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Le contrôle et la surveillance des médicaments disponibles sur le marché

L’UE s’est donnée plus tardivement les moyens de contrôler et surveiller réel-lement les médicaments disponibles sur le marché.

30 Règlement 726/2004, art. 3 al. 1 et Annexe.

31 Règlement 726/2004, art. 3 al. 2.

32 Directive 2001/83, art. 28.

33 Directive 2001/83, art. 34.

1. La pharmacovigilance : une nécessité

Les systèmes de pharmacovigilance sont destinés à l’amélioration de la santé publique à travers la surveillance de la sécurité des médicaments disponibles sur le marché. D’une part, ils permettent le relevé et l’analyse de données rela-tives aux réactions indésirables aux médicaments pouvant résulter d’un médi-cament pris séparément ou en combinaison avec d’autres substances. En effet, non seulement les effets négatifs pour la santé intrinsèques aux médicaments ne peuvent pas tous être détectés avant leur distribution à un nombre beau-coup plus large de patients, mais encore, les effets de la combinaison de médi-caments ne sont jamais détectés avant la mise sur le marché pour des raisons pratiques évidentes. D’autre part, ils doivent aussi permettre la prévention des effets indésirables par l’intermédiaire de décisions imposant des restrictions d’emploi, voire le retrait du marché des médicaments pour lesquels la balance entre le bénéfice et le risque est considérée comme trop défavorable.

En 2008, le programme de la Commission européenne pour le renforce-ment de la régulation des médicarenforce-ments disponibles sur le marché en Europe insistait sur la nécessité d’améliorer fortement le système européen de phar-macovigilance34. Pour la Commission, la nécessité d’un tel renforcement était clairement justifiée par l’importance des conséquences des effets indésirables à l’origine de nombreux décès en milieu hospitalier notamment et l’impossibilité de détecter tous les effets indésirables d’un médicament avant sa commerciali-sation35. Ainsi, en 2008, il était estimé que les effets indésirables des médica-ments étaient à l’origine de 5% des hospitalisations et d’un décès sur cinq en milieu hospitalier. Au-delà, les capacités de contrôle et de surveillance étaient aussi considérées comme indispensables à la réalisation d’un autre objectif poursuivi par la Commission, toujours dans l’intérêt de la protection de la sé-curité des patients, à savoir : la lutte contre les médicaments falsifiés. Les mé-dicaments falsifiés sont des mémé-dicaments dont la présentation pharmaceutique comporte une fausse présentation de l’identité du médicament (notamment une fausse présentation de sa composition ou du dosage de ses composants), de sa source ou de son historique36. Ils sont à l’origine d’échecs thérapeutiques, de l’exacerbation des maladies et du développement de la résistance aux anti-microbiens. Ce phénomène, qui touchait jusqu’alors principalement les pays à

34 Communication du 10 décembre 2008 de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Des médicaments sûrs, innovants et accessibles : une vision nouvelle du secteur pharmaceutique, COM (2008) 666 final.

35 Voir en ce sens : Commission européenne, Proposition de directive du Parlement Européen et du Conseil modifiant, en ce qui concerne la pharmacovigilance, la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, COM (2008) 665 final.

36 Définition retenue par l’art 1 al. 33 de la directive 2001/83/UE, qui distingue en outre clairement les médicaments falsifiés des médicaments contrefaits (c’est-à-dire les médicaments non conformes à la législation de l’UE en matière de droits de la propriété intellectuelle et industrielle) et du médica-ment licite mais présentant des défauts de qualité non intentionnels.

faible revenu en raison notamment de l’absence de règlementation des pro-duits pharmaceutiques37, a engendré l’adoption en 2011 d’une directive euro-péenne destinée à l’harmonisation des mesures de contrôle et de sécurité aux frontières de l’UE38.

2. Les évolutions du système européen de pharmacovigilance

Concernant plus précisément la réalisation de l’objectif de renforcement de la pharmacovigilance, des mesures ont été prises en 2010 pour améliorer le sys-tème communautaire considéré comme insuffisant. Elles sont rassemblées au sein de la directive 2010/84/UE et du règlement (UE) 1235/2010 entrés en vi-gueur en 2012. Ces textes, selon le même schéma que celui retenu pour la phase d’évaluation précédant l’attribution de l’AMM, prévoient des mesures d’ordre matériel, institutionnel et structurel. Les mesures matérielles, tout d’abord, visent à la fois à l’inscription dans la loi des lignes directrices exis-tantes en matière de surveillance des médicaments et à la confirmation des responsabilités respectives des Etats membres et des détenteurs d’AMM. Ain-si, il apparaît clairement que les Etats sont des acteurs clés du système. Ils doi-vent établir un système de pharmacovigilance permettant la collecte des in-formations utiles pour la surveillance des médicaments, collaborer avec l’EMA pour surveiller la mise en œuvre des plans de gestion des risques établis pour chaque médicament, ou bien encore, surveiller les informations de la base de données européenne39. Les titulaires d’AMM quant à eux ont de larges obliga-tions comme celle de mettre en œuvre un système de pharmacovigilance40 qui leur permet d’enregistrer tous les effets indésirables suspectés et de notifier à l’EMA, par voie électronique, les informations sur ces effets indésirables41.

