression est sous le contrˆole de s´equences r´ep´et´ees en orientation inverse, en amont du promoteur, sur lesquelles RepE peut se fixer. La r´egion r´egulatrice, incC, est constitu´ee de cinq s´equences r´ep´et´ees en orientation directe qui partagent un consensus avec les it´erons d’ori2. Les s´equences r´ep´et´ees d’incC et les it´erons d’ori2 sont en orientation inverse. (D’apr`es Uga et al. 1999.)

r´eplication (pRNA ou mRNA de rep) et sont appel´es “countertranscribed RNAs” (ctRNAs). La r´egulation avec des ARNs antisens concerne en g´en´eral des plasmides multicopies (ColE1,p15A). Cependant des plasmides `a bas nombre de copies utilisent ce type de r´egulation et l’exemple du plasmide R1 est d´ecrit ici (Figure 5). Le contrˆole du nombre de copies de R1 est exerc´e au niveau de la synth`ese des prot´eines Rep (RepA) qui est r´egul´ee par les g`enes de contrˆole du nombre de copies copA et copB ( pour revue Nordstr¨om et al. 1984; Wagner and Simons 1994). Les produits de copB et de copA inhibent le g`ene repA respectivement au niveau transcriptionnel et post-transcriptionnel. copA est le principal g`ene du contrˆole du nombre de copies alors que copB poss`ede un rˆole accessoire. CopB r´eprime, sous sa forme dim´erique, la transcription de repA en agissant sur son promoteur localis´e en aval de copB. copA est transcrit `a partir d’un promoteur constitutif et son produit est un ARN instable (une demi-vie de deux min), CopA, qui est compl´ementaire `a la r´egion leader (CopT) de l’ARNm de repA. L’hybridation de l’ARN CopA `a sa cible CopT inhibe la synth`ese de RepA en empˆechant la traduction du peptideleader, Tap qui est coupl´e `a la traduction de RepA (Blomberg et al., 1992). L’efficacit´e de l’inhibition d´epend de la stabilit´e du duplex CopA-CopT. Le clivage de ce duplex par la RNaseIII semble ˆetre une ´etape importante dans le contrˆole de la synth`ese de RepA (Blomberg et al., 1990).

En g´en´eral, tous les mod`eles sur le contrˆole de la r´eplication des plasmides peuvent expliquer comment la moyenne du nombre de copies des plasmides est maintenue dans une population en croissance et comment les fluctuations de cette moyenne sont corrig´ees. Cependant le maintien du nombre de copies des plasmides ne permet pas d’expliquer la stabilit´e des plasmides `a bas nombre de copies dans les cellules filles. Ce m´ecanisme est g´er´e par un syst`eme port´e par le plasmide appel´e syst`eme de partition, qui fait l’objet du paragraphe suivant.

1.D.2

La s´egr´egation des plasmides

Des ´etudes sur la localisation de l’ADN plasmidique donnent un aper¸cu sur les ´ev`enements de s´egr´egation des plasmides. Tout comme les chromosomes bact´eriens, les plasmides pr´esentent une localisation dynamique tr`es ordonn´ee qui souligne la pr´esence d’un m´ecanisme actif impliqu´e dans la s´egr´egation des plasmides. Cette fonction est assur´ee par les syst`emes de partition. Des exp´eriences de microsco- pie `a fluorescence ont permis de d´eterminer le positionnement des plasmides F et P1 dans les cellules, par une approche FISH (hybridation de sondes marqu´ees compl´ementaires `a la s´equence du plasmide F) ou FROS (localisation de s´equences lacO par l’expression de la prot´eine de fusion LacI-GFP)

ADN copB

PcopB

copA

PrepA

PcopA

tap repA oriR1

copA copT

ARN Prot´eine

Figure 5 – Contrˆole de la r´eplication du plasmide R1 par ARN antisens La prot´eine initiatrice RepA peut ˆetre traduite `a partir de deux transcrits (pointill´es bleus : ARNm de repA ; pointill´es bleus et rouges : ARNm de copB et de repA). Il existe deux voies de r´egulation de la synth`ese de RepA : la r´epression du promoteur PrepA par la prot´eine CopB et l’inhibition de la traduction de l’ARNm de repA par l’ARN antisens copA. (D’apr`es Nordstr¨om 2006.)

(Gordon et al.,1997;Niki and Hiraga,1997). Les deux m´ethodes qui utilisent respec- tivement des cellules fix´ees et des cellules vivantes, donnent des r´esultats similaires concernant le nombre de foci et leur localisation pour les deux plasmides. En g´en´eral, les petites cellules ont un seul focus au centre de la cellule, alors que les grandes cel- lules ont deux foci localis´es aux positions 14 et 34 des cellules (Figure 6). Les cellules d’une longueur interm´ediaire peuvent avoir un focus ou deux foci, ce qui sugg`ere que la migration des plasmides n’est pas coupl´ee `a l’´elongation de la cellule. La fr´equence de cellules avec deux foci tr`es proches est tr`es faible, sugg´erant qu’une fois r´epliqu´es les plasmides sont directement d´eplac´es vers les positions 1

4 et 3 4 de la cellule. Ils y sont maintenus jusqu’`a la fin de la cytokin`ese. Dans le cas du plasmide R1, le positionnement des copies du plasmide est l´eg`erement diff´erent (Jensen and Gerdes, 1999). Ils sont localis´es au centre de la cellule ou, contrairement au plas- mide F (Figure 6) et P1, proches des pˆoles de la cellule. La pr´esence de tous les ´el´ements du syst`eme de partition est essentielle pour la localisation des plasmides et leur absence conduit `a une distribution al´eatoire des plasmides dans les cellules (Jensen and Gerdes,1999; Niki and Hiraga,1997).

Ces r´esultats ont mis en ´evidence que la partition est une r´eaction de position- nement des plasmides `a l’int´erieur des cellules. Il faut assurer que les copies soient reparties avant la division cellulaire et les syst`emes de partition sont responsables de cette fonction. Ce m´ecanisme semble ind´ependant du cycle cellulaire. Une fois la r´eplication termin´ee, les substrats de la partition vont ˆetre rapidement s´egr´eg´es. Il est clairement d´efini que les syst`emes de partition plasmidique ont un rˆole pri- mordial dans la s´egr´egation des plasmides. Les ´el´ements du syst`eme sont essentiels pour la partition et sont responsables de la localisation des plasmides au centre de la cellule ainsi que de leur s´egr´egation dans les cellules filles. Nous verrons dans le chapitre suivant que les syst`emes de partition sont compos´es de trois ´el´ements qui ont chacun des fonctions sp´ecifiques et qui interagissent entre eux pour permettre la partition.

A B

Figure 6 – Localisation intracellulaire du plasmide mini-F par hybridation in situ (FISH)

Le plasmide F (colonnes de gauches) est r´ev´el´e grˆace `a une sonde portant le fluoro- chrome Cy3. Les nucl´eo¨ıdes (colonnes de droites) sont marqu´es au DAPI. Dans les deux cas, les images sont combin´ees avec le contraste de phase.

(A) Les cellules portent un plasmides miniF sopABC+, (B) les cellules portent un plasmides miniF sopABC−. La barre d’´echelle indique 1 µm. (D’apr`esNiki and Hi- raga 1997.)