Ensuite, les évolutions institutionnelles et structurelles sont importantes et encore plus décisives car elles sont en définitive essentielles à la réalisation de la coordination, de l’évaluation et de la transmission des informations. Le cadre règlementaire de 2010 a autorisé un renforcement des structures en re-courant aux nouvelles technologies informatiques permettant la collecte, le stockage et la gestion de données, ainsi qu’en favorisant l’accroissement des moyens institutionnels et le développement d’une expertise de très haut

37 OMS, Perspectives politiques de l’OMS sur les médicaments, 7 novembre 2003 – Une réglementation pharmaceutique efficace : assurer l’innocuité, l’efficacité et la qualité des médicaments, 2003.

38 Directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2011, modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, en ce qui concerne la prévention de l’introduction dans la chaîne d’approvisionnement légale de médicaments falsifiés, JO n° L 174 du 01.07.2011, pp. 74-87.

39 Directive 2010/84 du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2010, modifiant, en ce qui concerne la pharmacovigilance, la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, JO n° L 348 du 31.12.2010, art. 107 nonies.

40 Directive 2010/84, art. 104.

41 Directive 2010/84, art. 107 al. 1 et 3.

veau au sein de l’EMA. Concernant ce dernier point, le renforcement des moyens a pris la forme d’un nouveau comité scientifique appelé Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (Pharmacovigilance Risk Assessment Committee, PRAC) qui a été créé au sein de l’EMA42. Ce Co-mité, composé de spécialistes en matière de sécurité du médicament provenant de différents pays membres43, est chargé de faire une analyse initiale des don-nées et de définir « les propriétés concernant les signaux de risques nouveaux, de changements des risques existants ou de modification du rapport béné-fice/risque »44. Son rôle est par conséquent crucial même si, en définitive, c’est au Comité des médicaments à usage humain – qui est le comité d’origine à partir duquel a été créée l’EMA – que revient la charge de formuler un avis final sur le rapport bénéfice-risque des médicaments autorisés par l’EMA, sur la base de l’évaluation réalisée par le PRAC. Concernant les médicaments ayant reçu une AMM dans le cadre d’une procédure décentralisée, l’EMA est aussi au centre des activités de pharmacovigilance. Les évaluations réalisées par le PRAC dans ce cas sont transmises au groupe de coordination qui super-vise l’ensemble des systèmes de gestion des risques des Etats membres. Les avis rendus par l’EMA sur la sécurité des médicaments disponibles sur le mar-ché concernent donc tous les médicaments, sans exception selon l’origine de leur AMM.

Concernant les évolutions structurelles, la réforme de 2010 a imposé, d’une part, une modernisation des activités de collecte de l’information et de coordi-nation des avis et, d’autre part, une amélioration des techniques de transfert des informations sur les effets indésirables des médicaments aux profession-nels de santé, au public et aux Etats membres. L’EMA a procédé à la moderni-sation du système informatique « Eudravigilance » qui est une base de don-nées et un réseau de traitement des dondon-nées de pharmacovigilance. Eudravigi-lance est accessible dans son entier et en permanence pour les Etats membres, l’Agence du médicament et la Commission ; les titulaires d’autorisations de mise sur le marché, en revanche, y ont un accès plus limité45. Ce système est le point unique de centralisation des informations sur la pharmacovigilance des médicaments en Europe46. L’EMA est aussi chargée de la gestion d’un « portail

42 Règlement 1235/2010, art. 56 § 1.

43 Le Comité est composé à la fois d’experts nommés par les Etats membres et de membres nommés par la Commission européenne qui sont des experts scientifiques indépendants ou des représen-tants des professionnels de santé et des patients. Voir : règlement 1235/2010, considérant 8.

44 Règlement 1235/2010, art. 28bis.

45 Règlement 1235/2010 du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2010 modifiant, en ce qui concerne la pharmacovigilance des médicaments à usage humain, le règlement (CE) 726/2004 établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments, et le règlement (CE) 1394/2007 concernant les médicaments de thérapie innovante, JO n° L 348 du 31.12.2010, considérant 5.

46 Règlement 1235/2010, considérant 6.

web européen » qui contient toutes sortes d’informations47. On trouve notam-ment sur ce portail les élénotam-ments d’information suivants : des résumés des plans de gestion des risques relatifs à des médicaments autorisés48 ; la liste des médi-caments qui font l’objet d’une surveillance supplémentaire, à l’instar des mé-dicaments autorisés dans l’Union et qui contiennent une nouvelle substance active qui n’était contenue dans aucun médicament sur le marché de l’Union avant janvier 201149 ; des protocoles et résumés accessibles au public des résul-tats des études de sécurité post-autorisation50 ; des conclusions d’évaluation, des recommandations et avis du PRAC et des autres comités au sein de l’EMA cités plus haut51 ; des informations relatives au lancement des procédures d’urgence de l’Union visant à la suspension ou au retrait d’une AMM, à l’interdiction de la délivrance d’un médicament ou au refus de renouvellement d’une AMM52 ; une information complète sur les démarches et formulaires utilisés pour la notification aux autorités nationales compétentes des effets in-désirables suspectés de médicaments53.

III. Les exceptions aux conditions principales de l’AMM : vers un changement de paradigme ?

Ces dernières années, le législateur européen a introduit des procédures alter-natives visant à autoriser un accès plus rapide aux nouveaux médicaments au détriment du respect des exigences traditionnelles en termes de sécurité et d’efficacité. Ces procédures sont destinées à n’être utilisées que dans des cas particuliers (A). Néanmoins, l’idée d’un recours accentué à ce type de méca-nisme fait son chemin ce qui pose des questions importantes concernant la sé-curité des patients et le transfert des risques (B).

A. Les procédures accélérées : un amoindrissement des exigences

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